Le problème des voies de recours reste entier
Le projet de réforme, soumis à consultation publique, donne la compétence exclusive aux présidents de juridictions en matière d’exequatur CFC recommande aux investisseurs détenteurs du statut CFC «d’intégrer une clause désignant Casablanca international médiation and arbitration center (CIMAC) comme lieu de règlement des litiges contractuels».
Le projet de réforme de l’arbitrage et de la médiation conventionnelle (voir Les inspirations ÉCO du 20 décembre 2017) a enfin été soumis à consultation par le ministère de la Justice et le Secrétariat général du gouvernement le 17 janvier dernier. Bien que le texte ait «libéré» la volonté des parties en extirpant les arbitres de toute tutelle judiciaire, l’avant-projet est considéré comme «timide» par les professionnels sur la question des voies de recours contre les sentences arbitrales. Certes, la réforme a facilité la procédure en donnant la compétence exclusive aux présidents de juridictions pour donner la force exécutoire aux décisions, la question des voies de recours reste entière. «Il y a lieu de rappeler que la procédure d’exequatur des sentences arbitrales internationales n’est pas une action en référé mais bien une procédure au fond, qui peut être longue et fastidieuse», indique Nawal Ghaouti, avocate. «Elle doit être déposée devant le président du Tribunal de commerce du lieu d’exécution de la sentence appuyée de l’original de la décision et des pièces correspondantes, le tout traduit en langue arabe. La traduction en langue arabe constitue en elle-même dans la pratique une lourde contrainte pour la partie étrangère et ses conseils, d’autant plus lorsque des points techniques spécifiques sont évoqués et que le volume de la décision rendue est important». Les rédacteurs de la loi 08-05 consacrent le principe selon lequel l’ordonnance accordant l’exequatur n’est susceptible d’aucun recours, mais ce principe n’a pas une portée absolue.
L’ordonnance d’exequatur elle-même peut être attaquée par voie d’appel si la demande est refusée et dans certains cas si celle-ci est accordée. «En pratique, nous constatons que les parties au litige usent et abusent le plus souvent de ces voies de recours afin de retarder le plus longtemps possible, voire empêcher la mise en exécution des termes de la sentence et tenter de faire dévier le procès en leur faveur par l’annulation notamment de cette sentence», témoigne Ghaouti. En plus de l’utilisation massive des voies de recours, qui endigue l’effectivité de l’arbitrage, les magistrats ont encore beaucoup de brèches légales pour ne pas appliquer les sentences. Pour cela, les juges opposent généralement le principe «d’ordre public international marocain». Un mécanisme systématiquement utilisé, qui trouve sa base dans la loi sur l’arbitrage et la médiation conventionnelle, et qui donne le droit au juge de ne pas donner suite à la décision des arbitrages «lorsque la reconnaissance ou l’exécution d’une sentence entraînerait la violation de l’ordre public, soit en raison de la procédure au terme de laquelle la sentence a été rendue, soit en raison du contenu de la sentence (…)».
En conséquence, les professionnels estiment que «si une partie d’une sentence, qui viole l’ordre public international, peut être dissociée d’une autre partie, qui y est conforme, la partie qui n’est pas en contradiction avec l’ordre public international doit être reconnue et exécutée». Le manque de motivation des décisions des juges est également pointée : «Si une juridiction refuse de valider une sentence, elle ne devrait pas se limiter à une simple référence à l’Article V.2 (b) de la Convention de New-York de 1958 ou à sa propre loi ou à sa jurisprudence», indique Mohamed Mernissi, arbitre. Et d’ajouter : «Un exposé détaillé de sa méthode de raisonnement et des motifs du refus de reconnaissance ou d’exécution aidera à promouvoir une pratique plus harmonisée et à dégager un consensus sur les principes et les règles qui pourraient être considérés comme faisant partie de l’ordre public international». Pour les praticiens, la réforme des voies de recours donnera plus de poids, notamment à la place Casa Finance City. Selon les praticiens, plus de 80% des contentieux économiques et financiers sont réglés devant les tribunaux et au niveau de leurs contrats internationaux, les investisseurs préfèrent se référer aux places londoniennes, new-yorkaises ou encore parisiennes…Raison pour laquelle la Direction des opérations et des affaires institutionnelles de CFC Authority, recommande «aux investisseurs (détenteurs du statut CFC) d’intégrer une clause désignant Casablanca international médiation and arbitration center (CIMAC) comme lieu de règlement des litiges contractuels».