Le PAM demande une enquête
Elle aura pour objectif de lever le voile sur les problématiques du ciblage, les prix, la qualité et surtout le rôle négatif des intermédiaires. La profession veut que le secteur soit libéralisé pour que les règles de la concurrence loyale soient l’unique arbitre.
Le feuilleton des missions parlementaires continue. Après le séisme que le rapport sur les carburants a provoqué, une nouvelle demande de mission parlementaire porte sur la farine subventionnée et vient cette fois-ci du PAM. Le sujet est loin d’être anodin puisqu’il est au cœur de la politique de ciblage que le précédent gouvernement, autant que l’actuel, en font leur cheval de bataille. Le timing de cette requête des députés du PAM, déposée au bureau du président de la commission des finances et du développement économique, est bien choisi. Le contexte social qui a beaucoup joué dans la sortie du rapport sur les carburants, s’y prête. S’y ajoute cette tendance réaffirmée du gouvernement à lever le pied sur les derniers bastions de la compensation: le gaz, le sucre et la farine subventionnée. À propos de cette dernière, les quantités destinées, en principe, aux populations pauvres dans les zones éloignées, ont rétréci comme peau de chagrin. Selon un professionnel du secteur, le quota a chuté de 10 millions de quintaux en 2012, à 6 millions aujourd’hui. Il s’agit là d’une volonté de s’inscrire dans un processus de décompensation progressive qui arrive presqu’aujourd’hui à maturité.
Entre temps, l’idée du ciblage n’a pas été abandonnée. La subvention pourrait être maintenue dans les zones éloignées avec des quotas maîtrisés et bien gérés. Dans ce sens, le recensement des populations nécessiteuses et des zones pauvres a été enclenché. Par ailleurs, une cartographie régionale de la pauvreté devrait aussi voir le jour. Tout cela pour mieux maîtriser les enjeux de l’aide directe et mesurer son impact sur le niveau de vie des pauvres. Dans sa demande, le PAM a mis l’accent sur le rôle que la farine subventionnée joue pour maintenir l’équilibre social. De là, ces questions qui reviennent à chaque fois: comment bien cibler les couches nécessiteuses et les régions éloignées pour que la subvention puisse jouer pleinement son rôle ? Est-ce que la subvention profite à des populations qui n’en ont pas besoin ? Et enfin existe-t-il une transparence dans le processus de détermination des critères définissant les bénéficiaires ? La mission d’enquête devrait aussi trouver des réponses aux questions de respect du prix défini par la commission gouvernementale durant les opérations de distribution et de vente, de la qualité du produit et de sa disponibilité en quantité suffisante. Le PAM veut aussi que cette mission parlementaire démarre dans les plus brefs délais afin de mettre en évidence l’urgence d’une réelle réforme du secteur. Les minotiers sont au centre de cette volonté de réforme qui, il ne faut pas s’en cacher, irait inexorablement vers la libéralisation. Une source proche de la profession nous a indiqué que celle-ci a toujours demandé le parachèvement de la libéralisation du secteur et ce, depuis les années 1990. C’est un vieux souci qui s’identifie dans le besoin d’être autonome dans ses décisions.
Dans cette configuration, le marché devient le seul arbitre. Une concurrence loyale entre les moulins dans les régions, ne pourrait être que bénéfique en termes de prix et de qualité du produit pour le citoyen. Elle sera aussi à l’avantage des minotiers qui veulent se professionnaliser. Mais ne risquerait-on pas de tomber dans la même situation que les carburants dont les prix ont flambé après la libéralisation ? Les professionnels s’en défendent estimant que le pain, par son caractère de produit essentiel, ne peut tomber dans un tel travers. «Nous voulons que l’esprit de rente, qui entache l’image du secteur, ne reste plus associé à la gestion de la profession de manière globale», a expliqué notre source. Les minotiers insistent sur le fait que la farine qu’ils fabriquent est vendue à un prix moins chers que celui de revient. C’est l’État à travers la Caisse de compensation qui paie la différence pour un total qui varie entre 1,5 et 2 milliards de dirhams, explique-t-on. Cependant et comme défendu par les professionnels, l’enjeu est moins budgétaire que social.
Les intermédiaires faussent le jeu de la concurrence
Les professionnels estiment que le Maroc est parmi les pays où la farine se vend le moins cher. La farine subventionnée, dont le prix est affiché à 200 DH le quintal, est certes bon marché, mais les intermédiaires font grimper ce prix au détriment du consommateur final. Quant à la farine libre, dite aussi de luxe, et qui est censée être vendue à 350 DH/ql, elle se vend à 310 voire 300 DH/ql, argumente-t-on au sein de la profession. La raison de cette vente à la baisse est qu’il existe une sur-capacité qui se traduit par une concurrence acerbe entre moulins. Toutefois, les intermédiaires interviennent encore une fois pour fausser le jeu et faire encore grimper ce prix au grand dam des consommateurs et de la profession.