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Le Maroc appelé à repenser sa gouvernance publique

Mohamed Benabdelkader, Ministre de la Réforme de l’administration et de la fonction publique

C’est un sujet de la plus haute importance pour le Maroc, qui est au cœur du Forum des Nations unies pour le service public, dont les travaux ont été ouverts jeudi à Marrakech en présence de quelque 800 participants de plus d’une centaine de pays. Il s’agit de transformer la gouvernance pour réaliser les objectifs de développement. La vision du département de tutelle est basée sur l’objectif de transformatio, dont une restructuration efficiente de l’administration et le changement des mentalités. Le point avec le ministre de la Réforme de l’administration et de la fonction publique, Mohamed Benabdelkader.

Les Inspirations ÉCO : Pourquoi l’administration marocaine n’a-t-elle pas encore suffisamment assimilé la notion de bonne gouvernance ?
Mohamed Benabdelkader : Il faut dire que c’est une nouvelle notion dans la culture administrative au Maroc. Il y a quelques années, il s’agissait d’un concept qui a été élaboré et étudié dans les établissements universitaires. Des thèses ont été axées sur ce concept qui a été, par la suite, constitutionnalisé en 2011 à travers un certain nombre d’articles stipulant que le service public doit se soumettre aux règles de bonne gouvernance comme la transparence et le respect de la loi. La Constitution de 2011 a apporté des garanties qui n’ont pas toutes été mises en œuvre. Il faut dire qu’il ne suffit pas de promulguer des textes ou d’imposer des mécanismes. Il s’agit là de toute une culture.

Que faut-il faire pour rattraper le retard ?
Le simple fait d’avoir pris l’initiative d’abriter cette conférence des Nations unies sur les services publics témoigne de la volonté de changement du Maroc et de son engagement en la matière.

Outre l’organisation de conférences internationales, quelles sont les mesures concrètes pour instaurer les règles de bonne gouvernance au sein de l’administration marocaine ?
Outre la Charte de la déconcentration, nous sommes en train de travailler sur la Charte des services publics. La bonne gouvernance consiste à gérer les affaires publiques de manière participative et transparente en éliminant la bureaucratie administrative. Le concept de reddition des comptes est fondamental. Il faut être disposé à toute évaluation et à tout contrôle de la part du Parlement, des médias, de la société civile, des citoyens… D’où l’importance de la loi sur le droit d’accès à l’information. La Charte des services publics que l’on est en train de finaliser consacre les règles de bonne gouvernance, les devoirs et les obligations des agents publics, la déontologie ainsi qu’un certain nombre de droits. La semaine prochaine, nous allons tenir une journée d’étude avec le Conseil national des droits de l’Homme sur le service public et les droits des usagers pour alimenter le texte de cette charte d’une approche droits-de-l’Hommiste. Il faut faire en sorte que l’usager, dans sa relation avec l’administration, puisse jouir de ses droits. Nous allons débattre du sujet ensemble. C’est ainsi que l’on pourra avoir une Charte des services publics qui respecte les règles et principes de bonne gouvernance.  

Ne pensez-vous pas qu’il ne s’agit pas d’une question de mise en place de procédures et de lois, mais plutôt de la nécessité de changer les mentalités ?
Effectivement, c’est une question de mentalités. Par exemple, pour le texte de loi sur le droit d’accès à l’information, nous avons tout un programme avec l’UNESCO en vue de sensibiliser les agents publics. Le fonctionnaire doit avoir la capacité de traiter l’information pour qu’elle soit lisible et la mettre à la disposition des citoyens. L’administration doit avoir la culture d’ouverture et mettre fin à la culture du secret. Il faut donc sensibiliser et accompagner les fonctionnaires et avoir beaucoup de patience, sans quoi on ne fera que brutaliser l’administration avec un certain nombre de concepts qui ne sont pas assimilés. À cet égard, des chantiers ont déjà été ouverts.

Concrètement, où en est la mise en œuvre de votre vision de réforme, qui cible la transformation de l’administration publique  ?
Les grandes orientations de la politique de l’État dans le domaine de la déconcentration ont été discutées par le Conseil de gouvernement. On attend maintenant le Conseil des ministres car il s’agit d’une question stratégique. Par la suite, nous allons présenter au gouvernement le projet de décret de déconcentration. Après cette étape, il faudra s’engager dans une feuille de route pour déterminer plusieurs points dont les pouvoirs qui seront transférés, les rapports entre une administration déconcentrée et le wali, les élus et l’administration centrale. Chaque administration doit déterminer les attributions qui seront transférées à la région. Il faut aussi définir la manière de regrouper les administrations dans un pôle administratif au sein de la région. La déconcentration ne va pas se faire de manière mécanique. Un autre chantier consiste à restructurer l’administration centrale. Des directions vont peut-être disparaître ou être fusionnées. Il faut restructurer l’administration dans une vision consistant à limiter l’intervention de l’administration centrale dans le domaine de la normalisation, de l’orientation, de suivi et d’évaluation.


Benchmark

Organisé par le ministère de la Réforme de l’administration et de la Fonction publique et le Département des affaires économiques et sociales des Nations unies du 21 au 23 juin à Marrakech, le Forum sur le service public vise à débattre des stratégies et approches innovantes permettant de transformer la gouvernance et de mettre en œuvre les objectifs du développement durable, sans laissés-pour-compte. La transformation souhaitée est tributaire du changement de la manière avec laquelle les sociétés se gouvernent. Il faut plus que jamais repenser la manière de gérer les affaires publiques et répondre aux besoins des citoyens. Le Forum des Nations unies est une occasion pour le Maroc de s’inspirer des expériences internationales en vue d’instaurer un nouveau modèle de gouvernance publique.


CAFRAD: le renforcement du partenariat s’impose

En marge du forum des Nations unies sur le service public et de la 56e session du Centre africain de formation et de recherche administratives pour le développement (CAFRAD) s’est tenu le quatorzième Forum ministériel africain de la modernisation de l’administration publique et des institutions de l’État. Cette rencontre, visant l’échange des expériences autour de la gouvernance publique, a été marquée par la signature de quatre conventions pour donner un coup de fouet à la coopération africaine en la matière. Le jeu en vaut la chandelle. En effet, le renforcement du partenariat entre les pays du continent en matière de promotion des services publics s’impose pour rattraper le retard abyssal accusé en la matière et pouvoir, ainsi, répondre aux aspirations de la population africaine. La transformation de la gouvernance pour les pouvoirs publics africains n’est plus un choix, mais une nécessité qui doit être érigée en priorité. Les participants à la 56e session du CAFRAD semblent en être conscients. Mais il ne suffit pas de dresser des constats; encore faut-il lancer des actions concrètes pour pallier les dysfonctionnements constatés.


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