IPE : la réforme doit être progressive
Au vu des dispositions de la loi-cadre sur la protection sociale, le Conseil économique, social et environnemental plaide pour une «réforme systémique progressive» de l’Indemnité pour perte d’emploi (IPE). En outre, le conseil préconise d’étudier en urgence la mise en place d’un système d’indemnisation-chômage.
Suite à une saisine de la Chambre des conseillers, déposée en date du 18 janvier dernier, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a publié une étude sur le système de l’Indemnité pour perte d’emploi. En effet, le CESE préconise, à la lumière des dispositions de la loi-cadre sur la protection sociale dont la réforme a été initiée à la suite des directives royales, prononcées à l’occasion de la fête du Trône en juillet 2020, «une réforme systémique progressive et recommande la mise à l’étude urgente d’un système d’indemnisation chômage, comprenant un régime assurantiel couplé à un régime d’assistance, arrimés à un dispositif actif d’aide au retour à l’emploi», peut-on lire dans l’avis du conseil.
Deux dispositifs pour le régime assurantiel
Dans le détail, le régime assurantiel proposé par le CESE, comprend deux dispositifs, notamment un régime d’assurance-chômage pour les travailleurs salariés cotisants qui permettrait de dépasser les limites actuelles de l’IPE. Ceci à travers la réduction du nombre minimum de jours de cotisation requis, l’augmentation du plafond de l’indemnité (4 à 5 fois le SMIG), l’extension de la durée des prestations de manière proportionnelle à la durée cotisée, le renforcement du financement du dispositif en déplafonnant les cotisations à l’IPE. Mais aussi via la simplification des procédures administratives, ainsi que l’extension des conditions d’éligibilités de manière progressive. Le second dispositif traite d’un régime d’assurance-chômage pour les travailleurs non-salariés. Cette proposition, qui interviendrait de manière progressive, dans une seconde phase, doit faire l’objet d’un débat élargi de manière à tenir compte des spécificités des différents métiers et implique de définir préalablement ce que constituerait la cessation d’activité pour ces catégories de travailleurs.
Le régime assistantiel arrimé
Selon les recommandations du CESE, le régime assistanciel couvrirait les travailleurs ayant perdu leurs emplois et ne remplissant pas les conditions d’éligibilité à l’assurance-chômage ou les personnes en fin de droit. Le conseil explique par ailleurs, que le dispositif actif d’aide au retour à l’emploi devrait faire partie intégrante de ce nouveau système en garantissant l’accès des bénéficiaires à des dispositifs de formation pour un renforcement des compétences ou une reconversion. «L’objectif est de favoriser leur réinsertion rapide au marché du travail, tout en impliquant, dans ce processus, de manière obligatoire et formalisée, l’ANAPEC et l’OFPPT», détaille le CESE dans cette perspective.
Encore des insuffisances à combler
Depuis sa mise en place en 2015, un nombre très limité de personnes bénéficie effectivement de l’Indemnité pour perte d’emploi. Selon les derniers chiffres disponibles, et présentés par le Conseil économique, social et environnemental dans son étude, le nombre de bénéficiaires de l’IPE a atteint, depuis son instauration, 77.826, soit bien en-deçà de l’objectif visé de 30.000 bénéficiaires par an. Par ailleurs, le CESE note que cette indemnité, qui a été mise en place, en cas de licenciement, pour une durée de six mois, au profit des salariés du secteur privé formel, déclarés auprès de la CNSS, s’apparente beaucoup plus à un filet de sécurité sociale qu’à une assurance-chômage. «En effet, le montant mensuel de l’indemnité est égal à 70% du salaire de référence (salaire mensuel moyen déclaré des 36 derniers mois) sans excéder le montant du salaire minimum légal (SMIG)», relève l’institution.
Caractéristiques du dispositif actuel
Le CESE a également procédé à l’analyse des caractéristiques du dispositif actuel de l’IPE. Les données font ressortir un ensemble de raisons limitant sa portée. Le conseil en cite les conditions d’éligibilité restrictives, avec notamment un rejet de la moitié des dossiers à cause de l’insuffisance du nombre de jours déclarés, un niveau insuffisant des indemnités versées, avec comme base de calcul le SMIG, et qui ne tiennent compte ni de la durée des cotisations, ni de la diversité des situations des catégories professionnelles. À la lumière de ces données, le CESE affirme que «cette situation interpelle sur l’urgence d’une réorganisation de cette indemnité, qui fait partie des quatre axes visés par la réforme prévue par la loi-cadre sur la protection sociale». Pour ce qui est des solutions à ce système, le CESE affirme que «cette réorganisation pourrait prendre la forme d’une réforme paramétrique, qui constitue la voie privilégiée depuis 2018 par le gouvernement, soit avant l’adoption de la loi-cadre sur la protection sociale». En effet, l’examen, par le CESE, de cette modalité «laisse conclure qu’elle reste limitée, n’agissant que sur un paramètre (période minimum de cotisation), soit l’option la moins coûteuse financièrement et la moins avantageuse socialement», est-il expliqué. Il est à noter que l’étude du CESE a été élaborée sur la base d’une approche participative, visant d’une part à déterminer les raisons restreignant le bénéfice de cette couverture à un nombre de personnes et, d’autre part, à formuler des propositions de réorganisation du système en vue d’élargir la base des bénéficiaires, à la lumière des orientations de la loi-cadre sur la protection sociale.
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO