Huile de foie de requin : Fin d’un imbroglio ?
Le marché de l’huile de foie de requin, principalement destiné à l’export, cessera-t-il de faire l’objet d’un imbroglio ? En 2015, il a été convenu que l’huile de foie de requin-tout comme le poisson- soit mentionnée et reconnue dans la licence de pêche, à la demande des armateurs opérant dans ce secteur.
Le marché de l’huile de foie de requin pourrait attirer beaucoup d’investisseurs au Maroc. Avec un chiffre d’affaires estimé à plus de 8 milliards de dirhams, ce marché, qui constitue la matière première de l’industrie du squalène, laquelle fournit largement le secteur cosmétique, est, depuis ces deux dernières années, convoitées par les investisseurs marocains, à l’instar de ceux étrangers. C’est que ce business est très fructueux. En effet, sur le plan international, le prix de la tonne d’huile de foie de requin est compris entre 12.000 et 15.000 dollars. Au Maroc, le prix du kilo a atteint plus de 80 DH. Pour l’heure, ce secteur, qui est destiné principalement à l’export, est partagé entre trois établissements industriels et 40 palangriers, avec une production dépassant les 1.000 tonnes par an. Un volume qui pourrait connaître une croissance très importante dans les prochaines années, selon des professionnels de la pêche.
Demandes d’agréments
Ces derniers soulignent que plusieurs palangriers de Dakhla, Safi, Mohammedia et Kenitra ont demandé un agrément pour s’adonner à cette activité. Des industriels ont également émis des demandes pour disposer d’un agrément pour l’autorisation de leur établissement, notamment dans les provinces du sud, indique-t-on de mêmes sources. Il faut dire que le champ pour les investisseurs, ajoutent celles-ci, est large «en raison du potentiel important au Maroc, notamment sur les côtes atlantique». Toutefois, à l’heure actuelle, même si le potentiel est immense dans ce marché, méconnu, il y a quelques années, il est difficile d’y investir, estime un opérateur du secteur.
Celui-ci ne manque pas d’arguments. «Le marché de l’huile de foie de requin n’est pas encore organisé au Maroc. Plusieurs armateurs y opèrent de manière informelle. Aussi, beaucoup d’investisseurs préfèrent donc attendre que le secteur soit assaini avant d’y investir», explique cet industriel du sud. Dans les milieux des industriels, on demande une situation légale pour ce produit afin de pouvoir l’exporter en toute transparence. Nos sources soulignent aussi que ce marché continue de faire l’objet d’un véritable imbroglio. En effet, à l’heure où les industriels voudraient passer par les halles pour réaliser leur transaction, comme cela se fait d’ailleurs pour tous les produits de pêche, certains palangriers eux, travaillent dans l’illégalité.
Ils mettent ainsi l’huile dans des fûts qu’ils vendent à quai à des intermédiaires sans disposer d’aucun document sanitaire. Les industriels exportateurs du sud, qui se disent lésés par cette situation, soulignent que les vétérinaires refusent de leur délivrer des documents d’export, d’où un blocage pour eux. Faute d’unités industrielles agrées dans le sud, ces industriels doivent ainsi se déplacer jusqu’aux unités situées à El Jadida, Casablanca ou encore à Kenitra pour le traitement de l’huile de foie de requin avant son exportation. «Actuellement, trois établissements seulement sont autorisés au Maroc (Kenitra, El Jadida et Casablanca). Les industriels sont ainsi obligés de parcourir des centaines de kilomètres pour venir traiter leur huile dans ces établissements agréés avant son exportation au Japon, principale destination pour l’huile», souligne un opérateur de Casablanca. Et celui-ci de préciser : «L’ONSSA délivre le certificat pour le requin et pas pour l’huile. Le ministère reconnaît notre activité, mais le système de l’ONSSA ne reconnaît pas cette huile de foie de requin».
Traçabilité des achats
Les industriels font face à un blocage, notamment, au niveau des contrôles effectués par la gendarmerie royale. Hassan Mojahed, responsable vétérinaire au service contrôle à l’ONSSA soutient, lui, que pour les établissements agrées et les armateurs respectant les cahiers des charges, le problème ne se pose guère. «Les opérateurs qui n’ont pas eu de certificats sanitaires, soit ils n’avaient pas émis une demande d’agrément, soit ils n’avaient pas respecté les conditions requises dans le cahier des charges», explique-t-il. Au ministère de l’Agriculture et de la pêche maritime, une source note que depuis le 1er septembre 2015, les armateurs devaient opérer toutes leurs transactions à l’intérieur des halles partout au Maroc. «Lors d’une réunion tenue, en avril dernier, les armateurs s’étaient en effet engagés à abandonner leurs pratiques d’éviscérer le requin en pleine mer dans des conditions hors normes», soulignent les mêmes sources. Celles-ci indiquent que le ministère leur a même fixé une date limite, celle du 1er septembre, avant que les armateurs puissent disposer également d’autorisation sanitaire. Le 1er juin 2015, rappelons-le, le département de la Pêche maritime avait mis en place une nouvelle procédure de traçabilité et de certification des produits de la pêche (www.leseco.ma). Depuis cette date, les opérateurs du secteur, dont ceux notamment de l’huile de foie de requin, sont contraints de disposer d’un document attestant l’état de traçabilité des achats. Toutefois, cette nouvelle procédure n’aurait pas pour autant réglé le problème de l’informel. Le document en question ne serait pas obligatoire dans certains ports.