Éco-Business

Germana Barba. “Nous sommes en faveur d’une fiscalité proportionnelle au risque”

Germana Barba. Vice-President Regulatory Strategy chez Philip Morris International (PMI)

Quelle place pour la question fiscale dans l’industrie du tabac ? Comment les opérateurs négocient-ils avec les gouvernements en termes de réglementation ? Quels changements apporte au secteur la nouvelle génération de produits alternatifs au tabac conventionnel ? Rencontrée en marge du E-Cigarette Summit tenu il y a quelques jours à Londres, la vice présidente du groupe Philip Morris, Germana Barba, apporte des éléments de réponse…

La fiscalité est une déterminante clé dans l’industrie du tabac. Avec l’avènement d’une nouvelle génération de produits, cette question devient d’autant plus importante. Que pouvez-vous nous en dire ?
Indéniablement, les aspects fiscaux doivent être pris en considération. Au sein de PMI, qu’il s’agisse des produits de tabac chauffé ou encore de la cigarette électronique, il faut reconnaître qu’il y a une différence considérable avec la cigarette conventionnelle, si on les compare sous le prisme du risque pour la santé. Ce point ne peut être dissocié de la fiscalité car l’imposition fiscale de la cigarette traditionnelle est liée à sa nocivité. C’est pour cela que nous estimons nécessaire de différencier les deux segments de produits en termes de fiscalité, eu égard à leur degré de nocivité. De notre côté, nous soutenons une approche de réglementation et de taxation proportionnelle au risque. Les cigarettes classiques, qui sont les plus nocives, doivent ainsi être plus taxées que les produits de tabac chauffé ou les cigarettes électroniques. Maintenant, il est clair qu’il s’agira de gérer le gap que tout cela engendrera sur les recettes fiscales et donc les caisses publiques. Il pourrait y avoir un «shortage» fiscal. On pourrait gérer cela en appliquant une politique de planification à long terme prévoyant une augmentation graduelle des taxes sur les cigarettes, de telle sorte qu’in fine, les gouvernements encaisseront les mêmes revenus fiscaux.

En tant qu’opérateur présent dans de nombreux pays, comment PMI gère-t-il la négociation des aspects fiscaux et réglementaires avec les différentes autorités ? Lequel est le plus dur à négocier : le fiscal ou le réglementaire ?
S’agissant de la cigarette électronique, qui a fait son apparition en Chine avant d’arriver en Europe il y a une décennie, et des produits de tabac chauffé, qui ont vu le jour en 2014, il est tout à fait compréhensible que la majorité des autorités n’aient pas encore une grande expertise à ce sujet. C’est pourquoi, en tant qu’opérateurs, nous essayons de nous engager aux côtés des autorités pour expliquer ces produits et leur portée en tant qu’alternative à la cigarette conventionnelle. Nous essayons d’expliquer qu’ afin d’encourager les fumeurs adultes à passer à des produits moins nocifs, il est nécessaire de mettre en place des politiques qui différencient les produits plus nocifs de ceux qui le sont moins. Pour cela, trois principes doivent être pris en compte. Le premier, comme cité, est celui selon lequel la fiscalité devrait être proportionnelle aux différents degrés de risque. Le deuxième principe est que, sur les produits de nouvelle génération, nous avons besoin de déployer suffisamment de communication à destination du fumeur adulte pour qu’il comprenne bien le principe du produit, comment il fonctionne et quels sont ses avantages par rapport à la cigarette conventionnelle. Le troisième principe est qu’à nous seuls, en tant qu’opérateurs économiques, nos efforts restent insuffisants s’ils ne sont pas conjugués à ceux de la communauté scientifique et des gouvernements, en vue de mettre en place des programmes communs de communication de santé publique. Ce point est important, comme évoqué d’ailleurs lors du Forum de l’e-cigarette tenu à Londres cette semaine, car, même en Grande-Bretagne, qui a accueilli à bras ouvert l’opportunité de la «Harm Reduction», plus de la moitié de la population croit encore que le problème avec la cigarette classique est la nicotine. Or, on ne meurt pas de la nicotine, mais des effets de la combustion. En éliminant la combustion, on peut toujours consommer de la nicotine avec beaucoup moins de risques que la cigarette traditionnelle.

Qu’en est-il du tabac classique ?
C’est une question très intéressante car, si nous nous penchons sur le tabac classique, la difficulté de la négociation réside dans les intérêts budgétaires de l’État et dans la nécessité de continuer à réduire l’addiction à la fumée. Dans le passé, nous essayions de convaincre les autorités de mettre en place des réglementations rigoureuses mais pas extrêmes. Aujourd’hui, le défi le plus important consiste à éduquer les autorités gouvernementales à une catégorie de produits qui leur est nouvelle et, en même temps, nous voudrions remplacer complètement les cigarettes par des produits moins nocifs. Nous sommes aujourd’hui en faveur de politiques très strictes en matière de cigarette. C’est donc là un revirement par rapport au passé. Parfois, cela fait douter de notre crédibilité car nous demeurons un opérateur majeur dans le secteur, mais notre défi est de montrer à quel point nous sommes sérieux dans notre démarche.

Vous avez cité le cas britannique. Certains pays ont été plus accueillants envers ces nouveaux produits que d’autres. Selon vous, quels arguments pourraient convaincre les pays encore réticents ?
À mon avis, il faut partir d’une donnée très importante: combien de fumeurs y a-t-il encore dans chaque pays? Aujourd’hui, avec iQos, qui est notre premier produit à risque réduit, nous avons réussi à convertir près de 6 millions de consommateurs dans le monde, ce qui est plus ou moins équivalent à la population fumeuse au Canada ou en Australie. Le potentiel est donc énorme. À mon sens, les gouvernements sont habitués à atteindre une réduction de l’incidence de la fumée de 1 ou 2% par année, ce qui est très modeste car il y a encore 1 milliard de fumeurs dans le monde et, à cause de la croissance démographique, nous estimons qu’il y aura encore plus ou moins 1 milliard de fumeurs en 2020. C’est pourquoi il est urgent d’agir, d’autant plus qu’aujourd’hui, nous avons une technologie qui permet de continuer à fumer mais de façon beaucoup moins nocive.

Parlons du marché marocain : aujourd’hui, seule la cigarette électronique y est présente. D’ailleurs, des stores y sont dédiés dans plusieurs villes. Pourtant, ce produit n’est pas réglementé. Par ailleurs, espérez-vous y introduire un produit encore plus sophistiqué, ce qui rend la donne plus compliquée ?
Dans les pays où nous n’avons pas encore lancé nos produits de nouvelle génération, nous nous focalisons sur la sensibilisation des régulateurs afin qu’ils puissent comprendre l’opportunité que ces produits représentent. À présent, nous sommes présents sur 43 marchés, et notre objectif est d’être présents dans tous les pays car ce n’est qu’ainsi que nous arriverons à concrétiser la vision que nous avons tracée il y a deux ans, celle d’un «futur sans fumée». Pour cela, nous devons absolument être présents partout, même si nous n’allons pas matérialiser cette vision tous seuls, puisqu’il y a aussi une place pour nos concurrents qui ont d’ailleurs commencé à lancer leurs propres alternatives à la cigarette. Nos attentes sont que, d’un côté, le développement technologique continue à fournir des produits toujours meilleurs et, d’autre part, nous espérons que les gouvernements réaliseront, en comparant les différents marchés, qu’il y a un moyen très puissant de réduire la fumée, et donc l’impact sur la santé. Maintenant, il est vrai qu’au Maroc, la cigarette électronique est commercialisée, mais elle n’est pas réglementée. Or, PMI ne peut opérer sur un marché en l’absence d’une réglementation claire qui nous protège, en tant qu’opérateurs, et qui protège aussi le consommateur. C’est un préalable crucial ! 


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