Foncier : comment les documents d’urbanisme alimentent la dynamique spéculative

L’urbanisation croissante au Maroc génère une pression foncière intense, particulièrement dans les zones périurbaines, surtout avec l’évolution du taux de couverture des collectivités territoriales par les documents d’urbanisme. Cette dynamique alimente aussi une forte spéculation, exacerbée par l’anticipation de l’ouverture de nouvelles zones à l’urbanisation via le changement de leur vocation, à l’origine agricole ou à vocation agricole.
Le taux d’urbanisation au Maroc est passé de 55,1% en 2004 à 60,3% en 2014, puis 62,8% en 2024. Cette dynamique risque de s’accentuer avec une projection à 73,6% en 2050. Une telle accélération exerce une pression sur les réserves foncières urbaines.
Augmentant la demande de terrains destinés à l’habitat, elle implique la réalisation d’infrastructures, notamment économiques, avec l’aménagement de nouvelles zones industrielles et logistiques. C’est particulièrement dans les zones périurbaines et dans les banlieues que cette pression se manifeste le plus fortement, entraînant une transformation des espaces à caractère rural.
Selon plusieurs experts, l’évolution du taux de couverture en documents d’urbanisme ainsi que l’homologation de nouveaux documents d’urbanisme ou leur actualisation permet l’ouverture à l’urbanisation de superficies supplémentaires. Ceci passe notamment via l’approbation de nouveaux projets urbains, l’aménagement d’équipements publics, y compris routiers, et l’installation de nouvelles zones industrielles, logistiques, touristiques et commerciales.
À noter que la couverture des collectivités territoriales par des documents d’urbanisme a atteint un taux de 90% à l’échelle nationale, soit 1.341 communes sur un total de 1.503.
Une dynamique spéculative intense
Cette évolution a, certes, permis l’allégement de la saturation de l’offre foncière dans les zones urbaines pour accompagner le développement des villes.
Cependant, elle a engendré en parallèle une pression sur le foncier préurbain et rural et entraîné une dynamique spéculative intense. C’est la situation qui caractérise actuellement le marché, en relation avec l’approche de la Coupe du monde 2030. Sont particulièrement concernées les zones situées à la périphérie des grands centres urbains et les villes destinées à accueillir le Mondial (Agadir, Casablanca, Fès, Marrakech, Rabat et Tanger).
Pour rappel, ces régions, qui constituent l’axe structurant de l’armature urbaine au Maroc et l’axe littoral atlantique, hébergent plus de 29 millions d’habitants sur les 36 que compte le pays. Il s’agit de près de 80% de la population du pays, concentrés essentiellement dans le Grand Casablanca-Settat (7,6 millions), à Rabat-Salé-Kénitra (5,1 millions), à Marrakech-Safi (4,8 millions), à Fès-Meknès (4,4 millions), à Tanger-Tétouan-Al Hoceïma (4 millions) et à Souss-Massa (3 millions).
Cette effervescence est directement liée à l’anticipation de la révision des plans d’aménagement, en situation d’obsolescence ou fruit d’ouverture de nouvelles zones à l’urbanisme. Un autre facteur explicatif a trait au changement de la vocation de certaines zones, notamment les propriétés agricoles ou à vocation agricole, situées en totalité ou en partie à l’extérieur du périmètre urbain. Une procédure régie par la délivrance d’attestations de vocation non agricole ((AVNA), en application de la Circulaire conjointe du 29 Avril 2022 régissant cet aspect.
En chiffres, c’est une superficie de quelque 120.000 ha, sous forme d’offre foncière destinée à l’investissement, qui a été ouverte récemment à l’urbanisation. Il s’agit de 55.800 ha réservés aux activités économiques et de 61.900 ha destinés à l’habitat, essentiellement à travers les Plans d’aménagement urbain, les Plans de développement des agglomérations rurales ainsi que les Plans sectoriels et de restructuration.
Métropolisation : un schéma prospectif avant la Coupe du monde 2030
Le ministère de l’Habitat a relancé l’étude relative à l’élaboration du schéma prospectif de développement des systèmes métropolitains au niveau national. Le budget y afférent s’élève à 2,8 MDH.
L’étude se déroulera en deux phases, pour une livraison prévue en décembre 2026. Les résolutions attendues de cette étude sont cruciales pour préparer le territoire national à accueillir la Coupe du monde 2030.
La première phase porte sur le diagnostic territorial et la réalisation d’un benchmark.
La deuxième, quant à elle, concerne la vision stratégique et le schéma prospectif de développement des systèmes métropolitains au niveau national.
Les résolutions attendues de cette étude sont cruciales pour préparer le Royaume à accueillir la Coupe du monde 2030 et canaliser les investissements, le but étant de renforcer le développement économique et social du Maroc tout en allégeant la pression sur l’axe littoral atlantique.
Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO