Flexibilité du dirham : Chers, les coûts des couvertures ?

De nouvelles mesures seront introduites pour encourager les banques à améliorer leur position de change de façon à injecter plus de liquidités sur le marché interbancaire de devises.
C’est l’une des demandes pressantes exprimées par les opérateurs, à la veille de la mise en place de la flexibilité du dirham. Les plus gros importateurs de la place, en particulier les pétroliers et les céréaliers, sont les plus concernés. En effet, l’absence de concurrence entre les banques sur le marché de change réduit amplement leur marge de négociation face à des coûts des couvertures contre le risque de change jugés excessivement chers. Certaines voix se sont d’ailleurs élevées ces derniers temps pour alerter les autorités et dénoncer certaines mesures, à l’image de celle en vigueur qui oblige les entreprises à passer obligatoirement par les banques auprès desquelles les transactions (export/import) ont été domiciliées. Les prix étant libres, il reste à savoir comment les autorités monétaires, notamment Bank Al-Maghrib (BAM) en tant qu’organisme en charge de la gestion des avoirs en devises, peuvent agir pour pousser les banques à appliquer des tarifs plus ou moins accessibles à l’ensemble des opérateurs, y compris les PME. «La Banque centrale va encourager les banques à constituer des positions de change et à développer le marché interbancaire», affirme Younes Issami, adjoint au directeur des opérations monétaires et des changes à BAM.
La réglementation actuelle autorise certes les banques à détenir, sous forme de devises, jusqu’à 20% de leurs fonds propres. Cependant, aucune banque n’a jusqu’ici atteint ce seuil car elles préfèrent généralement ne pas s’exposer au risque de change en convertissant le gros lot de monnaies étrangères à leur disposition en monnaie nationale. À ce jour, les banques en situation de besoin de devises s’adressent le plus souvent à la Banque centrale et rarement aux banques consœurs. Cette configuration devra changer dès la mise en place du nouveau système flexible du dirham. De nouvelles mesures seront introduites pour développer le marché interbancaire de devises.
Ainsi, si les banques ont aujourd’hui la possibilité de convertir les devises dont elles disposent sous forme de billets de banque soit en dirhams, soit en devises, elles seront, dans un avenir proche, contraintes de ne les convertir qu’en devises seulement. Sachant que le flux annuel des billets de banques en devises (incluant une partie des transferts MRE et des recettes de tourisme) porte sur une moyenne proche de 40 MMDH, cette obligation devra forcément se traduire par une augmentation de la position de change des banques marocaines. Les banques se trouvant dans une situation excédentaire (notamment par rapport au seuil limite de 20% de fonds propres) seront amenées à livrer les autres banques en situation de besoin de devises. C’est ainsi que BAM entend augmenter la liquidité sur le marché interbancaire de façon à susciter suffisamment de concurrence pour que les tarifs des couvertures contre le risque de change puissent êtres corrigés à la baisse.
Cela aura également le mérite de réduire le recours systématique des banques à la Banque centrale pour subvenir aux besoins de la clientèle. Du côté des banques commerciales, on rejette toute responsabilité concernant la cherté des prix des couvertures. La marge de la banque, dit-on, ne représente qu’une infime partie du coût global. Ce dernier inclut d’autres paramètres autres que la marge de la banque (taux d’intérêt, cours spot, volatilité, etc.). S’agissant du mode de régulation des cours de change dans le schéma à venir de la flexibilité du dirham, la Banque centrale devra dans une première phase maintenir ses interventions à un rythme quotidien. Au lieu de s’opérer de gré à gré avec chaque banque, la cession des devises par BAM se fera à travers des adjudications en fonction des besoins du marché. BAM sera amenée à fixer, chaque jour, un cours de référence moyen. «Cela permet d’introduire la notion de marché, en ce sens que les cours seront déterminés par l’offre et la demande et non par les autorités», explique Younes Issami.
Les PME seront-elles lésées ?
Les opérateurs doivent être sensibilisés aux facteurs déterminant les prix des couvertures. Le service n’est pas gratuit, ce qui est tout à fait logique. Dans une opération de couverture à terme, la banque emprunte d’abord le dirham, puis achète les devises et les place avant de les récupérer le jour J pour les mettre à la disposition de l’opérateur. Tout cela suppose un coût qui s’additionne à la marge de la banque. La Banque centrale n’a pas à fixer un quelconque prix pour ces couvertures, son rôle se limite à la surveillance des conditions appliquées à la clientèle. «Si nous constatons des abus par rapport à certaines catégories, en particulier les PME, nous allons inciter les banques à faire des efforts sur les tarifs», souligne Younes Issami.