Finances des partis politiques, Le rappel à l’ordre de Jettou
La Cour des comptes vient de rendre public son rapport relatif à l’audit des comptes des partis politiques et à la vérification de la sincérité de leurs dépenses au titre du soutien public pour les années 2013-2014. Sur la base des nombreuses et diverses irrégularités constatées dans les comptes, Jettou a émis plusieurs recommandations pour une gestion plus transparente des finances des formations politiques.
En matière de mauvaise gestion des finances, il n’y a pas que les administrations ou les entreprises qui font dans «la mauvaise gouvernance». Les partis politiques qui en règle générale devraient montrer l’exemple sont logés à la même enseigne. La Cour des comptes vient d’ailleurs de passer au peigne fin les comptes des partis politiques marocains, apportant de nouveaux éléments pour mettre à nu certaines pratiques pas du tout orthodoxes de gestion des comptes par les principales formations politiques du pays. La Cour des comptes vient de rendre publique son rapport d’audit pour les exercices 2013 et 2014. Le moins que l’on puisse dire au regard de certaines pratiques relevées par le rapport, c’est que nos partis sont loin du compte.
Irrégularités
Tous les partis ne sont pas logés à la même enseigne mais de manière générale, la transparence en matière de gestion est loin d’être la priorité des formations politiques de l’échiquier national. Ainsi, suite à l’examen des données relatives à la production des comptes en 2013, la Cour a constaté que 26 partis ont produit leurs comptes dans les délais légaux alors que 6 ne les ont présentés qu’au-delà des délais. En 2014, ils sont 27 à produire leurs comptes dans les délais légaux et 5 qui les ont présentés hors délais. Le montant de la contribution effectivement accordée aux partis politiques au titre de l’année 2014 a été de 64,04MDH contre un montant de 67,57MDH octroyé en 2013, soit des taux respectifs de 80,05% et 84,46% du total des crédits ouverts (80 millions annuellement). Selon l’audit de la Cour, les ressources des partis politiques comprennent, en sus des montants du soutien public, d’autres produits s’élevant à un montant de 27,84MDH en 2014 contre un montant de 21,41MDH enregistré au titre de l’année 2013. Ces montants sont constitués principalement par les cotisations et les contributions. Au total, il ressort que les ressources des partis politiques ont enregistré une augmentation de 3,25%, passant de 88,99MDH en 2013 à 91,88MDH en 2014.
Aux frais du contribuable
L’un des aspects les plus marquants des ressources des partis politiques, c’est que dans une large mesure, ils fonctionnent sur les fonds qui leur ont été alloués par l’État, c’est-à-dire aux frais du contribuable. Les données relatives aux ressources des partis politiques font ressortir que le montant du soutien public accordé aux partis politiques représente un taux de 69,70%, les cotisations et les contributions représentent quant à elles un taux de 19,02% du total de leurs ressources. En 2014, par exemple, 8 partis ont bénéficié de 87,77% de l’ensemble des ressources contre 83,23% en 2013. Il s’agit du PJD (24,77%), de l’Istiqlal (12,76%), de l’UC (10,24%), du PAM (9,33%), du RNI (9,02%), du MP (7,59%), de l’USFP (7,43%) et du PPS (6,63%). Autre constat relatif aux ressources des partis, le montant de la contribution de l’État à la couverture des frais de gestion au titre des années 2013 et 2014 représente à lui seul des taux respectifs de 89,51% et 92,94% du montant total du soutien public, contre 10,49% et 7,06% pour la contribution de l’État à la couverture des frais d’organisation des congrès nationaux ordinaires. Concernant les dépenses des partis politiques, elles se sont élevées à 113,58MDH en 2014 contre 110,78MDH en 2013, soit une augmentation de 2,53%. Selon le rapport, 91,10% des dépenses ont été réalisées par 8 partis au titre de l’année 2014 contre un taux de 84,92% enregistré en 2013. Il s’agit en l’occurrence du PJD (19,72%), de l’Istiqlal (18,18%), du PAM (13,11%), du MP (11,27%), du PPS (9,33%), du RNI (7,82%), de l’UC (5,99%) et enfin du PPS (5,69%).
Mauvaises pratiques et irrégularités
Les irrégularités constatées par la Cour sont courantes mais parmi celles qui retiennent l’attention au vu de leur non conformité avec la loi, relevons par exemple que l’USFP a bénéficié, en 2013, d’un don de 69.900DH, accordé par une fondation étrangère ayant son siège à Rabat, ce qui est contraire aux dispositions de l’article 39 de la loi organique, de même que le Parti du mouvement démocratique et social a reçu un don de 80.000DH sans préciser sa source. Toujours sur la liste des irrégularités, mais cette fois en 2014, le PJD a enregistré les fonds virés à ses structures locales (6.687.906,04DH) au niveau du compte : «Autres charges courantes et aides financières» au lieu de les imputer au niveau des comptes concernés (achats ou charges du personnel ou charges de publicité). La comptabilité du parti du MP ne prend pas en compte les opérations comptables réalisées par les structures locales comme cela a été constaté pour l’exercice 2013. Certaines dépenses du PAM se rapportant aux exercices 2012 et 2013 n’ont été comptabilisées qu’en 2014 et ceci en infraction au principe de la spécialisation des exercices. La liste est loin d’être exhaustive et c’est pourquoi la Cour a émis plusieurs recommandations en vue d’assainir la gestion des finances des partis politiques et encadrer l’utilisation des subventions de l’État.