Éco-Business

Filière cuir : un écosystème en plein redéploiement

Le pouvoir d’achat, affaibli par le mouvement inflationniste qui a frappé le monde il y a près de deux ans, a mis à mal toute la filière cuir. Mais à en croire les professionnels, cette morosité n’est que passagère. Avec une éventuelle reprise de la demande à l’international et l’imminent lancement du PIAC, des lueurs d’espoir se dessinent à l’horizon.

Certes, les exportations marocaines en textile sont dominées par le chapitre vêtements et accessoires qui rafle 60% des ventes, mais la filière cuir ne revêt pas moins d’importance en termes d’opportunités de développement. Ce segment, qui dispose d’un savoir-faire ancestral, continue de s’accrocher, en dépit des obstacles entravant son développement, et affiche des évolutions.

Temps difficiles
En effet, les derniers chiffres montrent que les exportations, notamment des chaussures et guêtres, ont grimpé entre 2022 et 2022 pour réaliser un chiffre d’affaires (CA) de 3,5 milliards de dirhams (MMDH) en 2022. Pour l’année 2023, le CA global de la filière à l’export est estimé à 4 MMDH, essentiellement porté par la chaussure, suivie du cuir semi-fini, de la maroquinerie et enfin des vêtements en cuir, selon la Fédération des industries du cuir (FEDIC), soit un recul de 5 à 10% en volume par rapport aux années précédentes. Une réalisation qui n’est pas des plus réjouissantes, à en croire les professionnels du secteur.

«L’année précédente a été particulière. Nous avons observé une baisse des exportations eu égard à la vague inflationniste, notamment des matières premières, qui a fortement impacté le pouvoir d’achat et, par ricochet, les habitudes de consommation. Résultat, l’Europe s’est retrouvée avec un stock énorme qu’il faut écouler», relate Azeddine Jettou, président de la FEDIC.

Et la situation ne semble pas s’améliorer en ce début d’année. L’industriel indique que le carnet de commandes compte moins de ventes. Toutefois, il a souligné que le synthétique maintient une tendance haussière, au détriment du cuir, vu l’écart en termes de prix. Mais quoi qu’il en soit, les professionnels ne comptent pas courber l’échine et se disent optimistes quant à un avenir florissant de la filière cuir.

«Effectivement, des lueurs d’espoir se dessinent à l’horizon. Il est prévu que la consommation reprenne en Europe dès le deuxième semestre 2024, ce qui se répercutera favorablement sur notre industrie. Par ailleurs, elle se porterait encore mieux si l’écosystème était adapté aux normes européennes en matière de traçabilité et de décarbonation. Il faut dire qu’on a jusqu’à 2026 pour s’y conformer. De plus, le parc industriel Ain Cheggag changera la donne dans le bon sens», précise le président de la FEDIC.

À cet effet, le manque de système de traçabilité au niveau des abattoirs compromet la qualité de la peau pour le tannage, et c’est là que le bât blesse. Pour l’industriel, au Maroc, la qualité de la peau est bonne, mais elle pourrait être encore meilleure une fois les tanneries modernisées. Et c’est ce que va apporter le PIAC dans la région de Fès-Meknès, le fief de l’industrie du cuir au Maroc. D’ailleurs, aux dernières nouvelles, le projet est près d’être achevé.

Lueurs d’espoir
D’après Al Omrane, maître d’ouvrage du PIAC, les travaux avancent bon train et les titres fonciers devront bientôt être délivrés. L’objectif est de doper la compétitivité de la filière en assurant leur mise aux normes internationales. Néanmoins, Azeddine Jettou manifeste son inquiétude quant à la station d’épuration qui figure dans le projet, mais qui peine à voir le jour.

«Beaucoup d’espoirs sont fondés sur cette zone industrielle, mais la station d’épuration n’est toujours pas d’actualité, alors qu’elle est partie intégrante du projet. Avec le PIAC, nous allons entamer une nouvelle ère de l’écosystème cuir. À travers la mise en place de tanneries nouvelle génération, nous visons un fort positionnement sur l’industrie cuir du secteur automobile», espère-t-il.

Ainsi, pour se doter d’une peau de meilleure qualité, les industriels proposent la mise en place d’abattoirs mobiles qui répondent aux normes sanitaires exigées. Quant à la décarbonation, la transition demeure embryonnaire. Selon la fédération professionnelle, seulement deux opérateurs dans le secteur, sur une centaine, ont franchi le pas.

Afin de stimuler cette transition, il est prévu d’accompagner les industriels pour acquérir les nouveaux équipements adéquats. Des subventions sont proposées pour faciliter cette transition indispensable. Maroc PME accorde jusqu’à 30% d’aide financière pour les travaux de construction des nouvelles usines et l’acquisition d’un nouveau parc machines. De telles mesures incitatives devraient permettre le transfert des industries du cuir vers le PIAC, en levant les barrières liées à leur vétusté, pour une modernisation adaptée aux besoins du marché.

À noter que l’écosystème cuir dans la région représente 29,6% du chiffre d’affaires du secteur de l’artisanat, soit 6,9 MMDH. Le nombre d’artisans actifs dépasse les 27,9% du total des artisans impliqués dans l’artisanat productif à Fès, constituant ainsi une force économique significative, qui regroupe quelque 79.000 artisans. Du côté des tanneries traditionnelles, elles comptent plus de 800 maîtres artisans et tanneurs, soit 45% du total des artisans tanneurs traditionnels à l’échelle nationale.

Azeddine Jettou
Président de la FEDIC

«Beaucoup d’espoirs sont fondés sur cette zone industrielle, mais la station d’épuration n’est toujours pas d’actualité, alors qu’elle est partie intégrante du projet. Avec le PIAC, nous allons entamer une nouvelle ère de l’écosystème cuir. À travers la mise en place de tanneries nouvelle génération, nous visons un fort positionnement sur l’industrie cuir du secteur automobile».

Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO


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