Endettement : la classe moyenne au bord de la rupture

Selon une enquête de Bank Al-Maghrib, la proportion des personnes ayant souscrit de nouveaux crédits, et dont la charge d’endettement est supérieure à 40% de leur revenu, s’élève à 35%. Autant dire que de très nombreux ménages de la classe moyenne sont aujourd’hui étranglés par la hausse des charges structurelles. Le «reste à vivre» se rétrécit d’année en année.
Pour des ménages dont les enfants sont scolarisés dans le privé, l’approche de la fin de l’année scolaire signifie aussi la montée du stress. Ainsi, pour financer le règlement anticipé des frais de scolarité du 1er trimestre de l’année prochaine, exigé par plusieurs établissements, ils utilisent leur crédit revolving auprès de leur banque ou souscrivent à un crédit à la consommation lorsqu’ils sont encore en capacité d’emprunter. Ce n’est pas le cas de milliers de ceux qui sont à la limite du «reste à vivre», soit 30% du salaire, selon la grille d’analyse des risques de banquiers.
Ces ménages sont étranglés par les charges fixes (logement, eau, électricité, téléphone, connexion internet, etc.) que les économistes appellent «dépenses contraintes». Ils se recrutent surtout dans la classe moyenne urbaines de la catégorie «B-», celles que le Haut-commissariat au plan (HCP) range parmi les populations vulnérables, c’est-à-dire pas assez pauvres, ni assez riches non plus.
En cas d’évènement exceptionnel ou d’un accident de la vie, ces ménages peuvent basculer dans la pauvreté. Pour eux, le surendettement est déjà une réalité alors que les sociétés de financement et les autorités de régulation en sont encore à discuter des critères de qualification.
État d’alerte
Le taux de défaut, qui a atteint un record en 2023 (10,2%), inquiète les autorités monétaires. L’encours de créances en souffrance sur les ménages est en hausse de 6,5% en culminant à 41,8 milliards de dirhams (MMDH).
Par type de crédit, ce sont les crédits à la consommation qui enregistrent le plus d’incidents de paiement avec un taux de défaut proche de 13%. C’est 4,5 points au-dessus de la sinistralité qui touche les crédits à l’habitat, qui est aujourd’hui l’incontestable moteur de la demande en concentrant 2/3 de la dette des ménages. L’encours de la dette des ménages s’élève à 411,6 MMDH, en hausse de 3,2%.
«Cette croissance marque une rupture avec les niveaux observés auparavant, qui affichaient une moyenne annuelle de plus de 5% entre 2011 et 2021», constate Bank Al-Maghrib.
Les banques détiennent en effet 82% de cette dette. Selon les estimations de la banque centrale, l’endettement des ménages s’établit à 28% du PIB, «un niveau globalement plus élevé que celui des pays en développement et de certains émergents».
La LOA a le vent en poupe
Si les organismes du crédit-conso sont contraints de chercher de nouveaux territoires de demande, ils peuvent cependant compter sur la location avec option d’achat (LOA) automobile qui reste dynamique. Le crédit à la consommation s’est établi à 150,4 milliards de DH marquant une croissance de 6,4%, une dynamique portée par l’agressivité des réseaux bancaires (+4,6%) qui sous-traitent l’analyse du risque auprès de la filiale-maison de crédit-conso.
La moyenne financée par dossier ressort à 175.962 dirhams pour le crédit automobile classique, 175.885 dirhams pour la LOA automobile, 42.968 dirhams pour les prêts personnels, et 191.326 dirhams pour les prêts revolving.
Par objet, 67% des crédits à la consommation décaissés en 2023 (derniers chiffres publics) sont des prêts personnels, 17% servent à financer l’acquisition de véhicules, et 12% sont orientés pour l’acquisition d’équipements domestiques. À fin mars 2025, les crédits aux ménages ont enregistré une hausse de 2,3% en variation annuelle, en lien principalement avec la hausse de 2,2% des prêts à l’habitat et de 2,1% de ceux à la consommation.
En termes de maturité, la part des crédits accordés d’une durée initiale supérieure à 7 ans (le maximum réglementaire) s’est établie à 44%, en léger recul de 1,5 point. Les prêts avec une maturité comprise entre 5 et 7 ans ont vu leur part passer de 36% à 37% d’une année à l’autre. Par ailleurs, les prêts étalés sur une durée comprise entre 3 et 5 ans représentent 15%.
Le taux d’endettement moyen à 35%
Des données recueillies auprès des établissements de crédit, cumulant environ 233.000 dossiers de prêts accordés au cours de l’année 2023 (nouveaux crédits ou renouvelés), il ressort un taux d’endettement moyen de 35%, contre 31% un an auparavant. Les emprunteurs (fonctionnaires et salariés du privé, essentiellement) dont le revenu est supérieur à 6.000 dirhams bénéficient de près de 85% du volume des crédits. Leurs charges d’endettement moyennes respectives sont de l’ordre de 42,7% et 32%.
Par ailleurs, les personnes exerçant une profession libérale et les retraités affichent des taux d’endettement autour de 32% et 35%. Selon la tranche de revenu, les individus ayant les taux d’endettement les plus élevés sont ceux disposant de revenus plus importants.
En effet, ceux dont les salaires dépassent 10.000 dirhams sont endettés à près de 34% de leurs revenus. Ceux dont le salaire est compris entre 6.000 et 10.000 dirhams ont une charge de dette avoisinant 37% de leurs revenus, avec une part de 21% dans le montant des crédits octroyés.
Parallèlement, les personnes à revenu compris entre 4.000 et 6.000 dirhams bénéficient de près 11% du montant total, avec un taux d’endettement de 36%, tandis que ceux ayant un revenu inférieur à 4.000 dirhams représentent une part de 4% et ont un taux d’endettement moyen situé à près de 33%.
Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO