Emprunt à l’international. L’État risque gros !

Le royaume a mandaté 4 banques pour sa sortie à l’international. Une opération qui risque d’être plus chahutée que celle de 2014, au vu de l’évolution de la dette extérieure et du déficit budgétaire.
Alors que les besoins en financement de l’État continuent de grimper, et que les liquidités sur le marché local se réduisent comme peau de chagrin (le besoin s’élèverait à 68 milliards selon Bank Al Maghrib), l’État va finalement opérer sa sortie sur le marché international, quatre ans après celle opérée sous le mandat de Mohamed Boussaid. Les autorités monétaires ont ainsi mandaté 4 banques pour son emprunt sur le marché international. Il s’agit de Barclays, BNP Paribas, JP Morgan et Natixis, le tout pour un emprunt de moins d’1 milliard de DH (MMDH). Néanmoins, cette sortie risque de ne pas être aussi tranquille que la dernière.
L’agence de notation Standard & Poor’s (SP) a révisé à la baisse la note de crédit du Maroc à «A-3» pour sa dette à court terme, tout en maintenant à «BBB-» la dette à long terme avec une perspective négative de la notation souveraine du royaume. Selon SP, le gouvernement marocain se serait éloigné de manière significative de son objectif de déficit budgétaire de 3% du PIB en 2018, en raison d’une croissance moins élevée que prévue et de tensions budgétaires plus fortes. Ce scepticisme s’accompagne également par l’accroissement du poids de la dette sur l’économie.
Au terme du premier semestre de l’année 2019, l’encours de la dette extérieure publique s’est établi à 337,8 MMDH contre 326,6 MMDH à fin 2018, soit une hausse de 11,2 MMDH. Les encours de la dette des emprunteurs publics hors Trésor et du Trésor se sont situés, respectivement, à 183,1 MMDH et à 154,7 MMDH. Durant les six premiers mois de l’année 2019, un volume global de 18,8 MMDH a été mobilisé par le secteur public dont 9,8 MMDH pour le Trésor et 9,0 MMDH destinés au financement des projets des EEP. Le service de la dette extérieure publique à fin juin 2019 s’est établi à 14,0 MMDH (8,3 MMDH réglés par les EEP ainsi que les autres emprunteurs publics, alors que 5,7 MMDH ont été réglés par le Trésor).
Anti-inflationnisme primaire ?
Néanmoins, et malgré cette situation peu enviable, cette sortie à l’international semble inévitable. En effet, la réforme de Bank Al-Maghrib (BAM), entrée en vigueur en juillet 2019, renforce l’indépendance de la Banque centrale. L’institution est désormais dotée de la personne morale de droit public jouissant de l’indépendance financière et administrative.
Ainsi, dans l’exercice de ses fonctions, en la personne du gouverneur, du directeur général et des mêmes du conseil, la banque centrale ne peut ni solliciter ni accepter d’instructions du gouvernement ou d’une partie tierce, comme l’édicte l’article 13 de cette loi. Sauf que le gouverneur de BAM, Abdellatif Jouahri, est un anti-inflationniste. Il ne cesse de rappeler, à chaque conseil de son institution, son refus systématique de la planche à billet, par peur de voir l’inflation grimper. Cette vision très «rhénane» de l’économie ne semble pourtant pas s’appliquer à la réalité marocaine, où l’État joue un rôle dans le rattrapage industriel et technologique. D’autant plus que le spectre inflationniste n’est pas forcément justifiable, puisqu’une inflation trop basse est le signe de la stagnation de l’économie. Et l’histoire européenne récente démontre que la création monétaire permet de réveiller l’inflation pour autant que cet argent injecté ne vienne pas garnir les comptes d’épargne. Placés dans un contexte d’inflation en hausse, les particuliers et les entreprises vont dépenser plus rapidement leur argent, de peur de le voir perdre de la valeur au fil du temps. Cet argent est injecté directement dans l’économie, ce qui permet à cette dernière de sortir de l’ornière de la récession et de se redresser.