E-Payment : objectif 2030
Avec l’organisation de la Coupe du monde de football 2030, le Maroc est confronté à un énorme chantier de mise à niveau de ses infrastructures. Parmi celles-ci, le secteur des paiements électroniques occupe une place stratégique. Fluidité, rapidité et sécurité sont autant de défis qu’il faudra relever pour répondre aux attentes des usagers nationaux et internationaux.
Alors que l’on se rapproche de 2030, le Maroc entre dans une phase critique où l’excellence en matière de services devient une nécessité absolue, notamment dans le secteur des paiements électroniques.
«Nous avons des clients exigeants, qu’ils soient marocains ou étrangers. Tant mieux ! Avec eux, nous testons nos idées, nos technologies», souligne Rachid Saihi, directeur général du Centre monétique interbancaire (CMI).
Selon lui, l’expérience client dans les paiements doit être fluide, rapide, et accessible à toute heure. Une exigence qui impose des plateformes performantes et une innovation constante.
L’essor d’une stratégie digitale offensive
Le Maroc a déjà accompli des progrès notables dans le domaine de la digitalisation, notamment avec l’administration en ligne. Cependant, l’Objectif 2030 pousse à adopter une stratégie plus ambitieuse. L’évolution vers des systèmes de paiement invisibles et une expérience client à la pointe devient un impératif.
Dans certains pays comme les Émirats Arabes Unis, l’automatisation des paiements, notamment sur autoroute ou dans la grande distribution, est déjà une réalité. Ces modèles inspirent les ambitions marocaines.
«La technologie est à la portée de tous, mais l’expérience client et la capacité d’apprentissage font la différence», affirme Rachid Saihi.
Selon lui, 90% de l’innovation ne réside pas dans les outils technologiques eux-mêmes, mais dans l’optimisation des processus. L’intégration de l’intelligence artificielle est également cruciale : elle permet d’imaginer des bonds technologiques et des solutions encore plus performantes pour l’avenir.
Dans cette dynamique, des entreprises marocaines ont déjà commencé à expérimenter des solutions de paiement innovantes. Par exemple, des initiatives locales visant à intégrer des portefeuilles numériques pour le commerce de proximité montrent un potentiel prometteur. En outre, des partenariats avec des fintechs internationales offrent au Maroc une opportunité unique de bénéficier d’un savoir-faire éprouvé tout en adaptant les solutions aux réalités locales.
Intégration internationale et sécurisation
Pour Zouheira Belkrezia, directrice Tech et Innovation digitale du groupe Marjane, un élément central reste à améliorer : l’intégration des cartes internationales. Elle rappelle que, malgré les progrès, certaines transactions à l’aide de ces cartes restent compliquées.
«En 2030, il sera trop tard. Cela constitue un retour client fort», précise-t-elle.
L’adoption de solutions comme Apple Pay et Google Pay nécessite de revoir entièrement les modèles d’authentification, tout en rendant leur intégration simple et rapide. Par ailleurs, l’utilisation des tokens, une technologie qui génère des identifiants temporaires et sécurisés pour chaque transaction, représente une opportunité majeure.
Rachid Driouch, de Bank of Africa, souligne que ce dispositif permet une meilleure protection des données, en évitant le partage des numéros de carte ou du nom de l’utilisateur. Les chiffres confirment cette dynamique : selon le CMI, les paiements par montres connectées ou smartphones devraient atteindre cinq milliards de dirhams en 2024, avec une croissance marocaine de plus de 400% cette année. «La vague arrive et il va y avoir un rattrapage», prédit le patron du CMI.
Par ailleurs, des campagnes de sensibilisation destinées aux commerçants et aux consommateurs sur l’utilisation des paiements digitaux se multiplient. Ces actions visent à renforcer la confiance dans les nouvelles technologies, tout en expliquant leur simplicité et leur sécurité. Les autorités collaborent étroitement avec les acteurs privés pour accélérer cette adoption à grande échelle.
Répondre aux attentes des consommateurs
Si la modernisation avance, des obstacles subsistent. Zouheira Belkrezia relève qu’une cliente a préféré régler en espèces en raison de processus de remboursement trop complexes. Cela souligne l’importance de fluidifier les expériences et de mieux communiquer sur la sécurité et les avantages des paiements électroniques.
Parallèlement, Karima Zouhairi, de Bank of Africa, insiste sur l’éducation et la sensibilisation aux normes de sécurité comme le 3D Secure. Cette norme, combinée à des transactions tokénisées, peut rassurer les clients tout en améliorant leur expérience.
Le rôle des petits commerçants est également crucial dans cette transition. Plusieurs programmes incitatifs ont vu le jour pour encourager ces acteurs à adopter des solutions de paiement numériques. Des subventions pour l’installation de terminaux de paiement, ainsi que des formations à l’utilisation de ces outils, sont proposées afin de surmonter les réticences initiales.
Enfin, les modèles comme le «Buy now, pay later», déjà populaires en Asie, pourraient transformer le paysage marocain des paiements. Ces solutions offrent une flexibilité appréciable pour les consommateurs et incitent les petits commerçants à adopter les paiements digitaux. Ces systèmes, combinés à des innovations comme les QR codes dynamiques, pourraient démocratiser encore davantage les transactions électroniques.
Une ambition à concrétiser
Le chemin vers l’Objectif 2030 impose au Maroc de transformer en profondeur son écosystème de paiements électroniques. La confiance mutuelle entre consommateurs, commerçants et intermédiaires comme le CMI ou les banques demeure l’un des piliers centraux. Pour Saihi, le soutien des autorités, notamment la DGSN et la gendarmerie, joue un rôle crucial dans la résolution rapide des cas de fraude, renforçant ainsi la crédibilité du système.
Avec des investissements ciblés dans l’innovation, la simplification des processus et une meilleure communication, le Maroc est bien placé pour relever le défi. L’ambition est claire : offrir une expérience de paiement exemplaire et positionner le pays comme une référence régionale en matière de digitalisation d’ici 2030.
À mesure que les échéances se rapprochent, il devient impératif d’accélérer les efforts. La mise en place de laboratoires d’innovation dédiés, ainsi que l’intensification des collaborations avec les écosystèmes technologiques internationaux, pourraient jouer un rôle déterminant. Le Maroc, en visant l’excellence, pourrait non seulement répondre aux attentes de 2030, mais également devenir un modèle inspirant pour d’autres économies émergentes.
Rachid Saihi
Directeur général du Centre monétique interbancaire (CMI)
«Nous avons des clients exigeants, qu’ils soient marocains ou étrangers. Tant mieux ! Avec eux, nous testons nos idées, nos technologies… Nous n’avons plus de droit à l’erreur. Le service doit être immédiat, rapide et il faut aussi des plateformes disponibles 24 heures sur 24, et performantes».
Zouheira Belkrezia
Directrice Tech et Innovation digitale du groupe Marjane
«Il n’y a aucun problème pour les transactions sécurisées marocaines. Mais il faut sécuriser les transactions avec les cartes internationales, de manière à ce que cela soit simple. En 2030, il sera trop tard. C’est déjà trop tard pour la période estivale».
Murtada Calamy / Les Inspirations ÉCO