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Driss Herrati : “La réforme du secteur doit aller un peu plus en profondeur !”

Driss Herrati
Directeur d’Avenir Formation

Au-delà du retour à la case formation obligatoire pour les conducteurs de taxis de la première et deuxième catégories, c’est-à-dire les petits et grands taxis, Driss Herrati, directeur d’Avenir Formation, dont la spécialité est à cheval entre les métiers du transport et la formation, aborde les enjeux de la réforme du secteur du transport, les défis et les perspectives.

Est-ce qu’une formation de ce type est censée corriger les griefs généralement formulés contre les conducteurs de taxis : manque de courtoisie, compteurs trafiqués ou indéchiffrables, incivisme… ?

La formation donnant accès à la carte professionnelle correspond à ce qu’on appelle en France la FCO, pour Formation continue obligatoire. Au Maroc, on l’appelle la FCOS, c’est-à-dire la Formation continue obligatoire de sécurité. Tous les 5 ans, le conducteur de taxi doit faire 3 jours de formation au cours desquels l’on s’assure que la réglementation en vigueur, notamment, sur la circulation, la sécurité routière et les acquis de la formation, sont encore maîtrisés, étant donné que le permis évolue et que les instructions sur la route évoluent aussi avec l’autoroute, les ronds-points, le tramway, les couloirs de bus… Le conducteur de taxi doit s’adapter à cette nouvelle normalisation.

Et donc, cette formation résulte de ce besoin, et non par rapport à l’aspect commercial relatif à la présentation, l’hygiène, l’accueil… En dépit du fait que ces aspects font défaut, à un niveau qui n’est plus excusable. En effet, il faut que le Maroc arrête d’excuser ce type de comportement, notamment les taxis sales, les mauvais comportements sur la route, le fait pour le chauffeur de fumer au volant, porter une casquette voire une capuche, mettre la musique à fond, refuser des clients parce que l’on ne va pas dans un secteur ou un autre, etc. Tous ces comportements doivent s’arrêter.

Le Maroc peut avoir des couloirs de bus réservés aux taxis et aux bus comme en Europe, à Barcelone, Paris, Madrid et autres. Parce qu’il faut fluidifier la circulation et pour y parvenir il faut que le citoyen lambda laisse sa voiture chez lui. Et en contrepartie, il faut qu’il trouve des taxis qui puissent circuler rapidement, donc forcément dans des couloirs de circulation réservés. Normalement, à Casablanca, cela devait être fait avec l’ancien maire, suite au prêt de 800 MDH de la Banque Mondiale pour réaliser le tramway. Dans le cahier des charges figurait l’obligation d’établir des couloirs de circulation de bus et de taxis. Ce qui n’a pas été respecté.

Dans quel but se former ? Quels en sont les avantages ?
La formation, déjà, va permettre à ces personnes de pouvoir diminuer leur consommation de gasoil. Elle va leur permettre de se mettre à niveau sur le volet commercial, l’aspect soft skills, notamment le comportement avec le client. Mais, aussi, les amener dans un aspect de développement commercial à la fidélisation de la clientèle. En fin de compte, tendre par exemple vers ce qui se fait en France par des compagnies de transport, à savoir la création de Pass VIP, Pass Prestige… L’usager connaissant le professionnalisme du conducteur de taxi peut l’appeler directement, réserver le taxi, etc.

A ce moment-là, il n’est plus consommateur, mais devient client. Dans ce cas, le conducteur peut commencer à prévoir son activité pour les prochains jours, semaines et mois, avec de meilleures conditions de travail. Il peut acheter un autre taxi.

Face à la volonté de réformer le secteur du transport, notamment les taxis. Quels sont les enjeux d’une telle opération ?
Parlant de réforme du secteur, il faudrait, en fin de compte, aller un peu plus loin, parce que la plupart des conducteurs de petits taxis se plaignent du problème des agréments, qui les amène à payer 250 DH par demi-journée et par taxi, en plus du carburant. Et donc, très souvent, des gens détiennent une dizaine d’agréments. On sait très bien qui ils sont. Il devrait normalement y avoir une réforme qui aurait dû entrer en vigueur il y a longtemps, suite aux plaintes auprès de l’ex-Chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane. Il avait été décidé qu’en fin de compte, toutes les personnes qui le désiraient pouvaient avoir un agrément.

Sinon, il devrait avoir un contrat de travail ou de location avec le loueur de taxi. La réforme du secteur doit aller un peu plus loin. Si l’on demande aux chauffeurs de taxi de conduire mieux, d’être plus responsables et aimables, il ne faut pas oublier qu’ils ont des taxis qui ne sont pas forcément climatisés, qui sont en circulation toute la journée et qui subissent énormément de désagréments dont, notamment, le blocage de la route par les travaux d’infrastructures.

Et donc, en contrepartie, il faut être capable de mettre sur la table des carottes pour eux. Peut-être une TVA sur le gasoil. Nous l’avons aussi déjà proposé. Que les petits taxis d’un bon niveau, avec un chauffeur qui a la carte professionnelle, puissent par exemple aller jusqu’à l’aéroport. Ce qui peut être pour le taxi correspondant à ces critères un gain d’argent plus important. Ce qui peut aussi faire jouer la concurrence par rapport aux grands taxis, qui eux peuvent se permettre de fixer des tarifs de 250 DH ou 300 DH.

Pourquoi n’auraient-ils pas ce droit et où est-ce qu’il est écrit qu’aller jusqu’à l’aéroport est exclusivement réservé aux grands taxis ? Nous sommes dans un pays moderne et il faut être capable d’adapter les règles. Comment justifier qu’un petit taxi gagne en moyenne 250 DH en une journée, lorsqu’un grand taxi en gagne 300 DH avec une seule course d’une heure en moyenne. Sachant qu’à l’aéroport, il n’y a pas de navette de bus reliés à la ville.

Ce qui est bizarre pour une ville aussi moderne que Casablanca. Et à partir de 22 heures, il n’y a plus de train. Ce qui signifie qu’après cette heure, les passagers des vols qui arrivent à l’aéroport international n’ont d’autre choix que le grand taxi. En déplaçant un petit peu le curseur, on peut donner un peu plus d’activité aux petits taxis, faire jouer la concurrence et tirer vers le haut la qualité des prestations.

Conditionner l’exercice de la conduite professionnelle et l’adhésion à la CNSS par l’obtention de la carte de conducteur professionnel n’est-il pas un moyen d’épurer le secteur et écarter les brebis galeuses, notamment dans le contexte actuel de grève intempestives ?
Il faut absolument que les conducteurs de taxi puissent bénéficier de la CNSS pour eux et leur famille. Bien sûr que ce système va crescendo dominer toute la partie réglementation. C’est-à-dire que les conducteurs devront avoir la carte professionnelle et la CNSS. Et surtout avoir un comportement exemplaire.

C’est seulement eux, par exemple, qui pourront bénéficier des aides pour acheter un taxi, s’installer, se développer. Mais encore une fois, il y a une partie prenante dont on ne parle pratiquement jamais, c’est la Fédération du transport et logistique de la CGEM, ainsi que la Commission du transport et de la logistique de la CGEM. Actuellement, on ne les entend pas. Peut-être parce qu’ils font actuellement un travail en profondeur avec le gouvernement et les instances. On entend que les syndicats.

Si on doit se contenter d’un coup de peinture, cette réforme ne marchera pas. Ces instances doivent pouvoir accompagner cette réforme qui doit être en profondeur. Ce gouvernement a le temps, ils sont là pour cinq ans, et ont donc tout le temps de mener les réformes que tout le monde attend. En particulier les conducteurs, qui galèrent parce qu’une grande majorité n’est pas propriétaire du taxi.

Tous ensemble avec, autour de la table, le ministère de tutelle, les mairies et conseils régionaux, les walis, la Fédération du transport et les représentants syndicaux des chauffeurs de taxis.

Modeste Kouamé / Les Inspirations ÉCO


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