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Déficit budgétaire : le retournement de conjoncture aura un impact neutre

Les hypothèses de construction du Budget 2022 n’ont pas tenu longtemps face à la sécheresse et aux conséquences économiques de la guerre en Ukraine. Le contexte va alourdir les dépenses de 16 MMDH. Dans le même temps, les recettes fiscales sont bien meilleures qu’anticipé grâce à l’IS et la TVA à l’importation. Le déficit budgétaire devrait rester proche des prévisions. Reste à savoir si cela suffira à calmer les tensions haussières sur les taux obligataires. 

Le ministère des Finances a bâti le budget 2022 sur l’hypothèse d’une production céréalière de 80 millions de quintaux, une croissance de 3,2%, un taux d’inflation de 1,2%… Mais c’était sans compter sur la sécheresse et la guerre en Ukraine qui allait exacerber les tensions inflationnistes. Résultat, la production céréalière s’est limitée à 32 millions de quintaux, la croissance diminuerait de moitié et l’inflation atteindrait son plus haut niveau depuis 1995, soit plus de 5%. Paradoxalement, ce retournement de conjoncture brusque aura peu d’effets sur les finances publiques. Malgré les dépenses exceptionnelles pour soutenir le pouvoir d’achat et une croissance molle, le déficit budgétaire resterait conforme aux prévisions grâce à des recettes fiscales bien meilleures que prévu, selon les nouvelles projections du ministère des Finances.
 
21 MMDH de recettes fiscales supplémentaires
L’État devait initialement engranger 231 MMDH de recettes fiscales en 2022. Ce sera plus de 252 MMDH, selon les dernières estimations. Merci aux grandes entreprises dont le rebond des bénéfices en 2021 a fait un grand bien aux finances publiques. Le gouvernement attend 9,1 MMDH de plus qu’anticipé soit une recette globale de 61,1 MMDH. À fin juin, le Trésor avait déjà encaissé 35,5 MMDH. Si la flambée des prix génère des dépenses exceptionnelles, elle soutient aussi les recettes par le canal des importations. La forte hausse de la facture se traduira par des recettes additionnelles de 8,2 MMDH au titre de la TVA à l’importation. Celle-ci s’établirait à 51,3 MMDH. En outre, les droits de douane seront de 1,7 MMDH supérieurs aux anticipations tout comme l’impôt sur le revenu.
Cette année, l’État renonce aux privatisations

Alors qu’il avait budgétisé 5 MMDH au titre des recettes de privatisation, l’Exécutif a finalement décidé d’y renoncer. Il semble privilégier les financements innovants grâce auxquels il a déjà mobilisé 10 MMDH sur une enveloppe de 12 MMDH. L’abandon des cessions de participations de l’État, cette année, entrainera une baisse de 4,8 MMDH des montants budgétisés au titre des recettes non fiscales. Aucun changement majeur n’est donc attendu sur les autres rubriques, notamment sur les dividendes versés par les entreprises et établissements publics ainsi que sur les participations financières de l’État.

Hors charge de compensation, les autres dépenses sous contrôle
À 203,2 MMDH, les charges de personnel et les dépenses de matériels et divers restent inchangés par rapport aux anticipations. Face aux critiques régulières sur le train de vie de l’État, l’exécutif s’engage sur la rationalisation des dépenses de fonctionnement. En attendant des résultats concrets à ce niveau, il espère un retour à la normale de la charge de compensation après l’explosion de la facture cette année. Face à l’envolée des prix à l’international, 16 MMDH ont été rajoutés à l’enveloppe initiale (17 MMDH) pour assurer l’approvisionnement en blé et pour stabiliser les prix du pain, du sucre, du gaz butane et du blé. Le soutien aux prix hissera les dépenses globales du budget à 287,2 MMDH contre 271,2 MMDH anticipés.

Financement extérieure : le trésor maintien ses plans inchangés

Alors que les hausses de taux s’accélèrent à l’étranger, la BCE ayant relevé, le 8 septembre, son principal taux directeur de 75 points de base, le Trésor maintient son programme de financement extérieur inchangé. Après actualisation, il prévoit toujours la mobilisation de 40 MMDH à l’extérieur sur l’ensemble de l’année. À fin juillet, les tirages se sont limités à 6,5 MMDH.

La maîtrise du déficit budgétaire et l’équilibre entre le financement interne et externe seront nécessaires pour éviter un emballement des taux obligataires qui servent, par ailleurs, de référence au calcul des taux débiteurs. Malgré un déficit budgétaire sous contrôle et un taux directeur toujours à 1,5%, les taux obligataires ont entamé leur remontée depuis le début de l’année, rompant avec la tendance baissière depuis 2012. Les pressions haussières sur les courbes obligataires primaires et secondaires persisteraient d’ici la fin de l’année, prévoient les analystes.

Le scénario d’une hausse durable de l’inflation et la probabilité d’un tour de vis monétaire ressortent à un niveau élevé pour les analystes d’AGR qui prévoient, dans ce cas, une hausse systématique de la courbe des taux sur un horizon court terme. Par ailleurs, la capacité du Trésor à boucler les emprunts et les financements extérieurs, tout en mobilisant les recettes de privatisation, influencera aussi la courbe des taux.

Franck Fagnon / Les Inspirations ÉCO



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