Créances douteuses : les banques redoutent la deuxième vague
Les conséquences de la guerre en Ukraine pourraient placer de nombreuses entreprises dans l’incapacité d’honorer leurs engagements bancaires. C’est la deuxième «vague» qu’observent les banquiers et qu’ils redoutaient.
Si la situation épidémiologique liée au Covid-19 ne suscite plus d’inquiétude particulière des autorités sanitaires, les banques, elles, craignent les ravages de la «deuxième vague» sur les bilans. La guerre en Ukraine a non seulement compromis toute reprise de l’économie, mais surtout mis en grande difficulté de nombreux secteurs exposés à l’hyperinflation des coûts des intrants et des matières premières.
De l’automobile au tourisme en passant par le BTP, beaucoup d’entreprises pourraient ne pas être en mesure d’honorer leurs échéances de crédit. Les créances en souffrance reprendraient alors l’ascenseur ainsi que le coût du risque. Les secteurs du tourisme (dont les recettes représentent 22% des exportations), de l’hôtellerie et de la restauration, restés moroses en 2021 et qui concentrent beaucoup d’impayés, devraient reprendre en 2022 sans pour autant atteindre leur niveau d’avant-crise.
Même garantis par l’État, les prêts débloqués dans le cadre du dispositif de soutien à l’économie au plus fort de la crise sanitaire, sont aussi concernés par le risque de défaut tant que les entreprises n’auront pas suffisamment reconstitué leurs trésoreries, sans compter l’impact de la dégradation des délais de paiement inter-entreprises.
Tous ces éléments, ainsi que la forte concentration des prêts sur quelques très gros emprunteurs, devraient exercer des pressions sur la qualité des actifs bancaires et entraîner une légère détérioration du ratio de prêts douteux cette année, explique un analyste financier.
Mais il n’y a pas consensus sur ce constat, car d’autres analystes voient plutôt une stabilisation de la situation (voir l’interview ci-contre de Goksenin Karagoz, analyste de l’agence S&P Global).
La remontée des impayés en 2022 tomberait au plus mauvais moment pour les banques car le secteur financier doit appliquer, dès cette année, les dispositions de la circulaire 19G de Bank Al-Maghrib relative aux créances en souffrance. La profession avait obtenu un sursis afin d’éviter le télescopage dans les comptes avec la norme IFRS9.
Cette circulaire, connue de tout le personnel de production, est redoutée par les banquiers car elle implique un changement profond de mentalité et l’abandon de certains «accommodements» dans le secteur. Selon le deal conclu entre le GPBM et les autorités monétaires, les dispositions de la «19G» entreront en vigueur en deux phases : fin 2022 -c’est-à-dire dans les états de synthèse de cet exercice- pour le volet régissant les créances en souffrance et fin 2024, pour les mesures relatives aux créances sensibles.
Encore plus que par le passé, les banques surveillent les dépassements de découverts, un moyen auquel recourent beaucoup de PME pour assurer le paiement des salaires de fin de mois et les échéances vis-à-vis des organismes de sécurité sociale.
Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO