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Coopération économique : à Marrakech, Pékin déroule sa vision du monde

Dans un rare exercice de transparence de près de deux heures à l’Université Cadi Ayyad de Marrakech, Li Changlin, ambassadeur de Chine au Maroc, a livré devant un parterre attentif les grandes lignes de la diplomatie chinoise. Coopération scientifique, déficit commercial, investissements, Sahara, élargissement des BRICS, sanctions américaines… aucun sujet n’a été éludé dans une intervention qui en dit long sur la manière dont l’Empire du milieu entend structurer sa relation avec le Royaume.

Sous la voûte de l’amphithéâtre comble de la Faculté des sciences Semlalia de Marrakech, l’ambassadeur chinois, Li Changlin, s’est livré à un exercice de transparence rare sur les grandes orientations de la diplomatie de son pays.

Interpellé d’emblée par des enseignants, chercheurs et étudiants sur les tensions sino-américaines, le diplomate ne mâche pas ses mots : «Nous n’avons pas peur des provocations. Nous irons jusqu’au bout pour défendre les intérêts légitimes de notre pays».

Un déséquilibre commercial assumé
Ramené à une échelle locale, la discussion a porté – pour une bonne partie – sur le déséquilibre des échanges bilatéraux sino-marocains. En effet, le Maroc a enregistré un solde négatif de 275,74 milliards de dirhams, en hausse de 6,5% sur un an.

Face à cette réalité, Pékin affirme toutefois vouloir corriger cette asymétrie, à travers des mesures concrètes engagées pour élargir l’accès des produits locaux au marché chinois. À titre d’exemple : la participation croissante des entreprises marocaines aux foires commerciales organisées en Chine, notamment à Shanghai.

Certaines filières, comme celle des figues de barbarie, ont vu leur accès au marché chinois facilité. Des accords ont également été conclus pour élargir la présence de produits marocains à haute valeur ajoutée. Autant d’initiatives qui visent à créer, à terme, une relation plus équilibrée.

L’ambassadeur met également en avant les investissements chinois réalisés dans des secteurs générateurs d’emplois. Il cite l’implantation d’une usine textile à Sidi Kacem, censée créer à terme près de 7.000 postes, ainsi que l’installation d’une unité de pales d’éoliennes nouvelles génération à Nador, opérationnelle depuis janvier. Ces projets, explique-t-il, s’inscrivent dans une logique de soutien au développement industriel local et de participation à l’élargissement du tissu productif local.

Sur le terrain scientifique, l’ambassadeur plaide pour une coopération accrue entre les deux pays. Il évoque la création de laboratoires conjoints entre universités de part et d’autre, et encourage les jeunes chercheurs à postuler aux programmes de bourses proposés par Pékin tout en renforçant les échanges interuniversitaires entre les établissements marocains et les institutions de la province du Zhejiang, l’un des centres névralgiques de l’innovation en Chine. Li Changlin souligne par ailleurs que plus de 12.000 étudiants africains poursuivent leur formation au Maroc, ce qui, selon lui, en fait un terreau fertile de coopération triangulaire avec le continent africain.

Sahara : Pékin se maintient sur une ligne de crête
Interrogé au sujet de son éventuelle adhésion aux BRICS, l’ambassadeur confirme la volonté chinoise d’«accueillir favorablement» le Maroc dans le giron de ce bloc économique. Il rappelle toutefois que toute adhésion reste conditionnée à un consensus entre les membres fondateurs.

À ce jour, aucune demande officielle n’a été formulée publiquement par le Royaume qui avance avec prudence, préférant garder un statut d’observateur engagé plutôt que de s’engager dans un processus d’adhésion sans garanties.

Sur le dossier du Sahara, Li Changlin adopte un ton mesuré. Il rappelle que la Chine reste attachée au principe de non-ingérence et à la souveraineté des États. Il admet toutefois que cette posture de réserve peut être perçue comme une forme de distance. Mais pour Pékin, il s’agit d’un positionnement de continuité, fondé sur une logique de stabilité à long terme.

Concernant les grands équilibres internationaux, l’ambassadeur insiste sur une proximité croissante entre Rabat et Pékin. Il évoque une «vision commune fondée sur le respect de la souveraineté nationale, l’unité territoriale et la défense d’un multilatéralisme plus inclusif». Une ligne qui, selon lui, fait écho à celle portée par la diplomatie marocaine dans ses discours récents.

La coopération culturelle en suspens ?
S’agissant des échanges culturels, l’ambassadeur reconnaît que l’implantation d’un Institut Confucius à Marrakech reste en suspens. «Tanger était en concurrence avec Marrakech. Pour des raisons techniques et diplomatiques, le projet n’a pas encore vu le jour ici», explique-t-il.

Il insiste néanmoins sur la nécessité d’ancrer davantage la présence culturelle chinoise dans la ville, très prisée par les touristes chinois. La cité millénaire est perçue par ses concitoyens comme une destination culturelle par excellence. Un attrait que Pékin entend valoriser dans le cadre d’une diplomatie culturelle en devenir.

Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO



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