Consolidation budgétaire, réformes fiscales, Covid-19 : BAM et le FMI analysent les impacts
Bank Al-Maghrib vient de publier un nouveau document de recherche réalisé conjointement par des chercheurs de Bank Al-Maghrib et du Fonds monétaire international. Il porte sur l’impact économique de la consolidation budgétaire et des réformes fiscales. Le document analyse également les impacts de la pandémie de la Covid-19 sur l’économie marocaine.
Bank Al-Maghrib (BAM) vient de publier un nouveau document de recherche intitulé «Le Modèle d’analyse des politiques au Maroc : cadre théorique et scénarios politiques» (The Morocco Policy Analysis Model : Theoretical Framework and Policy Scenarios). La publication a été réalisée conjointement par des chercheurs de BAM et du Fonds monétaire international (FMI), dans le cadre de la collaboration permanente entre les deux institutions. Ces derniers ont tenté, à travers ce document, de simuler l’effet des développements externes, des politiques macroéconomiques nationales et des réformes structurelles sur les principaux agrégats macroéconomiques. La publication retrace ainsi l’impact économique de la consolidation budgétaire et des réformes fiscales programmées dans le cadre de la ligne de précaution et de liquidité, obtenue par le Maroc en décembre 2018. Pour ce faire, le travail de recherche s’est appuyé sur deux scénarios à moyen terme. L’un analyse les effets à long terme de l’assainissement budgétaire et l’autre fournit une évaluation précoce de l’impact de la pandémie Covid-19 et des résultats des mesures de politique budgétaire adoptées.
«Les simulations du document décrivent des scénarios théoriques basés sur un ensemble d’hypothèses et de jugements d’experts et ne doivent pas être interprétées comme des prévisions des autorités marocaines ou du FMI», prévient Bank Al-Maghrib.
Le scénario d’assainissement budgétaire résume les hypothèses puis simule l’impact du cadre proposé à la Conférence nationale sur la fiscalité de 2019, constatant que l’assainissement a un impact généralement positif. Les hypothèses de départ établies par les chercheurs comprennent, entre autres, l’adoption d’une loi-cadre crédible, la répartition des gains provenant de recettes supplémentaires et la suppression de la subvention aux carburants, le financement du filet de sécurité sociale et la réduction des taux d’imposition sur le revenu. Les hypothèses se basent également sur la simplification du système complexe de taux de TVA multiples ainsi que l’évolution du système fiscal, l’élargissement de l’assiette fiscale mais aussi sur le recours aux exonérations fiscales. Le scénario suppose qu’il n’y a aucun changement dans le système monétaire et de taux de change actuel. Le résultat de ce scénario présente les caractéristiques habituelles d’une stabilisation par contraction keynésienne de courte durée. Les déficits publics diminuent, financés par une augmentation permanente des recettes et des réductions temporaires des dépenses, et le ratio dette brute/PIB tombe à l’objectif de 60%. Le ratio dette brute/PIB devrait également tomber à l’objectif de 60%. D’une part, la réduction de l’endettement public et le passage des impôts directs aux impôts indirects génèrent des gains d’efficacité et conduisent à une augmentation substantielle de l’investissement privé. D’autre part, la suppression de la subvention aux carburants réduit le revenu disponible, limitant ainsi l’investissement. L’impact total à moyen terme sur la production est positif et important. Le ratio dette/PIB, en permanence plus bas, réduit la prime de risque pays et crée un espace pour l’expansion éventuelle des transferts sociaux ciblés. Par ailleurs, l’équilibre général et les avantages à long terme de l’assainissement budgétaire sont considérables. À commencer par le PIB qui devrait augmenter d’environ 1,5 point de base. L’économie devrait, quant à elle, se stabiliser finalement à un niveau de production plus élevé. La consommation privée -après la baisse initiale provoquée par l’impulsion budgétaire négative- devrait se redresser dans les trois ans à venir avant de se stabiliser à environ 2 points de pourcentage au-dessus du niveau de référence, ce qui souligne l’effet positif de l’assainissement budgétaire sur le bien-être. Le scénario de pandémie COVID-19 englobe, quant à lui, les actions des autorités au cours du premier semestre 2020 et fait des hypothèses sur les évolutions à court et moyen termes, constatant que même avec un mix fiscal et monétaire bien coordonné, le retour au niveau pré-Covid du PIB réel prendra plusieurs années, avec une augmentation durable de la dette publique. Les hypothèses de départ incluent le déficit initial de la demande et les perturbations à moyen terme du côté de l’offre. Le ralentissement de la productivité et les perturbations des chaînes d’approvisionnement pèseraient pendant un certain temps sur la croissance potentielle du PIB.
Les maintes utilisations du MOPAM
La première utilisation du Modèle d’analyse des politiques au Maroc (Morocco Policy Analysis Model: MOPAM) remonte au milieu des années 2010. Depuis, son utilisation répétée a démontré son utilité dans les scénarios demandés par les décideurs politiques marocains. Le MOPAM a été, entre autres, utilisé pour évaluer l’impact économique de la réforme des retraites de 2016, la transition vers un régime de change plus flexible en 2017 ainsi que pour l’augmentation du salaire minimum en 2019. Pour la Banque centrale, le MOPAM ne doit pas être considéré comme une prévision mais comme un outil de simulation conçu pour stimuler le débat politique. Dans ce sens, BAM note qu’elle recourt à un cadre de modélisation différent pour les prévisions. Les prévisions officielles de la Banque centrale ainsi que du FMI pour le Maroc ne sont donc pas comparables aux résultats de la simulation du MOPAM. Les simulations du modèle explorent en effet des scénarios contrefactuels basés sur des hypothèses définies et des avis d’experts qui s’appuient sur des prévisions macroéconomiques officielles et supposent que les politiques restent inchangées.
Aida Lo / Les Inspirations Éco