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Conseil de Bank Al-Maghrib : “Attention à ne pas fragiliser le système bancaire”

Le Conseil de Bank Al-Maghrib a été l’occasion de scruter la situation du système bancaire national. Après les baisses consécutives du taux directeur et l’élargissement du collatéral pour les banques, l’heure est au bilan. À noter que suite à la dernière réunion du Conseil, la Banque centrale a maintenu le taux directeur à 1,5%.

Croissance des impayés
Les créances en souffrance (CES) ont connu une augmentation de 7 MMDH pour atteindre 77 MMDH à fin juillet 2020, soit un taux de CES de 8,1%. «Un niveau que la Banque centrale suit de très près», explique Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib (BAM), précisant qu’il faudra faire la distinction entre les impayés dus au moratoire accordé par les banques et les créances en souffrance. Cette tendance à la hausse concerne tous les pays impactés par la crise sanitaire. «Les mesures de relance n’ont pas encore donné les résultats escomptés, et ce même dans les pays développés…», souligne le wali. Il faudra donc attendre la fin de l’année pour pouvoir apprécier l’efficience de ces mesures. Cela étant, les créances existantes ont été garanties par l’État. Le risque pour les banques est limité entre 80% et 95%. Les banques devraient, à leur niveau, traiter chaque dossier au cas par cas et négocier avec leurs clients. Mais dans l’ensemble, les provisions des banques restent à un niveau acceptable grâce à l’action pro-active de la Banque centrale. Jouahri ne manque pas de rappeler sa décision de suspendre la distribution des dividendes au titre de l’exercice 2019. «Évoluant dans un environnement très incertain, je n’exclurai pas l’hypothèse de refaire la même chose pour l’exercice 2020, si la situation a du mal à se redresser», affirme Jouahri. La situation est encore plus critique du côté des sociétés de financement qui connaissent une très forte augmentation du niveau de créances en souffrance.

Solvabilité
Une réunion sera tenue avec le Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM) en novembre pour dresser un état des lieux du système bancaire en termes de solvabilité et de règles prudentielles. Cette réunion permettra également aux régulateurs et autres organismes de mesurer l’étendue des dégâts de la crise et de définir la catégorie la plus touchée (TPE, PME, ménages…). Le wali de Bank Al-Maghrib a également évoqué le projet de circulaire concernant les dations en paiement. Les travaux menés en concertation avec le secteur ont été reportés en raison de la crise sanitaire. Malgré la flexibilité du calendrier, BAM affirme assurer le suivi du dossier.

Règles prudentielles
Jouahri assure que, dans ce contexte particulier, il a été impératif de lâcher du lest au niveau des règles prudentielles pour les banques, mais aussi pour les associations de microcrédit. Les sociétés de financement en ont également profité, surtout en ce qui concerne les dotations aux amortissements dans le cadre du leasing. Jouahri alerte tout de même sur le risque de fragiliser le système bancaire avec l’accumulation de mesures trop accommodantes. «S’il faut encore accompagner le système bancaire, nous le ferons, mais dans la mesure du possible», déclare-t-il, ajoutant que la Banque centrale peut faire preuve de flexibilité. Jouahri ne manque pas de rappeler que les règles prudentielles, aussi sévères soient-elles, ne sont appliquées que pour rendre service aux banques. D’ailleurs, les stress tests menés en 2020 ont finalement démontré la résilience du secteur bancaire marocain, grâce notamment à l’implémentation progressive, ces dernières années, des normes prudentielles (Bâle I, II et III). «Il faut que le système bancaire garde ses règles prudentielles pour qu’il n’y ait pas de problème de solvabilité», souligne-t-il.

Déficit de liquidités
BAM affirme avoir pratiquement servi l’intégralité des banques. Les capacités de refinancement auprès du Trésor sont de 340 MMDH, alors que le déficit de liquidité est limité à 100 MMDH. «L’essentiel pour nous est de refinancer les banques pour leur permettre d’octroyer des financements sains et de soutenir l’économie réelle», déclare Jouahri.

Sortie du Trésor à l’international
Pour financer l’aggravation du déficit budgétaire, le Trésor compte procéder à une sortie sur le marché financier international, comme annoncé par le ministre des Finances le mois dernier. Sans donner de détails, le wali affirme que l’opération se fera en euro dans les prochains jours, et sera prise en compte dans les réserves de BAM. Une deuxième opération est prévue en 2021. Jouahri exclut en revanche toute procédure de renouvellement de la Ligne de précaution et de liquidité auprès du Fonds monétaire international. «Ce n’est pas encore le moment de contracter ce type de financement. La priorité actuelle est de gérer les effets de la pandémie», conclut-il.

Mobile banking
Jouahri est conscient que le mobile banking reste un important outil pour l’inclusion financière et une solution essentielle de lutte contre le cash. Il s’insurge d’ailleurs contre le retard qu’a pris cette nouvelle industrie. «La première expérience a vu le jour douze ans auparavant, nous avons perdu trop temps», déplore le wali. Surtout que tout l’écosystème semble prêt, tant au niveau technique qu’institutionnel. Selon le comité stratégique de l’inclusion financière, il existe déjà 1,5 milliard de wallets. Seul point à corriger, les incitations fiscales permettant aux commerçants de proximité de s’engager dans l’aventure du mobile banking. Le wali se dit même prêt à faire du «lobbying» au niveau du Parlement qui craint une exclusion des petits commerçants. «Je frappe à toutes les portes pour déverrouiller ce dossier et qu’il soit opérationnel dans les meilleurs délais», affirme Jouahri. Il propose même des opérations pilotes afin de démonter l’efficience de ce nouvel instrument.

Aida Lo / Les Inspirations Éco

 


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