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Comment les magistrats ont recadré l’administration

Plusieurs litiges ont opposé l’État aux particuliers en 2017, les juridictions chargées de statuer sur ce type de contentieux ont donc émis de nouvelles règles dans le cadre de ce traitement. Revue des détails.

Malgré l’adoption de nouveaux textes  régissant le droit administratif, ce dernier demeure essentiellement jurisprudentiel. Que ce soit en matière de faute, de règles de forme, d’impôts…Les rapports sont souvent régis de manière «ad hoc», vu l’absence de textes spécifiques.

«L’aléa thérapeutique» et droit à l’indemnisation
Si contrairement au droit français, principal source d’inspiration du système administratif marocain, où l’Etat a vu son pouvoir absolu se limiter avec le temps, l’État marocain n’a jamais été «irresponsable» au regard du droit. Depuis le début des années 1980, la responsabilité de l’administration s’est étendue à tous les domaines de l’action de la puissance publique et les hypothèses de mise en œuvre n’ont cessé de s’élargir, pour constituer aujourd’hui un système assez complexe et original. Depuis 2007, la juridiction suprême applique l’article 79 du DOC, selon lequel : «L’État et les municipalités sont responsables des dommages causés directement par le fonctionnement de leurs administrations et par les fautes de service de leurs agents». Après avoir accepté et adopté l’indemnisation de la part de l’administration, notamment en matière d’erreur judiciaire et de mines antipersonnelles, la mise en œuvre de la responsabilité pour risque peut être du fait des choses dangereuses ou des activités dangereuses, l’aléa thérapeutique ou encore parce que le dommage découle d’une opération particulière que sont les travaux publics. Néanmoins, dans un cas comme dans l’autre, la victime ne pourra prétendre à une indemnisation que si elle peut justifier d’un préjudice anormal et spécial, c’est-à-dire d’un trouble particulièrement grave.

Langue française et perte de souveraineté
Statuant sur une requête déposée par une citoyenne qui reprochait au ministère de la Santé de lui avoir adressé, en langue française, «l’ordre de recette de l’année 2017», la justice a décidé d’annuler l’acte de l’administration. Selon les juridictions administratives, l’État et les collectivités territoriales, tous services confondus, sont tenus d’utiliser l’arabe et l’amazigh dans tous leurs actes et opérations, car, consacrée par la Constitution, la langue officielle est une manifestation de la souveraineté. Or, par l’usage d’une langue étrangère, l’administration «renonce à cette souveraineté» et «bafoue la volonté des citoyens qui, à travers la Constitution, ont choisi l’arabe et l’amazigh comme langues officielles».

Expropriation et remboursement des frais techniques
L’exproprié fait souvent appel à un conseil technique qui est plus à même que lui d’apprécier la pertinence du rapport d’évaluation de l’expert judiciaire. Revenant sur une jurisprudence antérieure par laquelle elle refusait systématiquement d’indemniser ce poste, la Cour de cassation a récemment admis que les frais de conseil technique doivent être indemnisés pour autant qu’ils soient nécessaires à la procédure d’expropriation. Les magistrats de la Haute cour arguent que «pour obtenir une juste indemnité, l’exproprié doit être à armes égales avec le pouvoir expropriant et bénéficier d’un procès équitable, ce qui exige l’assistance d’un conseil technique dont les frais constituent un dommage qui est la conséquence nécessaire de l’expropriation.

Fiscalité : la faute simple suffit
Le contribuable peut rechercher la responsabilité de l’administration et demande réparation d’un préjudice subi par l’activité de l’administration. Le contribuable qui obtient un dégrèvement total ou partiel de son imposition ne bénéficie pas de plein droit d’un dédommagement sauf pour intérêts moratoires. Il doit engager une nouvelle procédure sur le plan du droit commun de la responsabilité. Suite à ce revirement jurisprudentiel, l’exigence de faute lourde est abandonnée pour une faute simple. Cette faute simple est assortie d’exigences : démonstration que la décision illégale d’imposition ou de recouvrement a eu pour lui directement des conséquences matérielles ou troubles dans ses conditions d’existence. 



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