Ciment : retour en force après une année 2023 décevante
Le secteur du ciment retrouve de l’allant après la morosité de 2023. Dans le détail, on constate ainsi que les livraisons de ciment sont en hausse grâce au dynamisme de trois segments clés.
Les cimentiers marocains retrouvent des couleurs en 2024. Selon les dernières statistiques publiées par l’Association professionnelle des cimentiers (APC), le marché du ciment au Maroc connaît un regain d’activité en 2024, après une période de ralentissement en 2023.
Pour le seul mois de juillet, les membres de l’APC ont livré 1.189.016 tonnes de ciment, soit +52,25% par rapport à juillet 2023. En cumul, c’est-à-dire au terme des sept premiers mois de 2024, les livraisons ont atteint 7.465.101 tonnes, enregistrant une progression de +6,84% par rapport à la même période de 2023. Parmi les différents segments, trois se distinguent particulièrement par leur dynamisme.
La distribution, segment incontournable porteur de croissance
Les livraisons du mois de juillet 2024 pour le segment distribution ont atteint 727.386 tonnes, soit une hausse spectaculaire de +38,2% par rapport à juillet 2023 (526.021 tonnes), révèlent les chiffres de l’APC. En cumul sur les sept premiers mois de 2024, les ventes du segment distribution ont progressé de +1% à 4.335.795 tonnes contre 4.291.400 tonnes un an plus tôt. Il faut dire que le circuit de la distribution demeure le principal débouché du ciment au Maroc, en alimentant l’ensemble de l’écosystème de la construction.
Ce segment clé regroupe les négoces qui assurent l’approvisionnement des petits artisans comme les maçons, plâtriers ou carreleurs, mais également des entrepreneurs du bâtiment de plus grande envergure. Les revendeurs de matériaux occupent une place centrale en aval de la chaîne, en redistribuant le ciment en vrac ou en sacs aux particuliers pour leurs chantiers de construction ou rénovation.
Au-delà du marché diffus de l’habitat individuel, la distribution approvisionne également les promoteurs immobiliers pour leurs opérations de logements collectifs résidentiels ou de bureaux. Ce segment clé alimente par ailleurs les donneurs d’ordre publics et privés pour les chantiers d’infrastructures comme la construction de routes, ponts, ouvrages d’art ou bâtiments publics. Avec un maillage territorial dense de points de vente, les circuits de distribution assurent une couverture capillaire de l’ensemble du territoire national, en acheminant rapidement les commandes vers les différents chantiers.
Cette capacité logistique constitue un atout majeur pour satisfaire la demande et rester réactif face aux fluctuations d’activité. La reprise escomptée du marché de l’immobilier résidentiel en 2024, après le ralentissement de 2023, devrait dynamiser les ventes du circuit de distribution vers les artisans et promoteurs.
Les programmes publics de construction de logements sociaux et les importants chantiers d’infrastructures annoncés, comme la préparation de la Coupe du monde 2030, viendront également soutenir les volumes de ce segment pivot. Avec près de 60% des volumes totaux de ciment écoulés, la distribution restera sans aucun doute le principal moteur de croissance pour les cimentiers en 2024 et les années à venir. Sa capillarité unique sur le territoire et sa forte réactivité font de ce maillon essentiel un relais de croissance incontournable pour le secteur.
Le béton prêt à l’emploi, un marché porteur lié aux grands chantiers
Pour le seul mois de juillet 2024, les livraisons du segment du béton prêt à l’emploi (BPE) ont bondi de +119% à 226.448 tonnes contre 103.340 tonnes en juillet 2023, selon les statistiques de l’APC. Sur les sept premiers mois, les volumes du BPE se sont appréciés de +18,2% à 1.630.239 tonnes.
Ainsi, le marché des BPE connaît un regain de vigueur remarquable en ce début d’année 2024. Avec une progression fulgurante de 119% des livraisons en juillet 2024 par rapport à juillet 2023, ce segment stratégique pour les cimentiers affiche une croissance deux fois plus rapide que la moyenne du marché.
Comme nous l’explique un professionnel du secteur, «les bétons prêts à l’emploi offrent de multiples atouts qui expliquent leur fort développement. Acheminés en camion-toupie directement sur les chantiers, ils permettent un gain de temps et de productivité considérable en s’affranchissant des étapes de gâchage et de malaxage sur site. Le contrôle et l’homogénéité parfaite du béton en usine assurent également une qualité et une résistance irréprochables aux ouvrages».
Ce mode d’approvisionnement facilite grandement la réalisation de projets d’envergure comme les grandes opérations immobilières, les constructions industrielles ou les chantiers d’infrastructures linéaires (routes, ponts, etc). Les BPE représentent l’option idéale pour répondre aux contraintes des grands chantiers en termes de volumes, de délais et d’exigences techniques.
Le dynamisme récent de ce créneau s’explique en grande partie par le démarrage de nombreux projets structurants au Maroc en 2024. La reconstruction des régions sinistrées par le séisme d’Al Haouz mobilise d’importants volumes de BPE pour rénover les infrastructures et reconstruire l’habitat. Les chantiers en vue de la Coupe d’Afrique des Nations 2025 (nouveaux stades, infrastructures diverses) et de la Coupe du monde 2030 constituent également des débouchés de premier plan pour les BPE.
Avec un parc de centrales à béton moderne et des capacités de production renforcées, les cimentiers sont idéalement positionnés pour capter cette croissance sur le segment des BPE. Leur maîtrise de l’ensemble de la chaîne de valeur, de la fabrication du ciment à la production du béton prêt à l’emploi, leur confère un avantage compétitif pour répondre à la demande de ces projets d’envergure nationale.
Ainsi, les perspectives sont des plus favorables pour ce créneau de niche à forte valeur ajoutée, tiré par les importants programmes d’investissements publics et privés au Maroc pour les années à venir. IL devrait ainsi demeurer l’un des principaux moteurs de la croissance des cimentiers sur le moyen terme.
La préfabrication, un créneau prometteur tiré par l’essor du BTP
Pour le segment des produits préfabriqués en ciment (prefa), l’évolution est tout aussi remarquable avec «des livraisons en hausse de +49,7% à 115.958 tonnes pour le mois de juillet 2024 contre 77.464 tonnes un an plus tôt». En cumul annuel à fin juillet, la préfabrication a vu ses volumes progresser de +6,7% à 723.317 tonnes.
La préfabrication en ciment, qui regroupe la production d’éléments en usine, se positionne comme un des créneaux les plus dynamiques du marché du ciment au Maroc en ce premier semestre 2024. Avec une envolée de près de 50% des volumes en juillet dernier, ce segment affiche un regain de vigueur remarquable. Ce dynamisme s’explique par les nombreux débouchés des produits préfabriqués dans le secteur de la construction.
Dans le bâtiment résidentiel, les parpaings, bordures et autres éléments préfabriqués permettent d’accélérer les chantiers tout en garantissant robustesse et pérennité aux constructions. Ils facilitent les travaux et améliorent la productivité des corps de métier comme les maçons. «Le secteur des travaux publics constitue également un important débouché, avec l’utilisation intensive de poutres alvéolées, bordures et d’autres pièces préfabriquées pour la construction d’ouvrages d’art routiers ou ferroviaires (ponts, viaducs, etc.).
La préfabrication offre de nombreux avantages de rapidité, économies d’échelle et standardisation des composants sur ces grands chantiers d’infrastructures», nous explique un opérateur. Le fort dynamisme du segment préfa traduit la bonne orientation du marché de la construction au Maroc en ce début 2024, dynamisé par les importants programmes publics et privés en cours.
Le plan de reconstruction après le séisme d’Al Hoceima et les chantiers liés aux grands événements sportifs comme la CAN 2025 et la Coupe du monde 2030 constituent d’importants vecteurs de croissance. Au-delà des aspects purement techniques, l’essor de la préfabrication s’inscrit dans une dynamique de modernisation et d’industrialisation du secteur de la construction au Maroc. Ainsi, les cimentiers investissent dans la montée en gamme et le développement d’une offre à plus forte valeur ajoutée intégrant plus de services autour des matériaux.
Chantiers d’envergure et grands projets : les cimentiers marocains surfent sur la vague
«Ces statistiques reflètent un réel regain d’activité dans le secteur de la construction au Maroc en ce début d’année 2024, notamment grâce à l’accélération de plusieurs grands projets d’infrastructures.» Commente un expert. «Les cimentiers marocains sont bien positionnés pour bénéficier de cette dynamique, après une année 2023 plutôt morose.»
Avec des taux de croissance attendus de 7,1% pour LafargeHolcim Maroc et 5% pour Ciments du Maroc sur la période 2019-2026, les perspectives semblent au beau fixe pour les deux leaders du ciment au Royaume. Le rebond des segments porteurs de la distribution, du BPE et de la préfabrication devrait permettre au secteur de renouer avec une trajectoire haussière durable.
Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO