Capital-investissement : ce que disent les bilans des entreprises investies par les fonds

L’influence prépondérante qu’exercent de plus en plus les fonds d’investissement sur l’économie est corroborée par le dernier rapport d’impact de l’AMIC relatif à l’exercice 2024. Parmi les enseignements majeurs, figure le constat que les entreprises accompagnées par des fonds d’investissement affichent des performances nettement supérieures à la moyenne nationale, tant en matière de croissance que d’exportations et de contribution fiscale.
L’analyse économique, trop souvent arrimée aux seuls agrégats macroéconomiques, tend à occulter ce qui constitue pourtant l’ossature d’un tissu productif, à savoir la capacité d’un pays à faire croître ses entreprises. Plutôt que de s’en tenir aux moyennes nationales, l’évaluation de la performance des PME accompagnées par le capital-investissement offre un baromètre plus fidèle de l’efficacité des mécanismes de financement. Amorcé il y a près de deux décennies, cet élan a favorisé l’émergence de plusieurs acteurs de référence et de champions nationaux dans une diversité de secteurs.
À fin 2024, plus de 320 entreprises auront été accompagnées, pour un montant cumulé d’investissements atteignant 15,7 milliards de dirhams (MMDH). C’est ce qui ressort du rapport d’impact, au titre de l’exercice 2024, établi par l’Association marocaine des investisseurs en capital, qui fédère les représentants de la profession auprès des investisseurs institutionnels, des entrepreneurs et des pouvoirs publics. L’étude, réalisée en partenariat avec Fidaroc Grant Thornton, passe au crible toutes les entreprises accompagnées depuis 2000, dont près de 200 ont fourni des données détaillées.
«Ce rapport illustre de manière concrète comment le capital-investissement peut transformer en profondeur notre tissu économique. En accompagnant les entreprises dans leur structuration, leur croissance et leur ouverture à l’international, nous contribuons à bâtir une économie plus compétitive, inclusive et durable. Notre ambition étant de faire émerger des champions nationaux, en alliant performance financière, impact social réel et exemplarité environnementale», souligne Hassan Laaziri, président de l’AMIC.
Accompagnement ciblé
Les résultats sont sans appel. Alors que le PIB national a progressé de 3,8% en 2024, les entreprises investies par les fonds enregistrent une croissance moyenne de leur chiffre d’affaires de 20,5%, soit plus de cinq fois le rythme de l’économie.
Cette performance ne relève pas du hasard. Elle est la résultante d’un accompagnement ciblé, qui conjugue à la fois le volet financement et l’ouverture à l’international. La dynamique est particulièrement marquée dans les secteurs technologiques, qui affichent une envolée de 79%, mais aussi dans la santé (+59%) et les services (+9%). Cette orientation sectorielle reflète un arbitrage stratégique des fonds vers les industries à fort potentiel de transformation.
L’amorçage confirme également sa place de catalyseur, dans la mesure où les entreprises en phase de démarrage affichent une croissance de 50%, contre 22% pour celles en phase de développement et 23% pour les transmissions. Les retombées ne se limitent pas aux chiffres d’affaires. Les effectifs progressent en moyenne de 15% dans les entreprises soutenues, avec des pics à 30% dans les services.
L’impact sur les exportations est tout aussi révélateur de la tendance révélée dans le bilan annuel de l’AMI. Près d’un tiers des entreprises investies sont exportatrices, et parmi elles, la part du chiffre d’affaires réalisée à l’export atteint désormais 53%, contre 44% deux ans plus tôt. Cette montée en puissance internationale atteste de la capacité des fonds à favoriser l’insertion des PME dans les chaînes de valeur mondiales.
Levier limité
Au-delà des performances économiques, les indicateurs de création de valeur interpellent également. L’EBITDA des entreprises accompagnées a été multiplié par 2,5 entre l’entrée et la sortie du fonds, preuve d’une amélioration nette de la rentabilité opérationnelle.
En matière de responsabilité sociale, l’étude met en évidence une amélioration tangible des efforts consentie par les top managements, que ce soit en matière d’environnement, de formation ou de parité. À fin 2024, 68% des sociétés de gestion disposent d’une politique RSE formalisée, et plus de la moitié intègrent des audits RSE dans leur processus d’investissement.
Enfin, l’un des enseignements majeurs du rapport réside dans l’impact fiscal du capital-investissement. Les entreprises investies ont versé, au total, plus de 3 MMDH d’impôts supplémentaires entre leur année d’entrée et leur sortie, pour une durée moyenne de détention de six ans.
Pour la seule année 2024, ces contributions ont progressé de 250 millions de dirhams par rapport à l’année précédente, un signal fort dans un contexte de recherche de recettes publiques. Il faut dire que dans la panoplie de solutions de financement, le capital-investissement s’affirme davantage comme un relais de croissance crédible, mais encore limité à une fraction d’entreprises, destiné à devenir un levier structurel de développement économique.
Hassan Laaziri
Président de l’AMIC
«En accompagnant les entreprises dans leur structuration, leur croissance et leur ouverture à l’international, nous contribuons à bâtir une économie plus compétitive, inclusive et durable. Notre ambition étant de faire émerger des champions nationaux, en alliant performance financière, impact social réel et exemplarité environnementale.»
L’impôt, l’autre indicateur discret de la performance des fonds
L’impact du capital-investissement se fait également sentir sur les comptes publics. Selon l’AMIC, sur les quelque 200 entreprises analysées entre 2000 et 2024, la hausse cumulée des impôts et taxes collectés dépasse les 3 milliards de dirhams, pour une durée moyenne de détention de six ans.
Cette tendance s’est confirmée en 2024, avec une progression de 250 millions de dirhams par rapport à l’année précédente. Un chiffre qui traduit, en creux, l’effet d’entraînement du capital-investissement, non seulement sur la rentabilité mais également sur la quête de transparence des entreprises.
Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO