Bourse : le marché a besoin de plus d’engouement politique
Pas de développement économique sans la bourse. Ce n’est pas pour rien que le NMD lui a consacré tout un pilier. Or, il s’avère que pour le moment elle demeure le parent pauvre du marché des capitaux. Il serait temps de la prioriser.
Il n’y a pas de doute dans l’esprit de Tarik Senhaji, directeur général de la Bourse de Casablanca. «Le développement économique du Maroc est intimement lié à celui de la bourse». Seul bémol, l’économie marocaine est trop dépendante du secteur public. Le privé ne représente qu’un tiers de l’investissement national. Avec la nouvelle charte de l’investissement, la tendance doit s’inverser. L’implication du privé doit en effet doubler. «Cela ne veut pas dire que la part du public va diminuer mais, au contraire, elle doit aussi augmenter», précise Senhaji. Il s’agit de stimuler le secteur privé notamment en donnant plus envie aux entrepreneurs de se lancer. Il faudra mettre en place les mécanismes adéquats pour les aider à se désendetter.
De nombreux rapports, dont celui du NMD, font état d’un taux d’endettement important au sein des entreprises marocaines. Or l’endettement empêche de réfléchir à la croissance. Pour inverser la tendance, les entreprises doivent se structurer, améliorer leurs fondamentaux et tenter une entrée en bourse. Des efforts de vulgarisation doivent pour autant être réalisés pour les inciter et les encourager. Les incitations fiscales ne suffisent plus. Une véritable volonté politique est nécessaire. «Aujourd’hui, nous demandons une véritable conscience que tous les objectifs de développement annoncés ne peuvent se réaliser sans la bourse», requiert-il. Selon lui, la bourse doit systématiquement être incluse dans tous les programmes de développement du pays. Elle qui a été portée comme un des piliers du NMD. Il serait peut-être temps de s’en occuper. Justement, il serait impératif dans un premier temps de faire aboutir la réforme de la Bourse. Selon Senhaji, les choses avancent tout de même. «Nous avons créé un compartiment dédié à la PME avec des conditions allégées», confie-t-il.
De plus, il se dit convaincu que l’introduction des produits dérivés prévus pour 2024 contribuerait à dynamiser le marché. «Notre essence est d’avant tout de donner envie aux entrepreneurs de se lancer en bourse. Sans elles, nous n’existons pas !», affirme Senhaji. Et de poursuivre : «Il faut créer un cercle vertueux ! Les marchés des capitaux ne sont là que pour épauler les entreprises et les besoins de financement de l’État». Sur le même registre, il annonce être en train de travailler sur les fonds cotés en bourse et sur les OPCI cotés (produit de rente locative). Ces derniers sont des produits intéressants pour les épargnants et qui ne veulent pas prendre beaucoup de risques. Il faut toutefois une vraie volonté pour les encourager.
Incubateur d’IPO
Parmi les actions mises en place pour encourager les entreprises à envisager le marché boursier, la société gestionnaire de la bourse a mis en place le programme Elite en partenariat avec London Stock exchange. Si son objectif premier n’est pas d’aller en bourse, l’idée est d’y contribuer fortement. Ceci étant, le but est d’expliquer à l’entrepreneur marocain, qui se sent souvent seul, l’intérêt d’avoir une approche structurée et une approche transparente comme façon de faire du business. Ensuite, on s’attachera à lui exposer les avantages de comparer des sources de financement différentes, dont la bourse. «Nous sommes très patients. Sur un total de 94 entreprises qui ont participé au programme avec un très bon retour, 12 ont déjà choisi la voie du Private equity en faisant entrer un fonds d’investissement dans leur tour de table et une s’est déjà introduite». Il reste aujourd’hui à convaincre celles qui ne sont pas encore franchies et toutes les autres.
Des solutions pour booster le marché
Naceur Benjelloun Touimi, apporte à son tour des solutions pour encourager le recours en bourse, notamment l’élargissement du flottant des entreprises sur le marché et ainsi ouvrir le capital aux personnes physiques. L’arrivée tant attendue et, selon des sources, très prochaine du marché à terme est aussi une solution. Ceci dit, «pour que le marché à terme fonctionne : il faut un marché de pré emprunt titre au préalable : la loi est sortie et est toujours en phase d’opérationnalisation», rétorque Benjelloun Touimi.
Ce mécanisme va permettre au marché de ne pas fonctionner uniquement sur une seule jambe. C’est un marché long short orienté à l’achat. Aujourd’hui, la loi est toujours en phase d’opérationnalisation. Les acteurs du marché espèrent une avancée pour 2024.
Modeste Kouamé & Moulay Ahmed Belghiti / Les Inspirations ÉCO