Baromètre : la gouvernance des entreprises en pleine mutation
La gouvernance des entreprises marocaines entre dans une nouvelle phase de maturation avec la deuxième édition du Baromètre de la Gouvernance Responsable. Ce document évalue les avancées, les défis et les perspectives des entreprises dans leur quête d’alignement avec les standards internationaux. Il dresse un état des lieux nuancé, où progrès et obstacles cohabitent.
Le Maroc fait un pas significatif vers une gouvernance d’entreprise plus responsable avec la publication de la deuxième édition du Baromètre de la Gouvernance Responsable. Ce rapport, fruit de la collaboration entre la CGEM, le CFA Maroc, l’IMA et Ethics & Boards, met en lumière les avancées et les défis auxquels font face les entreprises marocaines dans leur quête de transparence et d’excellence.
S’appuyant sur les données collectées auprès de 90 entreprises en 2023, cette étude confirme que la gouvernance responsable ne se résume plus à une obligation réglementaire. Elle devient un impératif stratégique dans un monde où la durabilité et la responsabilité sociétale sont des piliers de la performance.
Des progrès tangibles en transparence et inclusion
L’un des faits marquants de cette édition est l’amélioration de la communication sur les indicateurs ESG. Le taux de transparence a bondi de 40% en 2022 à 56% en 2023. Cette progression témoigne d’une volonté accrue des entreprises marocaines d’instaurer un dialogue plus ouvert avec leurs parties prenantes.
Pourtant, une grande partie de ces communications reste narrative, avec peu d’objectifs mesurables. Ce manque de données précises, notamment sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre (seulement 17% des entreprises), limite l’impact concret des efforts affichés. En outre, le taux de féminisation au sein des conseils d’administration atteint désormais 23,5%, en hausse de 3 points par rapport à 2022.
En parallèle, 31% des conseils ont atteint le seuil de 30% de femmes, reflétant une meilleure conformité aux nouvelles exigences légales. Ces chiffres montrent une évolution encourageante, bien que le Maroc reste encore loin des standards européens où cette parité est souvent la norme.
Autre point positif, 91% des entreprises comptent au moins un administrateur indépendant dans leur conseil, et 76% des comités d’audit sont dirigés par des présidents indépendants. Ces progrès, respectivement en hausse de 4 et 6 points, traduisent une avancée vers une meilleure gouvernance.
Des lacunes qui freinent la transformation
Avec une moyenne de 2,5 comités spécialisés par entreprise, les sociétés marocaines restent à la traîne par rapport aux benchmarks européens (3,5 à 4,1 comités). De plus, seulement 5,5% des entreprises disposent d’un comité dédié à la RSE ou à l’ESG, alors que ces thématiques sont devenues centrales dans la gouvernance mondiale. Le législateur limite la part des administrateurs indépendants à un tiers des membres du conseil, freinant une diversification plus poussée.
Cette contrainte, combinée à un ancrage historique des entreprises dans des structures familiales (37% des entreprises étudiées), entrave leur capacité à s’aligner sur des modèles de gouvernance plus modernes. Bien que 88% des entreprises aient communiqué sur leur politique environnementale, seules quelques-unes publient des objectifs clairs et mesurables. Cette lacune réduit la crédibilité des engagements pris, notamment face aux investisseurs internationaux, de plus en plus sensibles aux questions de durabilité.
Pour accélérer la transformation vers une gouvernance d’entreprise plus performante et durable, le rapport recommande d’adopter des objectifs quantitatifs clairs en matière environnementale, sociale et sociétale, afin de donner plus de crédibilité aux engagements des entreprises. Il préconise également de réviser les limites législatives sur l’indépendance des conseils, pour favoriser une meilleure diversification et dynamisation des instances dirigeantes.
La spécialisation accrue des comités, essentielle pour une gestion plus efficace des priorités stratégiques, est aussi mise en avant. Enfin, l’adoption des référentiels internationaux tels que la SBTi, actuellement sous-utilisés (1% d’engagement), est suggérée pour aligner les pratiques locales sur les standards globaux de gouvernance responsable.
Une voie prometteuse vers l’excellence
Les résultats de la deuxième édition du Baromètre révèlent une dynamique prometteuse, bien que perfectible. Pour se rapprocher des standards internationaux, les entreprises doivent dépasser les seules exigences réglementaires en adoptant des objectifs quantitatifs pour leurs politiques ESG, en renforçant la spécialisation des comités de gouvernance et en s’engageant davantage auprès de référentiels internationaux.
Le Baromètre 2024 trace une feuille de route claire pour une gouvernance plus inclusive, durable et performante, vecteur de compétitivité nationale et de confiance des investisseurs.
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO