Banques : Le «risque continent» sous la loupe

Une simulation de crise transfrontalière est dans le pipe, initiée par Bank Al-Maghrib en concertation avec les autres Banques centrales africaines, là où les banques marocaines ont des filiales consolidées dans leurs comptes. La Banque centrale suit de près la montée des risques géopolitiques en Afrique.
Dans sa conquête africaine, le Maroc a pu mettre en place une assise bancaire solide. Cette tête de pont, bancaire d’abord, et plus largement financière ensuite avec l’emboîtement des assurances, a sans conteste permis de baliser le terrain à d’autres secteurs productifs. Cependant, cette expansion continentale de notre système bancaire ne comprend pas que des opportunités.
En effet, comme tout autre investissement de long terme, elle comprend des risques proportionnellement équivalents aux opportunités et qu’il convient, selon la bonne pratique managériale, de maîtriser. C’est d’ailleurs l’une des missions du régulateur bancaire, Bank Al-Maghrib (BAM), qui s’attelle à ce chantier depuis que les banques marocaines ont affiché leurs ambitions continentales et qui semble devoir passer à la vitesse supérieure. Il faut dire que les risques géopolitiques vont crescendo dans les régions où la finance marocaine est implantée. Des «risques qui peuvent être transmis au système bancaire national. Car si la solidité de notre système bancaire a fait ses preuves pendant la crise financière internationale, il n’en demeure pas moins que la question des impacts des filiales africaines de nos banques est aujourd’hui plus que jamais d’actualité.
Dans ce sens, la Banque centrale marocaine a pris le lead aux côtés des Banques centrales africaines de nos pays partenaires. Nous sommes actuellement en train de faire les saisines des régulateurs de ces pays-là, pour leur dire que nous allons réaliser une simulation de crise transfrontalière», a annoncé Abdellatif Jouahri lors du dernier Conseil trimestriel de BAM. «Cette dernière va nous apprendre comment une telle crise va impacter nos systèmes bancaires, comment il faut s’y préparer, ce qu’il faut faire sur les plans institutionnel et organisationnel entre pays… toutes ces actions sont en cours», poursuit le gouverneur de la Banque centrale. BAM ne cache pas au secteur bancaire qu’elle suit cette croissance externe de très près. «Nous avons mis en place un comité Afrique entre les banques marocaines, nous leur avons demandé un programme décennal, nous avons initié des programmes avec les régulateurs des autres pays pour mener des missions de contrôle de part et d’autre, nous avons mis en place des collèges de superviseurs afin de suivre le risque, puisque ces pays comportent certains risques», liste Jouahri.
Préméditation
Du coup, les banques marocaines sont en quelque sorte en train de passer à la seconde phase de leur implantation africaine. Une phase de sécurisation et de maîtrise des risques qui fait suite à la phase d’acquisition et de conquête de marchés. Historiquement, cette dernière a d’ailleurs été le fruit d’une volonté préméditée, sous le contrôle et avec le concours de la Banque centrale, qui a encouragé la concentration au sein de ce secteur. Jouahri ne s’en cache pas; il a bel et bien favorisé cette concentration entre les banques. «Lors de ma dernière visite devant les parlementaires, l’on m’a effectivement posé la question de la concentration au niveau du secteur bancaire, disant qu’il y avait trois banques qui dominaient le marché. J’ai répondu oui, mais en précisant qu’au Maroc, cette concentration est parfois moindre que dans d’autres pays. J’ai également dit aux parlementaires que nous avons quelque peu favorisé cette concentration dans le début des années 2000, chose qui a donné la base aux banques marocaines afin qu’elles puissent effectuer leur croissance externe et notamment leur développement en Afrique», relate Jouahri.
Concentration salutaire ?
En clair, BAM a donné son aval aux opérations de fusion qui lui ont été présentées. Le Banquier central motive cette orientation volontariste: «Notre accord s’est basé sur l’analyse suivante: l’Europe était malade au niveau de sa croissance, sans parler du Maghreb arabe qui, plus que malade, était mort ou à l’arrêt. De plus, le Maroc ne faisait plus partie de l’Union africaine. Dans ce contexte, que nous restait-il sur le plan financier? Voilà ce qui explique le fait que nous ayons favorisé cette extension africaine». Le régulateur bancaire a donc laissé cette concentration relative se faire au niveau du secteur de façon à ce que les banques aient l’assise leur permettant de pouvoir supporter l’effort de cette croissance externe. «Je dirais que nous avons adopté la bonne démarche, et il suffit de voir l’engouement actuel des grandes puissances mondiales pour l’Afrique pour confirmer sa pertinence. Si nous n’avions pas procédé ainsi, nous n’aurions aujourd’hui aucun impact en Afrique. Nous avons été précurseurs sur ce plan, il reste à assurer un suivi rapproché», conclut le gouverneur.
Abdellatif Jouahri
Wali de Bank Al-Maghrib
«Nous sommes actuellement en train de faire les saisines des régulateurs de ces pays-là, pour leur dire que nous allons réaliser une simulation de crise transfrontalière. Cette dernière va nous apprendre comment une telle crise va impacter nos systèmes bancaires, comment il faut s’y préparer, que faut-il faire sur les plans institutionnel et organisationnel entre pays… toutes ces actions sont en cours»