Banques : CFG bank se projette en Small Giant

Dans un secteur bancaire dominé par la course aux volumes, la banque d’affaires affiche des perspectives de croissance solides, adossées à un ciblage de niches à faible risque et une exigence constante de rentabilité. À l’horizon 2029, la banque prévoit de doubler de taille sans pour autant diluer son capital, tout en maintenant un ROE supérieur à 16%.
«Notre démarche a toujours été guidée par une idée simple qui consiste à dresser la liste de tout ce que nous ne faisons pas», confie, à peu de choses près, Younès Benjelloun, directeur général de CFG Bank, à une poignée de journalistes réunis en marge du Capital market days.
Une façon de résumer la philosophie de gestion – singulière dans le paysage bancaire local – de l’établissement dont il assure la direction, et qui serait fondée sur un principe plutôt original : la croissance par exclusion. Deux piliers supportent ce modèle. La banque de détail d’un côté, qui séduit chaque année près de 12.000 nouveaux clients, et la banque pour grandes et moyennes entreprises (GME) de l’autre, avec un ADN assumé de banque d’affaires.
Selon le top management, ces deux moteurs, bien que distincts, partagent un socle commun qui cible une clientèle à faible risque, en quête de «produits à forte valeur ajoutée». Une architecture qui sous-tend les ambitions de croissance affichées par la banque.
En effet, CFG Bank prévoit de doubler l’ensemble de ses agrégats d’ici 2028-2029 — produit net bancaire, résultat net, encours de crédits, base clientèle — tout en maintenant une rentabilité actionnariale supérieure à 16%, et ce, sans recourir à une augmentation de capital. Cette trajectoire s’appuie sur une émission de dette subordonnée de 500 millions de dirhams, destinée à renforcer la capacité de financement sans alourdir le bilan en capital dur. Pour réussir ce pari, la banque entend élargir la base de clients particuliers tout en maintenant une qualité d’actif, aux règles prudentes, plutôt strict.
L’objectif est d’atteindre 140.000 clients à l’horizon 2029, contre 64.000 actuellement, sans compromis sur le profil de risque. «Un client chez nous génère cinq fois plus de revenus qu’un client moyen du secteur», explique Salim Raïs. Le segment ciblé — jeunes actifs, femmes prévoyantes, indépendants aisés— reste à fort potentiel et loin d’être saturé.
Cibler un taux de sinistralité bas
Ce ciblage sélectif se reflète dans la conception même des produits. Là où d’autres établissements étendent les crédits immobiliers sur vingt-cinq ans à des taux élevés, CFG Bank privilégie des montages hybrides, ajustés à la capacité réelle de remboursement des jeunes emprunteurs.
«Nous préférons structurer un crédit qui s’adapte à la trajectoire du client, plutôt que de lui faire porter une charge inutile sur une durée déterminée», commente Salim Raïs.
La même logique s’applique au financement des entreprises. «Notre principal atout demeure notre capacité à mettre en œuvre une ingénierie sur mesure, qui permet in fine de limiter la sinistralité, plutôt que de subir un taux de défaut élevé», ajoute-t-il.
En cela, le retour sur fonds propres (ROE) constitue la clé de voûte du modèle défendu par la banque. «Chaque début d’année, les actionnaires nous demandent une seule chose : rémunérer au mieux les fonds propres», résume Younès Benjelloun.
Tout découle de cette exigence. L’architecture du bilan, la conception des produits, mais aussi le refus d’investir certains métiers comme le crédit à la consommation ou le trade finance, non par aversion, mais pour rester fidèle à un modèle qui tend à optimiser l’allocation des ressources.
«Le ROE demeure le seul véritable majeur, avec pour objectif de rester au-dessus des 16%», insiste le directeur général de la banque d’affaires.
En cultivant cet équilibre, CFG Bank s’autorise une croissance stable, comme en témoignent les projections à moyen terme. L’encours des crédits devrait doubler, passant de 15 à 30 milliards de dirhams (MMDH), les dépôts de 6,5 à plus de 14 milliards, et le résultat net devrait frôler les 500 millions de dirhams.
«Nous passerons de 1,3% à 2% de part de marché. C’est peu… mais suffisant pour doubler de taille sans heurter personne», glisse Benjelloun.
C’est aussi une manière assumée de rester en retrait du tumulte ambiant, en consolidant les acquis sans chercher à élargir, coûte que coûte, le spectre des activités. «Nous n’avons pas besoin de changer de segments pour croître», rappelle pour sa part Salim Raïs, directeur financier. Les axes sont tracés, la discipline d’exécution fait le reste.»
Consolider les niches
Dans un paysage bancaire dominé par les logiques d’échelle, CFG Bank se veut plus discrète. Plutôt que d’élargir son champ d’action, la banque choisit de consolider ses niches historiques. Dans cette perspective, les synergies internes sont pensées comme levier d’efficience. L’offre GME, par exemple, intègre le corporate finance, la banque privée et le financement structuré, de manière à adresser simultanément l’entreprise et son dirigeant.
«Nous avons bâti un modèle qui nous permet de croître dans nos segments historiques, sans diluer notre capital ni dégrader notre ROE», indique Younès Benjelloun.
Le positionnement ciblé permet de maintenir un faible taux de sinistralité. La clientèle sélective est synonyme de risque maîtrisé et les retombées s’en ressentent. À fin 2024, la couverture des crédits atteignait 150% — un niveau qui donne à la banque une marge de manœuvre rarement observée dans le secteur. Une solidité qui se reflète aussi dans le comportement de sa clientèle. Dans un contexte inflationniste, CFG constate un comportement plutôt résilient des clients.
«Les trois dernières années, sur la partie placement, c’est une explosion à laquelle on a assisté», relève Benjelloun.
Pour le top management, la poussée inflationniste, rapidement contenue par des mesures publiques, n’a pas altéré la dynamique d’épargne. L’attrait pour les produits de placement s’est maintenu, voire renforcé. La banque prévoit de faire passer l’encours des crédits de 15 à 30 MMDH, les dépôts de 6,5 à 14 milliards et le résultat net à 500 millions, comme indiqué ci-dessus. Le tout en maintenant une rentabilité actionnariale élevée, sans bouleverser l’ordre établi.
Une culture du risque maîtrisée
CFG Bank défend une conception du risque où l’exigence technique prime sur la volumétrie. Et si la banque peut envisager un doublement de ses encours, c’est en grande partie grâce à une politique prudentielle à l’abri des segments les plus exposés.
Cette approche sélective se traduit par une sinistralité contenue à 1,8%, bien en deçà de la moyenne sectorielle, qui frôle les 9%. Sy ’ajoute, selon le top management, un dispositif de recouvrement particulièrement efficace.
Ayoub Ibnoufassih / Les Inspirations ÉCO