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AMMC : Hier gendarme, aujourd’hui régulateur du marché de capitaux

NEZHA HAYAT : Présidente de l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC)

Les Inspirations ÉCO : Depuis février dernier, le CDVM est devenu l’Autorité marocaine du marché des capitaux(AMMC). Quelles sont, au juste, les attributions de cette nouvelle entité ?
Nezha Hayat : L’AMMC, tout comme l’était le CDVM, est d’abord chargée de s’assurer de la protection de l’épargne investie, dans les valeurs mobilières auparavant et dans tous les instruments financiers désormais. La supervision de l’AMMC a également été élargie à toutes les institutions qui traitent ces instruments financiers. Aujourd’hui, la nouvelle loi, mais également le changement d’un certains nombre d’autres textes vont permettre d’élargir les prérogatives de l’AMMC. Certains de ces textes ont été adoptés, mais doivent être opérationnalisés comme celui relatif au marché à terme. De ce fait, les négociateurs, les compensateurs, la société gestionnaire du marché à terme, la Chambre de compensation, seront concernés par la supervision de l’AMMC. De plus, les sociétés de gestion vont être agréées dorénavant par l’AMMC, à l’image des fonds. L’autre responsabilité de l’AMMC, qui n’était pas formalisée jusque-là, est la contribution à l’éducation financière des épargnants. Nous le faisons déjà dans le cadre de la fondation marocaine pour l’éducation financière. Nous avons également la charge d’habiliter des personnes physiques au sein des opérateurs soumis à son contrôle tels les analystes financiers, les gestionnaires de portefeuilles, les traders, les conseillers en investissement et les contrôleurs internes. Cette habilitation répond à deux préoccupations majeures, à savoir s’assurer que les personnes qui sont dans ces métiers ont d’abord le niveau de compétences nécessaire et qu’ils continuent à actualiser leurs connaissances pour pouvoir s’adapter aux marchés et aux réglementations qui sont en mutation rapide. Aussi, cela nous permettra de sanctionner la personne physique, ce qui n’était pas possible avant et imposer un retrait partiel ou définitif en cas de non respect.

L’indépendance de l’AMMC par rapport au ministère de l’Économie et des finances devrait répondre au souci de garantir un meilleur contrôle des entités qui y sont soumises. Qu’en est-il réellement ?
Je souligne que la configuration précédente n’a jamais été un problème pour contrôler les institutions ou les personnes morales qui étaient sous notre supervision. Le Conseil d’administration du CDVM était, en effet, présidé par le ministère de l’Économie et des finances. Ce conseil était aussi extrêmement large avec plusieurs représentants de différentes entités. D’abord, c’est un conseil qui n’a siégé que deux fois par an, où il était question de prendre des décisions concernant à la fois l’organisation, le développement de l’institution, mais également les sanctions. On peut aisément comprendre que dans le cadre d’un Conseil d’administration avec des représentants et des intérêts différents, on pouvait ne pas trouver d’issue à certaines questions notamment certaines sanctions, mais je ne suis pas sûr que ce soit la présence du ministre de l’Économie et des finances qui posait problème. Alors, qu’entendons-nous par indépendance ? Nous sommes aujourd’hui une personne morale publique dotée de l’autonomie financière. C’est le même statut qu’à Bank Al-Maghrib et que nous partageons aussi avec le nouveau régulateur de l’assurance l’ACAPS.

Notre organisation interne comporte aujourd’hui deux organes de gouvernance : il y a d’abord le Conseil d’administration que je préside qui comporte outre la directrice du Trésor, le président de l’ACAPS, un représentant de BAM, des représentants ministériels, aussi trois «intuitu personæ» qui sont des administrateurs indépendants. Ce conseil d’administration s’occupe du fonctionnement ainsi que de la vision de l’AMMC que nous sommes d’ailleurs en train de construire. L’autre organe de gouvernance est un collège de sanctions présidé par un magistrat désigné par le ministère de l’Économie et des finances sur proposition du ministère de la Justice, en plus de deux autres «intuitu personæ» qui sont des juristes ou financiers. Dans le cadre des amendements que nous voulons apporter à la loi, nous demanderons qu’il y ait plus de personnes dans le collège des sanctions. À ce stade, son indépendance est assurée non seulement vis-à-vis de la sphère politique qui évite tout amalgame, ou interprétation politique d’une décision, mais du Conseil d’administration.

Une de vos premières communications était un ensemble de recommandations en matière de communication financière des sociétés cotées. Est-ce cela votre principal combat ?
Je souhaite rappeler que je suis arrivée au sein de l’AMMC en février dernier, pas loin de la période où toutes les sociétés doivent faire leur communications financières et rendre public leur comptes annuels. Notre première communication était l’annonce de la nouvelle gouvernance ainsi que sa composition. Les recommandations en matière de communication financière étaient notre deuxième communication. Vous avez raison de le souligner. Pour accroître la confiance dans un marché, la première règle est la qualité de l’information financière, l’exactitude de cette information et surtout la lisibilité par tous. C’est une des bases de la transparence et de l’équité et c’est un défi qui est partagé par tous les régulateurs dans le monde.

Pensez-vous domicilier votre siège à CFC ?
Nous sommes tout d’abord un régulateur. Notre siège demeure donc à Rabat. Il est vrai que tous les marchés de capitaux que nous allons contribuer à développer, à orienter et à superviser sont à Casablanca et nous le faisons pour promouvoir une place financière internationale et régionale qu’est Casablanca Finance City. D’ailleurs, nous faisons partie du comité de CFC qui accorde les statuts. Nous disposons aujourd’hui de bureaux à Casablanca et il y a effectivement un projet pour domicilier ces bureaux à CFC.

Certaines affaires épineuses ont entaché l’image du CDVM par le passé. Quelle est votre stratégie pour redorer l’image du régulateur des marchés des capitaux ?
Personnellement, je ne partage pas l’idée selon laquelle l’image du CDVM était ternie. Là où je suis d’accord, c’est qu’il y a peut-être une des prérogatives du régulateur. Il faut toujours trouver une explication aux faits et qui ne dit mot consent. Le régulateur a certes un devoir de réserve, mais cela ne signifie pas une absence de communication. La communication est donc un point important dans notre plan d’actions des trois prochaines années. J’espère qu’avec une communication adaptée, le régulateur sera mieux compris. Là où l’effort doit être fait, c’est au niveau de la restauration de la confiance dans les marchés des capitaux, mais aussi dans leur développement. Depuis la dernière réforme des marchés des capitaux, il y a 20 ans, de nombreuses introductions en Bourse ont été réalisées, mais aussi des retraits. Nous sommes depuis quelques années au même nombre de 75 sociétés cotées. Je pense qu’il faut absolument qu’il y ait un plus grand nombre de sociétés cotées et d’émetteurs d’obligations. Nous voulons travailler à ce que la contribution des marchés des capitaux au financement de l’investissement ne soit plus négligeable. Il y a un autre sujet que nous souhaitons accompagner avec des textes et avec même la création de nouveaux compartiments qui est d’ailleurs assez universelle. C’est l’accès des PME aux marchés des capitaux, mais notre mission principale consistera à s’assurer que chaque type d’investisseurs a accès à l’information nécessaire lui permettant de jauger le risque, pour être capable de le prendre. 


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