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Agriculture : comment aider la femme africaine à surmonter ses difficultés ?

Pour aider l’agricultrice africaine à s’affranchir des difficultés inhérentes à ce secteur, le groupe OCP a organisé, à l’occasion de la Journée internationale des droits de la femme, célébrée mercredi 8 mars 2022 à travers le monde, un webinaire sur «Les femmes agricultrices : Regards croisés entre l’Europe et l’Afrique». L’occasion de découvrir que les défis sont nombreux et parfois tenaces, mais pas impossibles à surmonter. Quelques initiatives, dont le programme OCP Agribooster.  

Elle a encore du chemin, beaucoup de chemin à parcourir pour s’imposer dans le monde agricole africain, encore majoritairement dominé par l’homme ! Elle, c’est l’agricultrice africaine, qui représente 65% de la main d’œuvre agricole et génère 80% de la production du continent.

Pourtant, bien que les femmes représentent plus de la moitié de la population agricole, elles sont généralement privées des facteurs pouvant améliorer leur productivité, selon un rapport de la Banque mondiale «Levelling the Field: Improving Opportunities for Women Farmers in Afric », publié en 2014, et qui a relevé les différences de production frappantes entre hommes et femmes dans six pays africains : l’Éthiopie, le Malawi, le Niger, le Nigéria, l’Ouganda et la Tanzanie. En tête de ces discriminations, l’accès à la propriété foncière et au crédit. Les femmes africaines ne bénéficient pas, non plus, des mêmes droits que les hommes quand il s’agit d’accéder aux intrants agricoles, à la formation et aux marchés.

Foncier, crédit, formation, intrants, équipements et marchés

Huit ans plus tard, c’est-à-dire à l’occasion de la Journée internationale des droits de la femme, célébrée hier mercredi 8 mars 2022 à travers le monde, pratiquement rien n’a vraiment changé. En effet, c’est ce qui est  grosso modo ressorti du webinaire organisé par OCP sur «Les femmes agricultrices : Regards croisés entre l’Europe et l’Afrique». Sana Wony Tieminta, la présidente de la coopérative malienne «Femmes actives» est longuement revenue sur les grandes difficultés d’accès des agricultrices maliennes à la terre, alors que la loi d’orientation agricole leur accorde un certain pourcentage de terres arables.

À cela s’ajoutent les entraves en matière d’accès aux crédits et d’acquisition d’équipements agricoles, lesquels sont alloués aux hommes à hauteur de 90%. Même son de cloche du côté de la Côte d’Ivoire où Alimata Coulibaly, directrice de l’entreprise les «Précuits», pointe, quant à elle, le manque d’éducation qui freine énormément l’épanouissement des agricultrices locales, essentiellement tournées vers l’agriculture vivrière.

En effet, «contrairement aux transformatrices, qui sont en grande majorité instruites, les agricultrices ivoiriennes n’ont pas le minimum d’éducation qui pourrait leur permettre de s’aventurer dans l’aval de la chaîne de valeur agricole pour mieux gagner leur vie», explique-t-elle.

Défis difficiles, mais pas insurmontables


Dès lors, la question est : est-ce qu’il est possible d’améliorer l’écart entre les sexes dans l’agriculture africaine ? Oui, répondent les panélistes, qui sont pratiquement tous à la tête d’organisations visant cet objectif. À commencer par Muriel Démon, devenue exploitante agricole française aux côtés de son mari et l’une des rares élues à la Chambre d’agriculture de la Charente-Maritime et présidente de l’association «Les Elles de la Coop».

Selon elle, «la loi n’a pas encore rattrapé les coopératives agricoles, puisqu’il faut encore deux hommes pour une femme dans leur conseil. Ceci étant, nous y sommes déjà et nous allons nous battre pour changer la donne. D’ailleurs, nous avons commencé à initier des formations pour impulser le niveau de nos membres. Et très prochainement, nous projetons d’organiser un grand événement pour montrer l’intérêt de la mixité dans les conseils d’administration des coopératives agricoles».

Abondant dans le même sens, Pierre Jacquemont, économiste, ancien diplomate et président du Groupe initiatives du GRET, préconise trois orientations pour contourner les difficultés auxquelles font face les agricultrices africaines. Premièrement, il recommande d’améliorer l’information et la sensibilisation sur les droits des femmes. À ce propos, il a donné l’exemple d’un collectif sénégalais qui donne gratuitement des informations aux agricultrices via le téléphone.

Deuxièmement, il suggère de recourir au crédit pour contourner la difficulté liée à l’accès au foncier. Il a donné ainsi l’exemple de la caution solidaire, très courante au Ghana. C’est-à-dire que plusieurs personnes garantissent un crédit destiné à l’une d’entre elles. C’est à peu près, dit-il, l’idée de la tontine, aussi. Troisièmement, l’économiste Pierre Jacquemont demande aux agricultrices de se constituer en groupements féminins, voire en coopératives. «Dans l’actuel contexte où 25% des agricultrices ont un téléphone portable, il est devenu facile de communiquer à distance».

À signaler qu’en plus de ces pistes d’amélioration (Voir encadré ci-dessous), plusieurs initiatives sont déjà lancées sur le terrain. C’est le cas du maraîchage sur table au Mali pour contourner l’obstacle du foncier, de la diversification rendue possible grâce à une plus forte mobilité, ou encore du programme OCP Agribooster qui a amélioré les rendements de 25.000 femmes agricultrices au Nigéria et au Ghana, ces deux dernières années.

Dix priorités politiques pour réduire les disparités entre les sexes dans l’agriculture africaine

• Renforcer les droits des femmes
• Améliorer l’accès à l’embauche de main d’œuvre féminine
• Accroître l’utilisation par les femmes d’outils et d’équipements qui réduisent la quantité de main d’œuvre agricole nécessaire
• Fournir des services de garderie communautaire
• Encourager les agricultrices à utiliser plus d’engrais et de meilleure qualité
• Augmenter l’utilisation de semences améliorées par les femmes
• Adapter les services de vulgarisation aux besoins des femmes et tirer partie des réseaux sociaux pour y diffuser les connaissances agricoles
• Orienter les femmes vers des cultures à haute valeur ajoutée
• Faciliter l’accès des femmes aux marchés ainsi que leur pleine participation
• Élever le niveau de scolarité des exploitantes agricoles adultes

Aziz Diouf / Les Inspirations ÉCO



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