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Résolution du Conseil de sécurité : Une vraie rupture

Le vote aujourd’hui de la Résolution 2285 du Conseil de sécurité, avec un résultat de 10 voix pour, 2 voix contre et 3 abstentions, vient clôturer le deuxième chapitre de la crise qui oppose le Maroc au secrétariat de l’ONU, depuis son déplacement en Algérie et à l’Est du mur début mars dernier. Il est important de prendre acte du fait que cette résolution représente une rupture, sur le fond et sur la forme avec celles qui l’ont précédée. Sur le fond d’abord, jamais un projet de résolution – au-delà du draft américain d’avril 2013, qui avait proposé l’extension à la Minurso du monitoring des droits de l’homme au Sahara – n’a été aussi hostile au Maroc avant qu’il ne soit proposé au «Groupe des amis du Sahara» et aux autres membres du Conseil de sécurité.

Sur la forme ensuite, jamais ledit conseil n’a été aussi divisé lors d’un vote d’une résolution sur la question du Sahara. C’est la première fois, en effet, depuis 1988 qu’une résolution du Conseil de sécurité n’a pas été votée à l’unanimité. Au-delà de l’abstention de la Nouvelle-Zélande, de l’Angola et de la Russie, les votes contre du Venezuela et de l’Uruguay rompent le consensus historique du Conseil sur cette question. Grâce notamment au soutien indéfectible de la France et à la bienveillance de la Chine, sans oublier le rôle joué par des membres non permanents alliés du royaume, comme le Sénégal, l’Espagne et l’Égypte, le contenu de ladite résolution a été «épuré» au maximum depuis le draft présenté au «Groupe des amis du Sahara» lundi dernier.

En effet, la publication par un site spécialisé des deux projets de résolution nous permet clairement de souligner les changements importants qui ont été portés au texte 2285 du Conseil de sécurité voté ce jour. Le draft, proposé lundi dernier, a tenté dans la partie préambule (PP7) d’investir la Minurso de nouvelles attributions en élargissant ses prérogatives à la «promotion d’une solution politique mutuellement acceptable». Pis, dans le paraphe PP14 du projet, le texte faisait mention aux «deux parties» affirmant ainsi pour la première fois dans un projet de résolution que le Polisario est la partie exclusive face au Maroc.

Le draft s’est également contenté «de prendre note» au lieu de «se féliciter» des «récentes mesures et initiatives prises par le Maroc» en matière de promotion des droits de l’homme au Sahara. Enfin, le dernier paragraphe de la partie préambule du draft «regrette avec préoccupation l’expulsion» des composantes civiles et politiques de la Minurso s’alignant avec les positions pourtant partiales du secrétaire général de l’ONU et épousant très clairement les thèses de l’Algérie, de l’Union africaine et du Polisario. Il n’est donc pas étonnant que le draft propose dans son dispositif opératif (OP2 et OP3) le retour «immédiat» des 84 agents de la Minurso ayant quitté le Maroc le mois dernier. Il a également fixé un délai de 60 jours pour «envisager des mesures immédiates pour faciliter la réalisation de cet objectif».

Le contenu de ces deux paragraphes tranche clairement avec la pratique du Conseil de sécurité sur la question du Sahara, où l’esprit de consensus et de compromis prime, excluant toute imposition d’une option ou d’une proposition. En effet, si les OP2 et OP3 n’avaient pas été modifiés dans la résolution 2285, cette dernière aurait fait office de précédent, trahissant l’esprit du Chapitre VI de la charte de l’ONU.

Le contenu du draft de lundi, préparé et présenté par les États-Unis, démontre que ce pays a mis tout son poids dans la balance pour assurer un retour complet des composantes civiles et politiques de la Minurso et ceci malgré les garanties apportées par le Maroc quant au fonctionnement normal de sa composante militaire. Tout en saluant de nouveau les efforts menés par la France, nous devons, malgré le fait que le contenu de la résolution 2285 ne satisfasse pas totalement et dans sa globalité le Maroc, nous féliciter des profonds changements et évolutions qu’a connus le texte par rapport au contenu hostile présent dans le draft initial. En effet, la Résolution 2285 dans sa partie préambule n’altère pas le mandat le Minurso, «se félicite» des efforts déployés par le Maroc en matière de promotion des droits de l’homme au Sahara, fait référence «aux parties» sans exclusive et n’utilise pas le terme «expulsion» pour qualifier le départ des membres de la Minurso.

Dans sa partie opérative, paragraphes OP 2 et OP 3, même si la Résolution 2285 souhaite le «retour» du plein fonctionnement de la Minurso, le caractère immédiat n’est plus mentionné. De plus et c’est certainement la principale évolution du texte par rapport au draft initial, l’OP 3 demande uniquement au secrétaire général de briefer le Conseil si la Minurso «n’a pas retrouvé son plein fonctionnement» sans pour autant envisager des mesures immédiates pour le réaliser. Il s’agit en cela d’un succès important pour le Maroc, qui n’est donc aucunement contraint d’accepter le retour des 84 membres de la Minurso ayant quitté le pays en mars dernier. Dans leurs explications de votes, le Venezuela et l’Uruguay, qui ont voté contre et l’Angola, qui s’est abstenu, connus tous les trois pour leur hostilité totale contre l’intégrité territoriale du Maroc, ont déclaré que la Résolution 2285 était «faible» et que le Conseil n’avait pas assumé sa responsabilité en «n’imposant pas, immédiatement et sans conditions, le retour des composantes civiles et politiques» de la Minurso.

Allant plus loin, ils déclarent «qu’il n’aurait pas été inenvisageable d’imposer des sanctions au Maroc». Ces trois pays, en plus de la Nouvelle-Zélande ont également regretté le rôle joué par le «Groupe des amis au Sahara» ainsi que l’absence de mention de «référendum» dans la résolution votée ce jour. Les explications de vote des quatre pays, ajoutées à celle de Samantha Power, la représente américaine à l’ONU, qui déclare que «la situation actuelle de la Minurso n’est pas tenable», tout en soulignant que le rôle du Conseil de sécurité est «de défendre toutes les missions onusiennes de maintien de la paix», démontrent, tout compte fait, que le royaume ressort renforcé de ce nouvel épisode de la gestion de la question du Sahara par le Conseil de sécurité.

À l’issue du vote de la résolution 2285, un nouveau chapitre s’ouvre. Au-delà de l’absence de décisions contraignantes pour le Maroc, les discussions et le vote de la Résolution ont fait apparaître un certain nombre d’éléments distincts : Il existe aujourd’hui une fracture importante au sein des membres (y compris entre les membres permanents) du Conseil de sécurité sur la question du Sahara. Si la France a été un soutien majeur pour le Maroc, les États-Unis ont montré une certaine contradiction dans leur approche. Si les responsables américains ont en effet publiquement déclaré qu’ils soutenaient l’Initiative marocaine d’autonomie, qu’ils jugent sérieuse et crédible, ils ont pourtant au nom, selon eux, du principe de préservation et de soutien aux opérations de maintien de la paix, été à l’origine du premier draft de résolution imposant au Maroc le retour de la composante politique et civile de la Minurso. Les États-Unis se sont par la suite montrés plus flexibles quant à l’évolution du texte pour arriver au contenu voté aujourd’hui et qui peut être considéré comme étant conciliant vis-à-vis du Maroc.

Les votes contre du Venezuela et de l’Uruguay, grands soutiens du Polisario, démontrent clairement que le contenu de la Résolution 2285 ne satisfait absolument pas les adversaires de notre intégrité territoriale. D’abord parce qu’il n’impose pas un retour immédiat des composantes civiles et politiques de la Minurso et ensuite parce qu’il ne fait pas évoluer les paramètres et le cadre des négociations comme auraient pu le faire croire les prises de positions partiales du secrétaire général de l’ONU. L’abstention de la Russie, membre permanent du conseil, doit pouvoir interpeller le Maroc.

Elle est d’autant plus surprenante que le contenu de la déclaration conjointe à l’issue de la visite officielle du roi en mars dernier à Moscou, affirmant que la Russie était attachée aux paramètres actuels de négociations sur la question du Sahara, illustrait le soutien russe au Maroc. Le contenu de la Résolution 2285 affirme très clairement, comme l’a démontré l’ensemble des réunions du Conseil depuis le début de la crise entre le Maroc et le Secrétariat de l’ONU, que le Conseil se désolidarise totalement de Ban Ki-moon suite à ses différentes déclarations et postures. Pis, les principales lignes de son rapport n’ont pas été suivies par ledit conseil.

En demandant au secrétaire général, en fin de mandat et en rupture totale avec le Maroc, de se présenter devant le conseil dans 90 jours, dans le cas très probable où les composantes civiles et politiques de la Minurso ne seraient pas autorisées par le royaume à reprendre du service, le Conseil met Ban Ki-moon devant ses responsabilités en le considérant comme étant pleinement coupable de la situation actuelle. Malgré une très forte hostilité de la part du secrétariat de l’ONU, des adversaires de notre intégrité territoriale et de la part de certains pays membres du Conseil de sécurité, le Maroc ressort globalement renforcé des discussions du conseil. Il devient aujourd’hui évident que le royaume est le pays qui prend l’initiative et qui dicte le tempo sur la question du Sahara et ceci dans un environnement extrêmement hostile au gré des conjonctures du Conseil de sécurité où les alliés du jour deviennent les adversaires du lendemain. Dans l’histoire du conflit du Sahara et de sa gestion par l’ONU, les mois de mars et avril 2016 vont constituer indéniablement une rupture. Nous pouvons aujourd’hui avancer que la crise évolue vers une situation d’opportunité pour le Maroc.

Au royaume désormais de transformer définitivement l’essai, en actant définitivement le projet d’autonomie du Sahara, déjà engagé à travers la régionalisation avancée et les élections du 4 septembre 2015. La proposition présentée en 2007 doit dépasser le simple cadre du projet et être mise en œuvre sur le terrain. Le Maroc sera renforcé de facto dans le processus de négociation et confirmera son sérieux et sa crédibilité, rappelés dans la Résolution 2285, ainsi que sa bonne foi, à la communauté internationale.

Brahim fassi-fihri
Président-fondateur de l’Instiut Amadeus



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