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«Plus de 5.000 migrants ont trouvé la mort en Méditerranée en 2016»

Mussie Zerai, président fondateur de Habeshia Agency Cooperation for Development

Dans cet entretien réalisé à bord du navire transportant les participants de la troisième édition du Forum Crans Montana, l’Érythréen, Mussie Zerai, président fondateur de Habeshia Agency Cooperation for Development, nous parle des objectifs de cette organisation active dans l’assistance aux réfugiés, dont le siège est basé à Rome. Habeshia est un surnom donné aux habitants d’Érythrée et de l’Éthiopie. Prêtre catholique et ancien candidats au Prix Nobel de la Paix en 2016, Père Mussie Zerai est engagé dans des actions de sauvetage de migrants en mer Méditerranée. 

Les Inspirations ÉCO : en quoi consiste l’intervention de votre association, Habeshia, auprès des réfugiés et des immigrés clandestins ?
Mussie Zerai :  Notre organisation a pour vocation principale de défendre les droits de l’Homme et de veiller à porter assistance et à protéger les immigrés qui tentent de rejoindre l’Europe de manière clandestine. Nous déployons régulièrement des actions de sensibilisation de l’opinion publique ainsi qu’auprès des institutions concernées. Nous mobilisons tous les moyens dont nous disposons pour approcher et inciter les hommes politiques à apporter des solutions appropriées au problème de l’immigration. Nous organisons également plusieurs conférences afin de sensibiliser la communauté internationale sur les raisons qui contraignent les gens à quitter leur pays : les guerres, les persécutions et les conflits ethniques et religieux, entre autres. Pour pouvoir résoudre la problématique migratoire, il va falloir cerner les causes profondes de chaque situation. Pour cela, nous faisons appel à des instruments diplomatiques, économiques et politiques dans l’espoir de pousser les gouvernements à changer la situation.

Dans une deuxième étape, notre intervention consiste à assister les immigrés clandestins dans leur pays d’origine ou bien, si cela n’est pas possible, dans les pays voisins. Nous les accompagnons dans l’accomplissement des procédures juridiques, notamment pour obtenir les visas. Car si nous n’arrivons pas à les aider à ce stade précisément, nous les retrouverons plus tard en train de parcourir le désert et franchir clandestinement le territoire européen. Je tiens ici à rappeler qu’en 2016, plus de 5.000 migrants ont trouvé la mort en essayant de traverser la Méditerranée pour rejoindre l’Europe. Pour défendre et protéger ces personnes, nous plaidons leur cause devant les instances et les institutions internationales, notamment l’Union européenne, le Parlement européen et l’Union africaine.

Comment vous est venue l’idée de créer cette organisation ?
Je me suis intéressé, il y a plus de 20 ans, aux problèmes vécus par les réfugiés, notamment mes compatriotes érythréens. J’ai réalisé que le problème était d’une grande ampleur et que je ne pouvais pas agir tout seul. J’avais besoin d’un soutien appuyé pour entrer en contact avec les organisations et les institutions impliquées dans la défense des droits des immigrés. C’est à partir de là que j’ai associé mes amis à l’idée de créer une organisation dédiée à la cause des migrants, donnant la voix aux peuples de plusieurs pays, surtout en Afrique et en Asie.

Les institutions internationales et les gouvernements prêtent-ils une oreille attentive à votre organisation ?
Après tant d’années de combat, le contact devient plus facile. Le fait d’être désigné, en 2015, comme candidat en lice pour le Prix Nobel de la Paix a permis à mon organisation de jouir d’une reconnaissance internationale. Nous recevons régulièrement des invitations à des conférences internationales, comme celle du Forum Crans Montana, où nous nous retrouvons avec les personnalités les plus prestigieuses du monde d’aujourd’hui. Mais il faut dire que j’ai galéré pendant 20 ans avant de recevoir une si grande attention.

Qu’est-ce qui vous préoccupe le plus dans le monde d’aujourd’hui ?
Ce qui m’interpelle le plus, c’est ce gap de leadership qui caractérise le monde politique. Nous n’avons pas d’hommes politiques dotés d’une attitude morale et d’une vision de valeur. Certes, je pars souvent à la rencontre des personnalités politiques, mais sans résultat probant. La plupart d’entre eux ont une vision court-termiste et leur seul souci serait de garder le pouvoir. Ils sont otages de l’opinion publique. Les hommes politiques devront être les maîtres de leurs nations. Ils ont le devoir d’instruire et de sensibiliser l’opinion publique sur les problèmes majeurs de la société d’aujourd’hui.

Quels sont, selon vous, les problèmes migratoires qui nécessitent une réaction urgente de la communauté internationale ?
Les grands problèmes migratoires se concentrent là où se trouvent les conflits : Syrie, Iraq, Libye, Somalie, Palestine, etc. La guerre demeure la principale raison de l’immigration clandestine ou de l’exode des réfugiés. Au deuxième rang arrive l’état des lieux de la justice. Il y a beaucoup d’injustice dans le monde et c’est l’Afrique qui en souffre le plus. L’Afrique est à la fois le continent le plus riche et le plus pauvre du monde, parce que ses ressources naturelles sont contrôlées et utilisées par et pour les pays des autres continents. Chaque année, l’Afrique perd environ 190 milliards de dollars en ressources naturelles et en corruption. C’est à mon avis le plus grand problème que connaît l’Afrique aujourd’hui. L’enjeu est de pouvoir garder nos ressources naturelles et récupérer ce manque à gagner annuel de 190 milliards de dollars. C’est ainsi que nous pouvons profiter de ces ressources, développer notre Afrique, rétablir la justice et garantir une vie digne pour nos jeunes. 



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