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Loi 66-12 : Des chantiers publics en infraction?

Des projets étatiques s’inscriraient-ils en infraction à la loi 66-12, selon les architectes de la place. Des professionnels estiment que l’application de la loi sus-citée supposerait le blocage de certains projets de l’État.

Le ministre de l’Urbanisme et de l’aménagement du territoire, Driss Merroun, joue la carte de l’apaisement avec les professionnels du secteur, lequel est actuellement en proie à une grande colère à cause de la loi 66-12. En effet, en marge d’une rencontre organisée la semaine dernière à Rabat avec les architectes du royaume pour débattre de cette loi, le ministre «a souligné que la loi 66-12 relative au contrôle et à la répression des infractions en matière d’urbanisme et de construction apporte de grandes réformes aux procédures et pratiques de contrôles de chantier. Il a par ailleurs estimé que le texte octroie à l’architecte plus de liberté pour gérer son chantier dans des conditions normales», indique un membre du Conseil national de l’Ordre des architectes du Maroc (CNOA).

Cependant, lors de cette rencontre, les architectes n’ont pas manqué d’exprimer leur colère en demandant l’amendement de plusieurs articles de la nouvelle loi. Dans le même sillage, des courriers sont en passe d’être adressés au chef de gouvernement et des sit-in sont prévus devant le Parlement, est-il signalé au CNOA.

Dans une déclaration aux Inspirations ÉCO, les architectes approchés cette semaine se disent même prêts à arrêter des chantiers. «Cette loi ouvre la porte à toutes les dérives. Déjà, des arrêts de chantiers ont été signalés dans plusieurs villes du royaume», note Anouar Erradi, architecte membre du Conseil national des architectes. Celui-ci ajoutera qu’il a lui-même dû arrêter un projet (d’hôpital) dans la région Gharb-Chrarda. Ce projet étatique, selon ce professionnel, ne serait pas une exception. «C’est un projet parmi tant d’autres qui ne sont même pas autorisés. D’autres architectes se préparent, eux aussi, à arrêter des projets étatiques dont ils ont la charge. Dans ces projets, qui sont actuellement en cours de réalisation, on est capable de déceler des infractions par rapport au nouveau texte», affirme notre interlocuteur.

La loi mal formulée
Des projets étatiques seraient-ils en infraction par rapport à la loi 66-12, comme le signale notre source? Des sources bien informées confient, en tout cas, que par rapport à cette loi, certains projets de l’État poseraient, eux aussi problème. Ils soutiennent que près de 80% des projets étatiques seraient en infraction à ladite loi. De manière générale, précise-t-on, la loi 66-12 ne fait pas la distinction entre projet privé et projet public. Et «si elle devait être appliquée, elle devrait l’être à tous les projets y compris les projets publics, dont certains auraient subi des modifications», explique-t-on. Cela fait dire à des architectes de la place que «la loi a été mal formulée. On ne devrait pas avoir une loi qui mène des gens en prison». Dans la région Casablanca-Settat, selon des sources ayant requis l’anonymat, bon nombre de projets étatiques connaîtraient des problèmes, notamment au niveau des autorisations. Les projets en question auraient subi des modifications au niveau des plans autorisés.

À en croire les mêmes sources, toutes les administrations seraient pointées du doigt. «Les infractions, telles qu’elles sont définies dans la nouvelle loi, concernent concrètement tout ouvrage ne respectant pas l’intégralité du plan autorisé. Or le fait est que des contradictions de la loi ont été décelées dans plusieurs projets initiés par certaines administrations. Collectivités locales, ministères, conseils de ville, arrondissements ou autres administrations…», selon nos sources. Si on applique la loi, les projets en question devraient donc être arrêtés car, précise-t-on, il y a des problèmes de non-conformité aux plans autorisés.

Dans ce cadre, on cite, à titre d’exemple, deux grands parkings souterrains actuellement en cours de réalisation, lesquels, confie-t-on, ne seraient pas autorisés. Un autre projet, en souffrance depuis 24 ans, aurait également subi plusieurs modifications au niveau des plans, lesquels n’auraient pas été autorisés, selon une source proche du dossier. Il s’agit, selon celle-ci, d’une maison de la culture dans l’arrondissement de Hay Hassani (Casablanca). Dans le même ordre d’idées, des sources au Conseil régional des architectes de Casablanca assurent que des projets relatifs à des équipements scolaires ne seraient pas autorisés, alors que les travaux ont été entamés. «Ces projets n’ont pas encore pu être autorisés car il y a un problème de procédure d’immatriculation du bien au nom du ministère de l’Éducation nationale», expliquent des sources concordantes. «Plusieurs articles de la loi laissent planer un flou inacceptable, ouvrant la porte aux interprétations erronées qui font courir à l’architecte des risques de poursuites civiles et pénales inconsidérées dans l’exercice de sa mission», indique un PV conjoint des conseils régionaux et national suite à la réunion avec le ministre de l’Urbanisme, la semaine dernière.

Panique
Si l’on applique littéralement cette loi, selon des membres du Conseil national, plusieurs chantiers seront arrêtés, en l’occurrence certains projets pilotés par Al Omrane. Interrogé par les Inspirations ÉCO, Mohamed Boukhlal, adjoint du directeur d’Al Omrane à Casablanca, se veut clair. «Certains projets initiés par le groupe Al Omrane subissent des modifications. Cela est tout à fait normal à condition, toutefois, d’en faire la demande auprès des autorités compétentes pour élaborer un plan modificatif». Pour le responsable, «la panique des architectes concerne surtout les constructions». «C’est là que résident, en fait, des problèmes plus graves», estime-t-il. Cependant, avec les décrets d’application qui devraient être publiés prochainement, cette panique n’aura plus lieu d’être, poursuit notre interlocuteur. «Les architectes doivent demander, dans le cadre de ces décrets, de préciser quelles sont les anomalies devant subir un plan modificatif. Car, disons-le, il y a des infractions qui n’ont pas de rapport avec la conformité au plan d’architecte, certaines ayant trait à la réglementation», dit-il.


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