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La veille stratégique, le maillon faible

Les marques marocaines surveillent et auditent leur communication digitale. Elles fourbissent aussi leurs armes pour contrecarrer d’éventuelles campagnes de boycott. 

Le mouvement de boycott a des allures de combat de David contre Goliath sur le digital. Des groupes anonymes, aux moyens limités,  attaquent de front trois leaders de secteur. Les experts contactés par «Les Inspirations ÉCO», confirment que cette campagne «marquera un avant et un après dans la communication digitale des marques marocaines».  Le 2 avril 2018, une page intitulée Kafa Fassad (Assez de népotisme) est créée. Un appel au boycott est lancé le 20 avril et, par un effet boule de neige,  atteind  le même jour 200.000 fans. Les marques  Sidi Ali, Afriquia et Centrale Danone sont dans le viseur.  «Il y avait certainement des signes avant-coureurs.

À titre d’exemple, le nom de la marque aura été cité plus souvent que d’habitude sur les moteurs de recherches ou les réseaux sociaux. Avec des systèmes d’alertes sur la E-réputation, ces marques pouvaient endiguer cette contestation à la base», explique Jean Christophe Benoit, directeur commercial à l’agence Touchmedia. Or, les marques marocaines ne font pas toujours appel à ce type de prestations. «Et quand ils le font, il est déjà trop tard», observe-t-il. Autre maillon faible de la communication des marques, l’absence d’une communication de crise sur le digital. «Les marques préfèrent faire profil bas et attendre le retour d’un cycle de communication classique», décrit le directeur commercial de Touchmedia. C’est le cas d’un des concurrents d’une marque victime du boycott, qui a demandé à son agence digitale de mettre sa campagne en off;  «ce type de décision ne reflète pas une vraie stratégie de crise, mais surtout une méfiance». Riad Sbai, Chief Digital Officer à l’agence Magneto Media, nuance ce diagnostic : «il y a des marques qui écoutent les attentes de la communauté sans agir en conséquence. D’autres réagissent au quart de tour comme l’ont fait les opérateurs télécoms, lors de la suspension de la VoIP. Ces entreprises ont montré une maturité dans leur relation avec les clients».

Dans le cas des entreprises visées par le boycott, celles-ci privilégient la posture de l’observation. Les Eaux minérales d’Oulmès l’ont confirmé dans leur unique communiqué : «face à l’ampleur de ce mouvement, nous avons souhaité prendre le temps d’écouter et d’analyser, avec la mesure et le recul nécessaires». Un positionnement propre à plusieurs marques présentes dans l’agroalimentaire.  Marouane Harmach, expert digital, identifie trois comportements de marques en ce moment. «La frilosité et l’observation dominent chez les marques grand public comme les services financiers ou la grande distribution, qui observent ce mouvement d’un œil inquiet. Telle est la première catégorie d’entreprises», affirme-t-il. Elles commandent un monitoring pour comprendre les raisons et ne pas subir le même sort que celui des trois marques.  «Tout le monde est en train de surveiller sa communauté. C’est le branle-bas de combat dans le secteur digital», décrit Sbai. Confirmation de Harmach : «Il y a une effervescence dans le secteur. Les demandes d’audit émanent de la part de cette première catégorie». Le deuxième groupe «veut surfer sur la vague avec des annonces de petites promos, tout en prenant le risque d’être taxé d’opportuniste. Cette catégorie est minoritaire», souligne Harmach.  La troisième catégorie manifeste «une indifférence et dit ne pas être concernée. Elle se compose de marques généralistes qui n’ont pas toujours une présence sur le digital. Avec cette position, elles prennent le risque de subir un futur bad buzz».  L’attentisme décrit ci-haut par nos experts n’empêche pas que des contre-attaques discrètes soient menées en ce moment. D’ailleurs, la fameuse page «Kafa Fassad», principale animatrice du mouvement, a mystérieusement disparu. Des signalements inamicaux seraient-ils à l’origine de ce black-out ?


Marouane Harmach
Directeur associé, cabinet Consultor

«Le digital appose son empreinte sur le réel»

Les ÉCO :  Quelle évaluation faites-vous de la réponse digitale des marques visées par le boycott ?   
Marouane Harmach : Les trois marques ont été traumatisées, ce qui s’est traduit par un attentisme couplé à de la panique et de l’incompréhension. Elles n’ont pas vu venir cette campagne et n’étaient pas prêtes à réagir. Elles ont pensé que cette vague serait passagère et ont d’ailleurs tardé à riposter. Elles ont parié sur l’essoufflement de la campagne, alors que son dynamisme est toujours là, même que la créativité des «facebookeurs» est meilleure, et que les communautés se sont approprié ce mouvement.  

Ces marques ont-elle réellement mesuré l’importance du digital ?
Si on prend en compte la réponse d’Akhannouch, un des patrons visés par cette campagne, elle dénotait d’un décalage patent. Il a porté un regard condescendant sur les actions virtuelles. À l’opposé, lui et les autres entreprises sont dans l’économie réelle. C’est un parti pris contre «le peuple de Facebook» qui est encore traité comme un rassemblement de «gamins». Le digital a une empreinte sur le monde réel. Sans une présence réfléchie sur le digital, des marques peuvent subir une nouvelle fois les foudres du consumérisme digital. 



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