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Industrie du tabac : La fiscalité, premier enjeu

Les opérateurs jouent à fond la carte de la sensibilisation afin de convaincre les États que la nouvelle génération de produits ne peut, d’un point de vue réglementaire, être considérée comme la cigarette et ne doit donc, du point de vue fiscal, être soumise aux mêmes barèmes.

Un nouveau tournant est résolument pris par l’industrie mondiale du tabac. Celui d’une génération de produits qui sont en train de détrôner et de loin la cigarette conventionnelle. Ce nouveau produit tabagique aujourd’hui bénéficie de l’appui d’une frange conséquente du monde de la science, qui atteste de leur nocivité réduite comparée à la cigarette classique. Cela tant et si bien que des évènements tels que le Global forum on nicotine, qui s’est achevé il y a quelques jours à Varsovie, sont devenus un espace d’échanges et de réflexion autour du futur du secteur et des enjeux de sa reconversion. En atteste d’ailleurs la thématique choisie pour la cinquième édition de ce GNF: «Repenser la nicotine». D’une même voix, tant les industriels que les scientifiques prenant part à l’événement ont plaidé pour l’ouverture de la voie devant les produits «alternatifs» de tabac. L’enjeu étant de pouvoir réduire la consommation mondiale de cigarettes et donc d’orienter dans le même sens la courbe des décès causés par les effets néfastes du tabagisme (surtout par la combustion). Une thématique qui traduit donc, selon les organisateurs, à quel point la volonté est forte d’opérer un revirement dans les habitudes de consommation du tabac. «Le terrain réglementaire et fiscal mondial souffre encore d’un grand vide en matière de tabac et plus encore en matière de produits alternatifs», indique-t-on parmi les organisateurs. Néanmoins, nuancent-ils, «l’effet de la sensibilisation commence à se faire sentir puisque dans certains marchés, les gouvernements se montrent désormais plus ouverts à ces nouveaux produits».

Cas d’école
Plusieurs cas de réussite ont été mis en avant lors de cet événement. Les plus éloquents étant la success story suédoise ou encore la japonaise. La Suède, en effet, a pu endiguer considérablement le volume de sa population fumeuse. Son secret ? Ce pays a considérablement remplacé les cigarettes par un produit offrant aux utilisateurs et le tabac et la nicotine sans fumée tout en étant nettement moins nocif. Il s’agit du «snus», une sorte de tabac à chiquer interdit pourtant dans plusieurs pays européens, mais qui a rencontré un grand succès en Suède. Aujourd’hui 15% des Suédois consomment du snus sachant que la consommation moyenne est d’environ 800 grammes par personne et par an, nous explique-t-on. Quant à l’exemple japonais, il s’est avéré un cas d’école mondial, ce pays a réussi à enregistrer une baisse de 27% de sa consommation de cigarettes en deux années seulement. Pas question de «snus» dans ce cas, la population fumeuse au Japon a adopté les nouveaux produits de tabac à chauffer, si bien que du côté de British American Tobacco et de Philip Morris International, ce pays est cité comme marché doré respectivement du Glo et de l’Iqos. Notons que ces deux produits sont des dispositifs électroniques basés sur le concept de chauffage des feuilles de tabac, ce qui réduit de quelques 90% les effets négatifs du tabagisme liés à l’utilisation de la cigarette conventionnelle… du moins si l’on en croit la kyrielle d’études scientifiques présentées à cet effet par les opérateurs. Pour l’heure donc, les opérateurs jouent à fond la carte de la sensibilisation afin de convaincre les États que cette nouvelle génération de produits ne peut, d’un point de vue réglementaire, être considérée comme la cigarette et ne doit donc, du point de vue fiscal, être soumise aux mêmes barèmes. Pour les États néanmoins, le business de la cigarette reste tout de même une niche fiscale considérable. «Quelle que soit l’importance de cette niche, il ne faut pas perdre de vue qu’en face, il y a le coût du tabagisme pour la santé publique et la valeur des vies humaines», considère Gerry Stimson, grand scientifique britannique et professeur émérite à l’Imperial College London. 


Dr. Moira Gilchrist
Vice-président scientific & public communications – Philip Morris International

En tant que scientifique, il est admirable de constater à quel point les évidences s’accumulent pour prouver que la reconversion vers le tabac sans fumée (l’Iqos pour le cas de PMI) est un meilleur choix qui s’offre aux fumeurs. Les études scientifiques ont prouvé le fait que cette nouvelle offre réduit les effets nocifs du tabac de 90%. Les études psychologiques ont également livré des résultats forts honorables et actuellement les résultats cliniques sont en cours mais déjà les remontées sont positives. Nous avons effectué 9 études cliniques sur des fumeurs qui ont opté pour notre produit. Ces études ont montré que l’absorption des produits dangereux est quasiment absente. Nous sommes très fiers des résultats, pas uniquement sur le plan scientifique, mais également sur le plan commercial: Dans les pays où nous commercialisons nos RRP’s, nous savons que 5 millions de personnes ont switché vers nos produits».

Dr. David O’Reilly
Co-Fondateur du Global tobacco and nicotine forum Group scientific and R&D director – British american tobacco

La commercialisation des RRP’s dans un pays donné est liée à la question de la régulation, de la fiscalité, de la consommation… Ce sont des sujets que nous discutons au quotidien avec les gouvernements car nous souhaitons pouvoir être présents partout dans le monde».


L’innovation fait la différence

Parallèlement au GNF, opérateurs et scientifiques ont notamment pris part à la deuxième édition du Symposium international sur la technologie de la nicotine (ISoNTech). Un évènement organisé en marge du GNF et durant lequel des industriels comme Japan Tobacco International, Phillip Morris ou encore British American Tobacco et Altria ont notamment exposé leurs dernières innovations en la matière.


Tommaso Di Giovanni, «PMI est bien positionné sur les produits qui chauffent le tabac»

Tommaso Di Giovanni, Director RRP (Reduced-Risk Products) Communications-Philip Morris International

Les Inspirations ÉCO : Pour le cas marocain, en tant qu’opérateur, la situation du secteur est déjà compliquée pour ce qui est du tabac conventionnel. N’est-ce pas cela qui vous décourage de faire plus d’efforts pour ramener une nouvelle génération de produits plus coûteuse ?
Tommaso Di Giovanni : Il y a plusieurs facteurs en fait. Quand nous étudions où et comment commercialiser un produit, qu’il soit novateur ou pas, nous prenons en compte un certain nombre de problématiques qui incluent la réglementation et aussi la situation des produits du tabac et de la nicotine en général. Je ne pourrais pas en dire beaucoup du cas spécifique du Maroc mais clairement, il est plus approprié pour nous de rentrer avec des produits comme l’Iqos dans un pays qui déjà est positif par rapport aux alternatives basées sur la science et qui ne produit pas de fumée.

Vous constatez déjà un très fort engouement pour la cigarette électronique sur le marché marocain, malgré cela le produit estampillé PMI n’est pas très présent au Maroc…
Il faut dire que PMI est arrivé relativement tard sur le marché de la cigarette électronique, comparativement à la concurrence. Nous sommes arrivés avec une technologie que nous avons rachetée auprès de notre partenaire aux USA, Altria, et que nous n’avons commercialisé que dans deux pays que sont Israël et l’Espagne. Petit à petit, nous avons racheté une petite entreprise au Royaume-Uni, nommée Nicosix, qui produit des cigarettes électroniques dans ce pays. Celle-ci détient quelque 28% de parts de marché. Nous le savons, sur l’offre de la cigarette électronique, nous sommes beaucoup moins avancés que sur les produits qui chauffent le tabac, tels que l’Iqos. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nous n’avons pas encore commencé à se développer au-delà du Royaume-Uni, d’Israël et de l’Espagne avec la cigarette électronique. Il est néanmoins incontestable que celle-ci est un autre produit avec des bénéfices potentiels importants et que nous y croyons. C’est juste que nous sommes arrivés en retard par rapport aux autres produits. L’iqos, par exemple, nous l’avons développé pendant plus de quinze ans, c’est pourquoi nous sommes plus avancés dessus mais nous avons annoncé le lancement d’un nouveau produit électronique à la fin de l’année. Ce produit baptisé «Mesh» est beaucoup plus avancé que les précédents.

Actuellement, l’on ne peut considérer le Maroc comme faisant partie des pays où la cigarette est la plus chère. Parallèlement, la stratégie de PMI veut que l’Iqos soit commercialisé plus ou moins au même prix que la cigarette conventionnelle. PMI pourra-t-elle être dans ses frais si elle venait à commercialiser les recharges «Heet» au Maroc ?
Cela dépend de nombreuses considérations, dont par exemple la fiscalité dont l’impact sur le prix de vente est important. Ce serait donc purement spéculatif pour le moment d’en dire plus. Notre ambition est clairement de commercialiser Heet au même prix que la cigarette car nous sommes convaincus que c’est la seule manière de convaincre les fumeurs de switcher vers ce produit, considérablement moins nocif que la cigarette.

PMI a certainement déjà fait des simulations pour étudier l’impact de la fiscalité sur le prix de vente…
Bien évidemment, nous le faisons. Je ne saurais communiquer sur des détails précis liés au marché marocain. Néanmoins, ce que je peux dire, c’est que pour «device» en ce moment, nous ne gagnons pas vraiment d’argent, car nous voulons le vendre au prix minimum possible.

La marge est donc plus sur la recharge ?
En quelque sorte, même s’il faut dire que sur près de 15 ans, nous avons engagé des investissements colossaux. Ce n’est que cette année que nous avons commencé à récolter les fruits de cet effort.

Votre groupe ne cache pas sa volonté d’amener l’Iqos au Maroc mais exige d’abord un cadre fiscal «adéquat». En contrepartie, quels arguments PMI met-elle sur la balance pour convaincre le gouvernement sachant que d’aucuns estiment que ce type de produits est moins attractif pour les caisses de l’État ?
Le premier argument n’est pas financier. Il concerne la santé publique. Toutes les évidences scientifiques montrent que ce produit est fort probablement moins nocif. Dans tous les pays, au moins la moitié de la population fumeuse est en train d’arrêter de fumer et ce n’est que 5% – dans le meilleur des cas – qui y arrivent. Donner à ces fumeurs une alternative aura certainement un impact sur la santé publique et sur les coûts générés en la matière.



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