Habitat et politique de la ville : Bilan mitigé
Bilan Gouvernemental «10»
Habitat et politique de la ville : Bilan mitigé
En dépit des réalisations au cours des dernières années dans le secteur de l’habitat et de la politique de la ville, de grands efforts restent encore à déployer pour atteindre les objectifs escomptés en matière de logement social et d’habitat destiné à la classe moyenne, de lutte contre les bidonvilles…
Le ministre de l’Habitat et de la politique de la ville a tenu, jeudi à Rabat, une conférence de presse pour dresser le bilan de son département. Une intervention a été totalement axée sur les réalisations du secteur mais aussi les insuffisances. «Globalement, nous étions au rendez-vous», résume d’emblée le responsable gouvernemental.
Le déficit ramené à 400.000 unités
Le déficit en logements a été réduit de 800.000 unités en 2012 à 500.000 à fin 2015. On s’attend à ce qu’il soit ramené à 400.000 unités à fin 2016, selon les estimations. Certes, il s’agit d’une performance, mais il reste encore un long chemin à parcourir pour régler les problématiques ayant trait à l’accès au logement. Les logements sociaux figurent en tête des programmes visant la réduction du déficit en logements.
C’est dans ce cadre que s’inscrit le programme de logements à 250.000 DH, qui connaît quelques difficultés en matière de commercialisation dans certaines villes en raison des revenus limités des ménages qui pourraient en bénéficier. Il s’avère aujourd’hui nécessaire de lancer la réflexion autour de la manière dont ces ménages pourraient accéder à ce type de logements, comme le souligne Nabil Benabdellah. En dépit des difficultés qui doivent être dépassées dans les plus brefs délais, ce programme a permis à une grande frange de la population d’accéder à la propriété. Entre 2012 et 2016, 725.186 logements sociaux ont fait l’objet de 539 conventions entre l’État et les promoteurs.
À fin juillet 2016, 475.075 logements sociaux ont été mis en chantier, soit 40% du besoin global en logements sociaux estimé à 1.223.806 unités et 259.226 logements ont été achevés et ont reçu leur certificat de conformité. Quant au nouveau programme de logements à 140.000 DH mis en place en faveur des ménages les plus défavorisés, uniquement 52.644 logements ont été mis en chantier dont 35.508 sont achevés. Ce dispositif est porté essentiellement par Al Omrane, mais visiblement ce type de logement n’intéresse pas les habitants des bidonvilles, la cible principale. Ce programme vise initialement à consacrer quelque 40.000 unités au relogement des habitants des bidonvilles et 25.000 aux habitants du milieu rural. Cependant, l’engouement autour de ce produit n’est pas encore au rendez-vous. Pour intéresser la population cible, il faut relever le défi de l’emplacement du foncier. L’enjeu est de taille. Il faut dire que la problématique de la mobilisation du foncier pour le lancement des opérations étatiques va de plus en plus se poser à l’avenir.
Programme pour la classe moyenne timides réalisations
S’agissant du programme pour la classe moyenne, les réalisations sont encore timides par rapport aux besoins. «Le secteur n’a pas pu répondre suffisamment aux conditions en matière d’habitat de la classe moyenne. Il s’agit de l’une des questions sur lesquelles on n’est pas parvenu à suffisamment atteindre les objectifs escomptés», souligne le ministre. Rappelons que ce programme a été lancé en 2013 pour la diversification et l’intensification de l’offre en logements. Dans ce cadre, le ministère a conclu une convention-cadre avec le holding d’aménagement Al Omrane pour 3.680 logements et un contrat-cadre avec la Fédération nationale des promoteurs immobiliers pour 20.000 logements. À fin juillet 2016, 23 conventions ont été visées pour la réalisation de 8.605 logements.
Villes sans bidonvilles des difficultés à dépasser
De grands efforts restent encore à déployer pour éradiquer les bidonvilles. La mission n’est pas de tout repos. Pour le ministre, il reste encore la partie la plus difficile, bien qu’il soit question uniquement de quelques poches qui font l’objet de certaines difficultés en raison particulièrement de la contrainte de mobilisation de l’immobilier, notamment à Casablanca, Témara, Kénitra, Larache et Marrakech. Les autorités sont appelées à poursuivre leurs efforts en matière de contrôle pour éviter l’augmentation du nombre des bénéficiaires. En 2004, quelque 270.000 ménages ont été recensés auxquels il faut ajouter 100.000 autres suite à l’opération d’actualisation. À ce titre, des contraintes se posent aussi bien sur le plan du budget que de l’immobilier. «La question est complexe et a trait aussi à la nécessité de l’amélioration des revenus des ménages pour qu’ils puissent accéder au logement», précise Nabil Benabdellah. Néanmoins, le ministre se félicite, chiffres à l’appui, des réalisations entre 2012 et 2016 : 98.860 ménages bénéficiaires du programme «Villes sans bidonvilles», quelques 12 villes déclarées sans bidonvilles portant le nombre des villes déclarées à 56, 64.420 ménages concernés par des projets en cours d’exécution ou de programmation pour un investissement de 9,5 MMDH, dont une subvention de l’État d’1,7 milliard de dirhams), 43 conventions engagées.
Habitat menaçant ruine plusieurs contraintes relevées
Pour pouvoir traiter l’habitat menaçant ruine, il a fallu en premier lieu combler le vide juridique et institutionnel avec la promulgation de la loi 12-94 et la mise en place d’une approche globale, participative et contractuelle pour une intervention opérationnelle. Plusieurs contraintes devaient être surmontées et à leur tête une expertise technique limitée ainsi que la difficulté d’intervention de l’opérateur public et l’insolvabilité des ménages concernés. En dépit de ces difficultés, six programmes ont été lancés en 2013 pour traiter 9.068 habitations soit près de 15.000 ménages pour un investissement global de plus de 2,2 MMDH et une contribution du ministère de 486 MDH. Entre 2014 et 2016, 9.275 habitations sont en cours de traitement pour un coût global de 957 MDH dont 379 MDH subventionnés par le ministère.
Mise à niveau urbaine 8,41 MMDH investis
Le ministère de l’Habitat et de la politique de la ville a aussi pour mission de contribuer à la requalification urbaine par la réalisation d’équipements de base en vue d’améliorer l’accès aux quartiers et aux services de proximité. En cinq ans, 1,3 million de ménages sont concernés pour un investissement total de 13 MMDH à travers 552 conventions signées. Jusqu’en juin 2016, 144 conventions sont déjà engagées et près de 560.000 ménages sont bénéficiaires pour un investissement total de 8,41 MMDH et une subvention du ministère de 4,75 MMDH.
Politique de la ville le chemin est encore long
En parallèle à l’habitat, le département de Nabil Benabdellah est appelé à développer la politique de la ville en vue de réduire l’exclusion sociale, améliorer l’accès aux services de proximité et aux équipements publics et contribuer à faire des villes des espaces encourageant la cohésion et l’intégration urbaine. La mission n’est pas facile. Le chemin est encore long pour concrétiser les desseins tracés. «C’est en forgeant qu’on devient forgeron. L’action a commencé», indique le responsable gouvernemental. Jusque-là, 128 projets sont conventionnés avec un coût global de 55,4 MMDH dont 25% financés par le ministère soit 14,05 MMDH. Les actions menées devront être adaptées à la réalité du terrain. Ainsi, à l’échelle du quartier, quelque 30 conventions ont été signées pour un investissement de 5,5 MMDH dont 60% financés par le ministère. Les projets concernent notamment la voirie, les espaces verts et plantations, les places publics, les centres culturels, les centres pour l’emploi et l’orientation professionnelle, les terrains de sport. À l’échelle des villes et des centres émergents, 61 conventions ont été conclues pour un investissement de 41,5 MMDH dont 20% financés par le ministère.
L’objectif est la création et le renforcement des centralités et l’amélioration du cadre urbain et des boulevards et voies structurantes ainsi que des places publiques. S’agissant du programme ksours et kasbahs, 136 MDH sont mobilisés pour préserver non seulement le patrimoine et les constructions traditionnelles mais aussi améliorer les conditions de vie de la population. Les acteurs locaux et les populations sont associés à cette opération. Le ministre de l’Habitat reconnaît que les efforts déployés restent encore insuffisants tout en soulignant la nécessité de mobiliser des moyens financiers supplémentaires pour la valorisation des ksours et kasbahs. Concernant les médinas, 5 conventions ont été conclues dont une convention-cadre pour 26 villes et un montant de 2,66 MMDH dont 30% financés par le ministère. Les projets concernent le traitement des bâtiments menaçant ruine et des façades, la voirie, la reconversion des bâtiments historiques, les espaces verts, la restauration de murailles, la réhabilitation du patrimoine, l’artisanat…
Mobilisation des moyens financiers
Le ministre de l’Habitat et de la politique de la ville a tenu à plusieurs reprises à mettre l’accent sur l’effort financier consenti pour mettre en œuvre les objectifs fixés. Créé en 2002, le Fonds solidarité habitat et intégration urbaine dispose de ressources qui sont passées de 400 MDH à 2,40 MMDH en 2016. Le fonds dispose de ressources budgétaires allouées à l’habitat par le budget général et de produits de la taxe spéciale sur le ciment et de la taxe spéciale sur le fer à béton ainsi que de 30% des recettes de la taxe sur le sable. Ledit Fonds a permis la mise en chantier de plusieurs projets pour plus de 1.970.000 ménages avec un investissement total de 66 MMDH et une participation du Fonds de plus de 28,6 MMDH. Entre 2012 et 2016, la contribution de ce fonds a atteint 12,4 MMDH sur un investissement total de 28 MMDH alors que ses recettes sont de l’ordre de 9,5 MMDH et les dépenses de 7,2 MMDH.
Renforcement du cadre juridique
Plusieurs textes réglementant le secteur ont été approuvés au cours des cinq dernières années. Il s’agit notamment de la loi 107-12 modifiant et complétant la loi 44-40 relative à la vente d’immeubles en l’état futur d’achèvement et de la loi 67-12 organisant les rapports contractuels entre les bailleurs et les locataires de locaux à usage d’habitation ou à usage professionnel. Ce texte a besoin d’être révisé pour la mise en œuvre des procédures fixées. On peut citer également la loi 94-12 relative aux bâtiments menaçant ruine et à l’organisation des opérations de rénovation urbaine et la loi 106-12 modifiant et complétant la loi 18-00 relative au statut de la copropriété des immeubles bâtis. Sur le plan réglementaire, le projet de code de la construction est finalisé. Nabil Benabdellah tient à citer aussi l’actualisation du devis général d’architecture, le projet de règlement pour les travaux d’excavation en site urbain ainsi que le projet de règlement de construction en béton armé. Sur le volet normatif, quelques 1.971 dossiers d’entreprises ont été examinés par la commission nationale et 1.332 entreprises sont qualifiées et classées.