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Finances publiques : Érosion «rampante» de la souveraineté des États

Les menaces à la souveraineté

«La souveraineté étant le droit de définir une politique en fonction de ses besoins et aspirations», comme l’a rappelé l’économiste, Najib Akesbi, lors de la 11e édition du colloque de Fondafip, limiter cette souveraineté pour obtenir du financement ou d’autres avantages peut être concédé de manière choisie et réfléchie. Toutefois, certaines menaces sont en dehors du système et peuvent bousculer la souveraineté de plusieurs pays.

La cryptomoney, de l’argent qui échappe à tout contrôle
C’est le cas notamment des nouvelles monnaies électroniques ou cryptomoney. Évoquées par Ahmed Rahhou, le président directeur du CIH, a expliqué que cette monnaie, de part son essence même, elle échappe au contrôle des banques centrales. Si un jour les citoyens choisissent de migrer vers le Bitcoin ou l’Ether (deux matérialisations de la cryptomoney qu’autorise la Blockchain), les banques centrales seront démunies de leur pouvoir de régulation du marché et de l’économie par le biais des politiques monétaires.

GAFA ou quoi taxer ?
L’autre menace qu’apportent aussi la technologie et plus précisément les GAFA, est la question de taxation de ces dernières. De part la nature de la gratuité de leurs services offerts aux clients en contrepartie de données, qui elles sont génératrices de revenus, déterminer la chose taxable est désormais une question épineuse que discutent les différents États, notamment européens, où ces géants de technologie et de l’informatique échappent à l’impôt. Certains proposent de taxer les services mais leur gratuité pose problème tout autant que la difficulté de déterminer la quantité de données prélevée dans tel ou tel pays.

La dette, un «cadeau» conditionné
Christophe Pierrucci, maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, souligne, qu’à présent, la dette publique a cessé d’être une affaire interne de l’État. Elle est une affaire de tous. C’est le cas avec les emprunts forcés ou encore les défauts souverains. Quant à la menace que représente la dette, le maître de conférences donne pour exemple les États européens au lendemain de la crise des subprimes qui a provoqué celle des dettes souveraines. «L’aide a été accompagnée d’obligation de réformes budgétaires. La sortie du plan d’ajustement structurelle a marqué un retour à la souveraineté», explique Pierrucci. Pour lui, certes, il y a consentement de l’État à cette limite mais la charge des intérêts de la dette peut engendrer une limitation des choix aboutissant à priver de moyens financiers certains projets prioritaires. D’autant plus que le niveau des taux d’intérêt est dicté par des facteurs exogènes à l’État : les agences de notation, la spéculation ou encore l’inflation.

Un niveau de dette important au Maroc
Pour le cas marocain, Najib Akesbi relate qu’à fin 2016, la dette publique a atteint 827 MDH, soit 82% du PIB. Ce qui représente plus de 4 années de recettes fiscales. Pour l’économiste, qui a emprunté le concept de l’autonomie alimentaire pour le calquer sur la fiscalité et ses calculs font ressortir une insuffisance des ressources fiscales de l’ordre de 62%. Autrement dit, les recettes fiscales ne couvrent que 62% des dépenses du budget général de l’État. Pour assurer une suffisance et une autonomie, il est donc primordial de retrouver une souveraineté fiscale. «Ce chemin de la souveraineté fiscale passe nécessairement par une réforme profonde du système fiscal. Une réforme qui reconnecte l’impôt aux réalités de l’économie et conjugue équité et efficacité. En d’autres termes, il s’agit de réhabiliter la fonction redistributive de l’impôt pour en améliorer le rendement et l’efficacité», précise Akesbi.


Zouhair Chorfi,
Directeur général de l’Administration des douanes et impôts indirects

«La question qui se pose est celle du bon usage de la souveraineté. À côté de l’idée de souveraineté, vient l’idée de l’absence ou de la perte de souveraineté et de la mise sous tutelle. Autant face à la souveraineté, on met une valeur positive et face à son absence, on met une valeur négative. La réalité des États et de la pratique budgétaire montrent que souvent dans certaines situations au niveau de certains États, la souveraineté rime avec laxisme, dérapage budgétaire, dépenses ostentatoires, endettement excessif, et dans d’autres situations la perte de souveraineté signifie ajustement, rétablissement des équilibres, rationalisation de la dépense, renforcement de la recette et donc ce qui est important dans ce couple, ce n’est pas autant de savoir si on est souverain ou non mais plutôt quel contenu de la souveraineté. La souveraineté, pourquoi faire? La souveraineté n’est pas une fin en soi. La souveraineté est un moyen de mettre en œuvre des politiques.  Oui a une souveraineté qui met la politique budgétaire au cœur du développement? Qui a une politique budgétaire qui ouvre une perspective à l’action, traite les inégalités sociales, les inégalités régionales, et crée les conditions d’un meilleur vivre ensemble? Nous avons besoin de cette souveraineté responsable».


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