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Émissions judiciaires : La HACA serre la vis

Un projet de décision de la haute autorité sortira bientôt pour mieux faire respecter le principe de présomption d’innocence et le respect de la vie privée dans les médias audiovisuels. Ramid a dévoilé que même des instances officielles agissent en porte-à-faux de la présomption d’annonce pour des raisons politiques ou autres.

La Haute autorité de la communication audiovisuelle a organisé, hier à Rabat, une Journée d’étude sur le respect de la présomption d’innocence dans l’audiovisuel. Le sujet a été au centre de débats houleux depuis la multiplication des émissions sur les affaires judiciaires et les homicides. À telle enseigne que les décisions de sanction, prononcées par la HACA à l’encontre des chaînes de télé, ont atteint le nombre de 26, entre 2006 et 2016, au lieu de 3 seulement durant le précédent mandat. En 2015, seulement,15 sanctions ont fusé pour non-respect du principe de présomption d’innocence ou du secret censé accompagner les procédures de mise en examen par les tribunaux. C’est devenu un phénomène de société quand une émission judiciaire a pulvérisé les taux d’audience avec plus de 4,5 millions de téléspectateurs.

Pour Amina Lamrini Ouahhabi, présidente de la HACA, très souvent la relation entre média et justice est conflictuelle vue de l’angle des droits de l’Homme. C’est une nouvelle justice médiatique qui s’arroge alors le droit de prononcer des verdicts en porte-à-faux avec le principe de présomption d’innocence. Par conséquent, la justice est orientée et manipulée dans un sens comme dans l’autre. Le 27 juillet 2005, la HACA a sorti une recommandation dans ce sens sur la base des plaintes à l’encontre des médias. Laquelle recommandation a vu le jour avant même que les premières autorisations audiovisuelles ne soient octroyées en 2006. Aujourd’hui, il est temps de mettre à jour cette recommandation à la lumière des évolutions que le paysage médiatique a connues durant 12 ans. Il y a quelques années, la HACA a mis en place une commission ad hoc sur la présomption d’innocence, présidée par Bouchaib Ouabbi. Laquelle commission effectue un suivi pointilleux des émissions qui traitent des affaires judiciaires et des crimes (voir encadré). Mustapha Ramid, ministre d’État chargé des droits de l’Homme, concède qu’il y a des crimes en vrac en matière de non-respect de la présomption d’innocence. «C’est un droit élémentaire indiscutable depuis l’arrestation du mis en cause. C’est aussi un principe consacré dans le premier article du code pénal», a-t-il souligné. Ramid a poussé le bouchon plus loin en confiant qu’il y a même des instances officielles qui dévoilent les données d’enquêtes judiciaires pour une raison ou pour une autre. «Les enjeux politiques ne doivent pas s’immiscer dans le processus judiciaire. Dès lors, l’opinion publique devient partie dans une procédure judiciaire», a tonné le ministre. Et ce ne sont pas les lois qui manquent, car, outre le premier article du Code pénal, l’article 75 du Code de la presse est clair au sujet de la présomption d’innocence.

Pour sa part, Mohamed Aujjar, a mis en exergue la difficulté de combiner entre le souci de réaliser le scoop avec les moyens du bord et celui de respecter les droits d’autrui et de la dignité humaine. «Il nous revient de mettre en place les lois consacrant le respect et de la liberté de la presse et du droit et le respect de la présomption d’innocence», a expliqué le ministre de la Justice. Mais au-delà des lois, cette relation conflictuelle ne peut être dûment gérée qu’au sein des confédérations professionnelles, a renchéri le ministre. D’un autre côté, il va falloir installer une culture qui consiste à ce que les procureurs généraux communiquent en respect des garanties légales. Aujourd’hui dans le monde, le procureur est devenu une personnalité médiatique.

Mohamed Laarej, ministre de la Culture et de la communication, a parlé de l’acrobatie qu’il faut faire pour gérer trois problématiques : la première a trait à l’évolution du secteur audiovisuel et de la liberté de la presse, la deuxième porte sur les garanties des libertés publiques, y compris la présomption d’innocence et la troisième concerne l’arsenal juridique et les différentes interprétations de la loi. «Il y a eu des acquis, mais il faut revoir certains textes. On travaille toujours avec un Code pénal de 1962, malgré les reformes. Il faut des amendementsqui accompagnent la liberté de la presse et les procédures judiciaires», estime Laarej. Quant à Mohamed Sebbar, secrétaire général du CNDH, il a expliqué que le conseil suit de près et avec inquiétude les violations du principe de présomption d’innocence. «Cette dernière est la pierre angulaire d’un traitement judiciaire juste. Son respect est de la responsabilité de toute la société et pas uniquement la justice», a-t-il souligné. Et Sebbar de vociférer que certains médias sont obnubilés par les scoops et publient les photos et les noms de leurs présumés victimes. C’est non seulement une violation de la loi, mais de la déontologie médiatique, conclut-il. Pour lui, il est temps de privilégier la formation des professionnels des médias.


Les sans-diplômes raffolent des émissions de crimes

Pour Bouchaib Ouabbi, président de la commission ad hoc de présomption d’innocence relevant de la HACA, les textes sont dispersés. Ce qui pose un vrai problème aux professionnels des médias quant au référentiel à suivre. Selon une étude de la haute autorité, 90% des infractions dans le secteur audiovisuel ont trait au non-respect de la présomption d’innocence. Par ailleurs, sur 724 journaux télévisés en 2013, 60 reportages traitaient des procédures judiciaires ayant débouché sur 9 sanctions. Un rapport rendu public en 2014, a mis en exergue l’existence d’un intérêt sans précédent pour les émissions et les informations ayant trait aux faits de crimes et d’homicides. Ainsi, 62% des personnes qui suivent ces émissions sont sans diplômes et 9% seulement parmi les hauts diplômés. Les crimes d’homicide représentent 50% de ces émissions et il n’y a pas d’indication sur l’âge limite des spectateurs.



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