Croissance, FMI, régime de changes : Jouahri met les points sur les «i»
Bank al-Maghrib (BAM) a tenu son conseil le 21 juin. L’occasion pour Abdellatif Jouahri de présenter la situation économique, monétaire et financière du pays.
C’est un Abdellatif Jouahri exaspéré mais impassible qui a rencontré les représentants des médias le 21 juin à Rabat. Une fois n’est pas coutume, la politique tout court a volé la vedette à la politique monétaire. L’argentier du royaume a consacré une large partie de cette sortie médiatique pour répondre à la polémique autour du mémorandum tripartite adressé au gouvernement pour relancer le crédit bancaire. En plus de présenter le rapport sur la politique monétaire et les deux décisions du Conseil de BAM lors de la session de juin, Jouahri est également revenu sur plusieurs sujets d’actualité économique.
Les deux décisions du Conseil de BAM
«Tenant compte d’une prévision d’inflation en ligne avec l’objectif de stabilité des prix, le conseil a jugé que le niveau actuel de 2,25% du taux directeur demeure approprié», explique Jouahri. Pour cette session, le conseil a pris une deuxième décision pour faire face à la surliquidité sur le marché bancaire. L’excédent des banques devrait atteindre le niveau record de 7,7 MMDH à fin 2016 et doubler à 20,3 MMDH à fin 2017. «Le conseil a décidé de porter le taux de la réserve monétaire de 2% à 5%», ajoute le wali de BAM. Cette décision s’accompagne d’une rémunération pour les banques sur cette réserve, mais à une condition: «les banques doivent déployer plus d’efforts en matière d’octroi de crédit», réclame Jouhari. Les neuf membres du conseil ont également approuvé le rapport annuel sur la situation économique, monétaire et financière du pays. «Ce document sera présenté au roi Mohammed VI durant les prochaines semaines», annonce Jouahri.
Croissance et prévisions : 1,2% pour 2016
BAM revoie à la hausse (légèrement) ses prévisions de croissance pour 2016. Le PIB devrait croître de 1,2% au lieu de 1% prévu en mars. Cette révision est due à l’amélioration, relative, de la valeur ajoutée agricole qui baissera de 9% au lieu des 13,8% prévus initialement. Pour 2017, BAM prévoit une «accélération» de la croissance avec un taux de 4%. «On nous reproche de faire nos propres prévisions et ne pas attendre celles des Finances. Pour être en mesure de prendre des décisions lors des sessions du conseil, on doit pouvoir disposer de prévisions sur la croissance, l’inflation et tous les indicateurs économiques et financiers», précise Jouahri.
L’inflation: les prix des produits alimentaires volatils
Le conseil a noté que l’inflation s’est accélérée depuis mars dernier, sous l’effet principalement d’une augmentation importante des prix des produits alimentaires à prix volatils. Tenant compte de ces évolutions, la prévision de l’inflation pour 2016 a été revue à la hausse à 1,6%. En 2017, l’inflation devrait revenir à 1%. BAM prévoit «la dissipation des effets des chocs externes sur les prix des produits alimentaires à des prix volatils devant plus que compenser la hausse prévue de l’inflation sous-jacente et des prix des carburants et lubrifiants».
Libéralisation de changes: le calendrier se précise
La libéralisation du régime de changes entame sa dernière ligne droite. «Nous avons reçu une mission du Fonds monétaire international (FMI) en mai dernier pour préparer cette réforme», déclare Jouahri. BAM prépare les aspects stratégiques (quel régime de changes choisir), opérationnels, réglementaires et de communication. Ce chantier est double, il concerne la réforme sur le régime de changes et le ciblage d’inflation. «Si on passe à la libéralisation de change, le point d’ancrage va être la politique monétaire», rappelle-t-il. BAM est en pleine préparation des scénarios de ciblage d’inflation, d’analyses et de projections. «BAM présente déjà ses prévisions», souligne le wali de BAM. En septembre, l’institution d’émission devrait être en mesure de fixer le ciblage. En juillet, une nouvelle mission du FMI rendra visite au Maroc pour peaufiner avec BAM cette réforme qui devrait entrer en vigueur début 2017.
Ligne de crédit avec le FMI : et de trois pour le Maroc!
Finalement, le Maroc aura recours à une nouvelle Ligne de précaution et de liquidité (LPL) -la troisième consécutive- auprès du FMI. Contrairement aux affirmations du ministère des Finances, cet instrument sera prolongé pour deux ans supplémentaires. Le montant de la ligne sera revu à la baisse pour situer à 3,55 milliards de dollars (environ 30 MMDH). Au menu figurent réforme de la retraite, maintien du déficit budgétaire et réduction de la dette publique.
Dons du CCG: 3 MMDH de moins que prévu
Concernant les dons des pays du Conseil de la coopération des pays du Golfe (CCG) en 2016, ceux-ci devraient atteindre 10 MMDH. «Les Finances ont prévu 13 MMDH, mais on devrait atteindre les 10 MMDH pour cette année», prévoit Jouahri. Pour l’année 2017, ces dons devraient baisser à 8 MMDH. Pour rappel, cette entrée de devises est en vigueur depuis 2011, date du partenariat stratégique entre le Maroc et les pays du CCG. Ce financement est octroyé à des projets sélectionnés par ces derniers.