Bilan Benkirane : L’homme des décisions impopulaires !
L’ex-Chef du gouvernement a réussi là où ses prédécesseurs ont préféré esquiver les difficultés. Réforme de la compensation et des retraites, droit de grève et ponction salariale, contribution libératoire….Abdelilah Benkirane est allé jusqu’au bout de sa mission. Quant à ses «échecs», si l’on peut les qualifier ainsi, ils s’apparentent souvent à des sujets extrêmement compliqués qui demandent du temps. Il s’agit notamment de la réforme de l’éducation et de la santé publique.
Il est à la fois facile et problématique de faire le bilan d’Abdelilah Benkirane. Ce dernier avait le courage d’aller jusqu’au bout de réformes impopulaires, malgré le risque de se faire détester par les Marocains. Mais comme par magie, il arrivait toujours à faire oublier le goût amer de ses engagements. Il est l’un des rares chefs de gouvernement à faire tourner la situation en sa faveur en parlant une langue qui à la fois touche et amuse les Marocains. Une mixture dont seul Benkirane connaissait les ingrédients et le dosage.
Les tops et les flops du Chef de gouvernement démis de ses fonctions selon les prérogatives que la Constitution octroie au Souverain, servent à dresser le tableau de son passage à la tête du premier gouvernement dirigé par un parti à obédience clairement islamique. Si Benkirane a réussi à capter l’attention des Marocains grâce à l’intérêt qu’il a accordé aux couches fragiles (fonds pour les veuves, fond de cohésion sociale, aide aux mères célibataires), il a aussi suscité l’ire de franges de la société réfractaire à sa logique pas toujours scientifique. Mais indéniablement, l’homme ne passait pas inaperçu. Dans ses meetings ou toute rencontre où il est invité, son charisme prenait immédiatement le dessus.
Parler aujourd’hui d’un bilan de Benkirane risque de réduire tout un gouvernement à sa personne. Cela n’a pas été, bien sûr, le cas, mais l’homme a marqué de son style un Exécutif pas toujours homogène. Ce qui ne l’a pas empêché d’avoir confiance dans ses ministres, même lorsque l’adversité politique au sein de la majorité avait été palpable. Benkirane avait certes réussi là où d’autres n’ont pas eu de chance ou de volonté politique. Quant à ses échecs, si l’on peut les qualifier ainsi, ils s’apparentent souvent à des sujets extrêmement compliqués qui demandent du temps et l’engagement de son successeur.
Dans le domaine de l’éducation, il est difficile de lui faire porter toute la responsabilité à moins d’être amnésique. Car l’enseignement au Maroc traîne le boulet de politiques contradictoires et d’une mauvaise gouvernance qui rend le diagnostic comme la cure difficiles. Idem pour la santé ou le déficit est tellement grand que des mesurettes ne pouvaient remettre à flot. La lutte contre la corruption qui a servi de porte étendard à Benkirane s’est avéré aussi un chantier de longue haleine qu’il va falloir mener avec toute la patience et l’ouverture d’esprit qu’il faut.
Par contre, Benkirane s’est attaqué au gros dossiers: réforme de la compensation qu’il a entamé et mené avec brio, celle des retraites (CMR) qui a failli enterrer sa popularité et le droit de grève qui a été drastiquement encadré. La réforme de la justice et la refonte du code pénal avec son homme de confiance, Mustapha Ramid, a aussi donné de bons signaux aux investisseurs étrangers ainsi qu’à l’ensemble des marocains. Benkirane a bien joué son rôle dans un contexte marqué par les soulèvements arabes et l’instabilité dans la région. Il a contribué à envoyer des signaux de stabilité et d’ouverture aux partenaires économiques, une attitude qu’il a gardée même après la sortie de l’Istiqlal du gouvernement et le chamboulement de sa majorité. Il a montré beaucoup de diplomatie et de sang froid dans la gestion de cette crise gouvernementale. Son «échec» à constituer le gouvernement après plusieurs mois de tractations s’explique plus par les limites qu’il s’est tracées pour faire des concessions.
S’ajoute à cela la naissance d’un bloc politique hétérogène qui s’est érigé en négociateur principal. La situation est devenue tellement inextricable que seul un arbitrage royal pouvait la désamorcer. Ce qui fut le cas.