Opinions

MRE. Une communauté melting-pot

C’est bien la période du retour massif au pays de nos concitoyens résidents à l’étranger. Chaque année, en cette période de vacances, ce sont des millions de Marocains installés dans les cinq continents, avec une majorité dans les pays européens, qui prennent la route pour le Maroc, leur pays d’origine. Un voyage chargé de symboles: retour aux origines, retrouvailles familiales, recherche de la «chaleur humaine», bref, une volonté de se sentir chez soi. C’est aussi une occasion de constater de visu le chemin parcouru par le pays en relevant les progrès réalisés et les déficits à combler. Ce retour des «Marocains du monde» n’a rien à voir avec le tourisme classique. C’est à tort, d’ailleurs, que certaines statistiques les confondent. Ce sont pourtant deux dynamiques différentes. Quand on parle de Marocains du monde, on parle d’une population évaluée à près de 5 millions de personnes, soit près de 14% de la population totale du pays. On connaît aujourd’hui, grâce aux différentes études réalisées soit par des chercheurs, soit par des institutionnels, les caractéristiques fondamentales de cette population en termes de structure démographique, de statut socio-professionnel, d’engagement citoyen et politique dans les pays d’accueil, de participation dans les efforts de développement dans le pays d’origine. Mentionnons tout particulièrement, outre les études effectuées par le ministère chargé des Marocains résidents à l’étranger, la série quadriennale publiée par la Fondation Hassan II pour les MRE, série intitulée «Marocains de l’Extérieur», dont la dernière édition date de 2017. Cette publication de plus de 700 pages comporte une masse de données qui, normalement, devrait servir d’aiguillon aux décideurs pour élaborer des politiques publiques appropriées en faveur de la population concernée. Osons espérer que c’est bien le cas!

Ainsi, on relève que les Marocains du Monde représentent une grande hétérogénéité: différence selon les générations; différence selon le pays d’accueil (les Marocains résidant dans les pays du Golfe vivent dans des conditions tout à fait différentes de ceux qui résident dans les pays de l’OCDE); diversité des profils socio-économiques allant du statut d’ouvrier à celui d’employé dans les services, en passant par le commerçant, l’entrepreneur, le scientifique… L’image d’émigré marocain qui travaille comme ouvrier de chantier dans le bâtiment ou dans les exploitations agricoles fait désormais partie du passé. On relève aussi que la population marocaine émigrée est en voie de vieillissement. À titre d’exemple, en France, un quart des immigrés marocains ont aujourd’hui plus de 55 ans et 65.000 ont plus de 65 ans. «Après une vie structurée, voire justifiée par le travail, ces personnes, doivent réinventer un mode de vie et une raison d’être avec une grande indécision relative à la question du retour» (publication de la Fondation Hasan II). On relève enfin une féminisation croissante de l’émigration. Il ne s’agit pas uniquement de l’épouse qui rejoint son mari dans le cadre du regroupement familial, mais plutôt d’une femme qui fait le choix de l’émigration en toute indépendance, d’une femme libre pour ainsi dire. Ce qui est un signe de l’autonomisation de la femme marocaine, phénomène de plus en plus visible dans la société. Tendance qui ira crescendo à l’avenir. Pour gérer une telle situation marquée par autant de contrastes et de différenciations, le Maroc a mis en place un ensemble d’institutions, notamment un ministère dédié, le renforcement de la représentation diplomatique dans les pays d’accueil, la Fondation Hassan II, la Fondation Mohammed V, le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME), un partenariat avec des associations actives dans le domaine de la migration… Les résultats sont palpables. On les voit à plusieurs niveaux: amélioration des conditions d’accueil avec un accompagnement tout au long du voyage, guichet spécial réservé aux MRE dans les administrations publiques, encadrement culturel et religieux adéquat dans les pays d’accueil… Mais nos concitoyens, dont l’attachement à la mère patrie n’est plus à démontrer, sont en droit d’exiger plus. S’ils n’ont plus le sentiment d’être traités comme une simple machine à produire des devises, ils aspirent néanmoins à jouir pleinement des droits que leur confère la Constitution.

À cet égard, il est temps de résoudre cette équation de la participation politique en leur octroyant le droit de se faire représenter au Parlement en application des dispositions de la Constitution qui stipule dans son article 17: «Les Marocains résidant à l’étranger jouissent des droits de pleine citoyenneté, y compris le droit d’être électeurs et éligibles. Ils peuvent se porter candidats aux élections au niveau des listes et des circonscriptions électorales locales, régionales et nationales. La loi fixe les critères spécifiques d’éligibilité et d’incompatibilité. Elle détermine, de même, les conditions et les modalités de l’exercice effectif du droit de vote et de candidature à partir des pays de résidence». Un débat national autour de cette problématique, avec la participation des RME, ne serait pas superflu. Il permettra, à coup sûr, de lever les malentendus et de déboucher sur une issue consensuelle loin de toute surenchère politique. En la matière, plus que dans tout autre domaine, c’est l’intérêt suprême de la Nation qui doit absolument prévaloir.

Abdeslam Seddiki
Économiste et ex-ministre
de l’Emploi et
des affaires sociales



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