Taux débiteurs. Le délai d’ajustement varie de 1 à 7 mois
Intitulé «Pass-through du taux d’intérêt au Maroc : Enseignements à partir de l’enquête trimestrielle sur les taux débiteurs», le document analysé vise la dynamique de la transmission des décisions de politique monétaire aux taux d’intérêt de détail des banques. L’étude se base sur les données de l’enquête trimestrielle sur les taux débiteurs de Bank Al-Maghrib. Elle porte en effet sur les banques qui ont répondu régulièrement à l’enquête durant la période T2-2006 et T2-2017. Ainsi, l’échantillon regroupe 5 banques qui concentrent plus que 80% du total de l’actif du système bancaire marocain. Si sur le plan théorique, le mécanisme de transmission dépendant du resserrement des conditions monétaires et de la structure des taux d’intérêt engendre une hausse des taux d’intérêt de détail des banques (sachant que les études existantes portent essentiellement sur l’impact du taux directeur sur les taux bancaires agrégés et n’analysent pas la transmission selon le type de crédit et les caractéristiques individuelles des banques). Les travaux empiriques montrent, quant à eux, que le pass-through du taux d’intérêt vers les taux débiteurs est tributaire du niveau de la prime de risque exigée par les investisseurs et leurs anticipations en ce qui concerne l’inflation et les décisions de politique monétaire.
En d’autres termes, le pass-through dépend de facteurs structurels et conjoncturels et peut varier selon la structure du bilan des banques et le segment du marché bancaire considéré. Au final, les résultats des estimations ont mis en évidence un comportement hétérogène de tarification des crédits bancaires selon l’objet économique et le secteur institutionnel. Ainsi, le délai d’ajustement des taux débiteurs varie de 1 à 7 mois. Par secteur institutionnel, le pass-through vers les entreprises est relativement plus important que la transmission vers les ménages et les entrepreneurs individuels. Étant donné qu’une part importante des crédits bancaires adressés aux entreprises est octroyée aux grandes entreprises, ce résultat confirme que le pouvoir de négociation des emprunteurs et la capacité des banques à évaluer les risques (faible asymétrie d’information et reporting régulier des états financiers) jouent un rôle important dans la transmission vers les taux des prêts destinés aux entreprises. Par objet économique, les taux appliqués aux facilités de trésorerie et aux crédits à la consommation sont moins flexibles comparativement aux taux adossés aux crédits immobiliers et à l’équipement.
Par ailleurs, les études empiriques ont identifié plusieurs facteurs structurels qui peuvent impacter le pass-through, à savoir le cadre réglementaire et institutionnel, la gouvernance, le développement du marché financier y compris du marché secondaire pour les titres souverains, la profondeur des marchés monétaire et interbancaire, le fonctionnement du marché immobilier, l’inclusion financière, la fixité du régime de change, la dollarisation, la faible intégration financière, la concentration du secteur bancaire, les conditions macroéconomiques (niveau d’inflation et rythme de croissance économique) et la soutenabilité budgétaire.
Au-delà de ces facteurs structurels communs, d’autres déterminants dont notamment les caractéristiques des banques sont susceptibles d’expliquer ce comportement hétérogène. Il convient de rappeler que Bank Al-Maghrib a modifié le taux directeur à 6 reprises durant la période de l’analyse. En revanche, la réserve obligatoire a été ramenée progressivement de 16,5% en 2006 à 2% en 2014 avant de s’établir à 4% en 2016. Dans un contexte marqué par la baisse du taux directeur durant ces dernières années, les résultats indiquent que les banques ont globalement répercuté cette baisse au niveau des taux des crédits appliqués aux entreprises, en particulier, ceux relatifs aux prêts immobiliers et à l’équipement.