CarrièreMaroc

Conseil supérieur de l’éducation. Un rapport accablant

Les rapporteurs de l’Instance nationale d’évaluation du système appellent les décideurs à observer les leçons tirées de l’opération de transfert des écoles normales supérieures et des écoles normales supérieures de l’enseignement technique aux universités. Le caractère hétéroclite des ces dernières ne favorisent pas les passerelles, et c’est ce qui favorise le privé, dont la structure intrinsèque a également beaucoup évolué.

Depuis l’adoption du système LMD (Licence, Master, Doctorat), aucune évaluation globale n’a été réalisée au niveau national pour identifier les acquis sur lesquels capitaliser et remédier aux limites et difficultés qui ont surgi lors de sa mise en œuvre, surtout au niveau des établissements à accès ouvert. Si, tout au long de cette période, quelques ajustements ont été introduits au rythme des changements des ministres en charge du département, ils n’ont pas pour autant offert une vision d’ensemble. C’est la mission que s’est donnée l’Instance nationale d’évaluation du système d’éducation, de formation et de recherche scientifique, affiliée au Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique, piloté par Omar Azziman. Ce dernier a établi une étude globale dans laquelle il décortique les failles de l’actuel système. Et la première remarque qui ressort est la prédominance du privé. La part des étudiants des établissements n’appartenant pas à l’université (la formation des cadres) a baissé d’un peu moins d’un point au profit de l’enseignement privé. Une comparaison fait ressortir qu’en 2017 les «établissements ne relevant pas de l’université» ont une taille moyenne inférieure au tiers de celle d’un établissement universitaire à accès régulé, et trente fois plus petite que celle d’un établissement universitaire à accès ouvert. Cette désertion s’expliquerait ainsi par le caractère hétéroclite du système universitaire. Ce dernier contribue à expliquer que les diverses composantes fonctionnent de manière fragmentée, sans passerelles. Il en résulte que la mobilité des apprenants ou encore la reconnaissance et la validation des acquis à l’issue de modules, de crédits, de stages, d’expériences diverses, etc. jalonnant les parcours professionnels s’en voient singulièrement limitées.

«Or, l’existence de passerelles est indispensable à l’exercice d’une orientation progressive facilitant à l’étudiant son cheminement en se réorientant, autant que de besoin, en vue de mener à bien un parcours répondant à ses attentes, que ce soit en termes de développement personnel ou d’acquisition de compétences et de capacités à entreprendre. Une seconde conséquence majeure découlant de la mise en œuvre de telles passerelles est la réduction des déperditions et du décrochage», affirment les rapporteurs de l’instance.

Paradoxalement, aujourd’hui, la validation des acquis et des enseignements ne parvient pas à se réaliser intra-muros entre les diverses composantes d’une même université, qu’elle soit à accès ouvert ou à accès régulé (mis à part le concours national commun pour les DEUG). De plus, le passage entre la formation professionnelle post-bac de technicien spécialisé et l’université ne se fait que dans de très rares cas, limités à quelques licences professionnelles. Il n’existe pas de texte réglementaire qui instaure cette passerelle et qui en définisse les modalités. Inversement, pour plusieurs raisons, l’étudiant n’ayant pas achevé ses études à l’université (surtout à accès ouvert) pour diverses raisons et/ou souhaitant opter, chemin faisant, pour un parcours professionnalisant n’a aucune possibilité de faire valoir ses acquis et les modules validés à l’université en vue d’intégrer un établissement dispensant une formation professionnelle de technicien spécialisé.

Le privé attire de plus en plus
Le privé est donc plus attrayant. Sa structure intrinsèque a elle-même évolué. Après avoir été dominé par le mono-établissement, le secteur de l’enseignement supérieur privé a connu un développement soutenu depuis 2010, suite à l’adoption des textes relatifs aux établissements privés (université et faculté privées) et à l’équivalence des diplômes. Le secteur a ensuite connu une deuxième vague de développement en 2014-2015 suite à la formalisation de la reconnaissance par l’État des établissements privés et de leurs diplômes et à l’institutionnalisation de l’approche partenariale entre l’État et les acteurs socio-économiques dans le cadre du partenariat public-privé.

Ainsi, les effectifs des étudiants inscrits dans des établissements relevant d’un partenariat public-privé (PPP) ont bondi de 1.047 à 6.030 étudiants entre 2014 et 2017, soit une progression annuelle moyenne de 79%. En outre, les effectifs des étudiants en formation à l’enseignement supérieur privé ont augmenté de 10% entre 2013 et 2017. Un constat aussi important traduit clairement le problème de massification dont souffre l’enseignement universitaire et l’absence de mutualisation entre cette composante et celle de la formation des cadres afin d’atténuer cette immense différence soulevée entre les différentes composantes de l’enseignement supérieur au Maroc. Pour cette composante des établissements ne relevant pas de l’université, 59% des étudiants suivent une formation scientifique et technique, 25% une formation pédagogique et 16% une formation économique, juridique, administrative ou sociale. Entre 2013 et 2017, le nombre d’étudiants inscrits en sciences et techniques a baissé d’environ 2,9%; cependant, le poids de toutes les autres disciplines en termes d’effectif a légèrement progressé à hauteur d’un peu plus de 0,4 point, durant cette même période, pour se situer à 7.302 en 2017. Dans le même temps, les effectifs de la filière économique, juridique, administrative et sociale progressaient de 15% entre 2013 et 2017.

En outre, l’effectif des étudiants en formation pédagogique a connu une chute de 32,7% entre 2016 et 2017, passant de 10.846 à 7.302 étudiants. Cette baisse s’explique par la forte diminution des nouveaux inscrits, soit -84,1%, (10.715 en 2016 contre 1.705 en 2017) en raison notamment du changement des modalités de recrutement par contrat des nouveaux enseignants de l’éducation nationale. Cette nouvelle contractualisation, qui a concerné plus d’une trentaine de milliers de personnes, exigeait en effet, a minima, une licence et non un diplôme des métiers de l’éducation. D’où l’effondrement des nouvelles inscriptions auprès de ces établissements, dans un contexte de réforme à travers la vision 2015-2030 qui sollicite plus de compétences pédagogiques qualifiées et de profils formés pour les métiers de l’éducation. Les domaines de l’éducation, de la santé et de la protection sociale se partagent équitablement plus du quart des effectifs. Il ressort également du graphique ci-dessous que près de 29% des étudiants sont inscrits soit en ingénierie, industrie de transformation et production, soit en agronomie. Le reste des effectifs, soit 20% du total, se répartit de manière quasi-égale entre les domaines d’étude suivants: lettres et arts; sciences sociales, commerce et droit; sciences. Une répartition similaire caractérise les effectifs de l’année 2017, mis à part une diminution d’environ 42% et 13% des inscrits dans les domaines, respectivement, de l’agriculture et de l’éducation. Il faudrait rappeler que la création des établissements ne relevant pas de l’université (et assurant la formation des cadres) a été un impératif lors des premières décennies qui ont suivi l’Indépendance, dans un pays qui amorçait son développement. Le besoin en formation se faisait pressant pour former et produire les cadres qui allaient constituer l’ossature et le moteur du fonctionnement de l’administration et de l’État. Parallèlement à la création de l’Université Mohammed V, ces établissements ont été placés sous la double tutelle de l’enseignement supérieur et d’autres ministères, et ont témoigné d’une volonté politique d’apporter au Maroc des lauréats bien formés qui allaient contribuer à son développement.

Unification du système
C’est ainsi que l’instance plaide pour l’unification du système, dictée par plusieurs impératifs, à savoir mutualiser les moyens et l’infrastructure et permettre la circulation des enseignants au profit d’un meilleur encadrement des étudiants, capitaliser sur les bonnes pratiques à la fois de ces établissements et des universités. Pour cela, la capitalisation des réussites de certains établissements, qui aurait un effet d’entraînement sur les autres, serait la ligne directrice de cette unification où les acquis, les avantages et les atouts s’additionneraient en dépassant les faiblesses des uns et des autres. Il s’agira donc de bénéficier de l’engagement et l’accompagnement nécessaires par les départements ministériels concernés. «Les facultés de médecine, de pharmacie et de médecine dentaire sont des exemples  de la communion du département de l’Enseignement supérieur et du département de la Santé, en faveur de ces établissements de l’université», indiquent les rapporteurs, qui appellent les décideurs à observer les leçons tirées de l’opération de transfert des écoles normales supérieures et des écoles normales supérieures de l’enseignement technique  aux universités. 



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