Pour la réalisatrice Haifaa Al-Mansour, «l’Arabie saoudite a changé»
Première femme réalisatrice d’Arabie saoudite, Haifaa Al-Mansour tire le portrait des jeunes femmes déterminées à briser les traditions avec un film en anglais, «Mary Shelley», en salles mercredi en France. Mais elle tournera en septembre à nouveau dans son pays natal, qui s’ouvre au cinéma. «L’Arabie saoudite a changé», assure-t-elle.
Première cinéaste à tourner dans son pays où le 7e Art est proscrit, Al-Mansour est une véritable pionnière. «Quand j’ai commencé à faire des films en 2005, avec mon premier court-métrage, les gens ne croyaient pas au cinéma en Arabie saoudite, les films y étaient interdits et il y avait beaucoup de ségrégation dans le pays, donc les gens disaient une femme qui fait des films, oh!!!», se souvient la réalisatrice de 43 ans, dans un entretien avec l’AFP.
Pour son premier long-métrage «Wadjda», en 2013 qui raconte l’histoire d’une fillette de douze ans qui veut s’offrir un vélo alors que ces objets étaient réservés aux hommes, la cinéaste passionnée avait dû tourner dans une camionnette, à l’abri des regards, et diriger les acteurs à l’aide d’un talkie-walkie.
«L’Arabie saoudite a changé par rapport à l’époque où j’ai tourné Wadjda», estime la cinéaste qui vit aujourd’hui à Los Angeles avec son mari américain et leurs enfants.
«Maintenant, nous avons un fonds pour le cinéma qui soutient mon prochain projet, qui s’appelle «Le Candidat parfait», sur une jeune doctoresse saoudienne qui décide de se présenter à une élection municipale», dit-elle. Un film dont le tournage commencera en septembre.
«Je pense que je ne serai plus dans la camionnette», sourit-elle.
Acclamé par la critique, premier film saoudien à concourir pour l’Oscar du meilleur film étranger en 2014, «Wadjda» a ouvert bien des portes à Haifaa Al-Mansour, et notamment celles de Hollywood.
«Je ne m’attendais pas à ça», reconnaît la cinéaste, formée à l’Université américaine du Caire, puis à l’Université de Sydney où elle a décroché un master en cinéma.
Tourné entre l’Irlande, le Luxembourg et la France, «Mary Shelley» raconte la vie de Mary, une jeune fille qui tombe amoureuse, qui refuse les traditions et qui cherche qui elle est vraiment. Elle a ensuite écrit «Frankenstein», devenu un livre culte mais publié anonymement à l’époque, dans une société qui laissait encore une place restreinte aux femmes de lettres.
«L’histoire de cette femme, qui écrit quelque chose de si original et qui n’a pas son nom sur la couverture, je ne pouvais pas ne pas la raconter. Je me suis dit que c’était définitivement un film pour Haifaa», dit-elle.
Pour la réalisatrice, qui dit aimer vivre à Los Angeles, il reste néanmoins «très important de faire des films en Arabie saoudite, particulièrement au moment où le pays se lance dans le 7e Art et autorise l’ouverture de salles de cinéma». «Ce sera merveilleux de faire partie de l’évolution du cinéma dans le pays», ajoute-t-elle.
Pays ultraconservateur, l’Arabie saoudite s’est engagée, sous l’impulsion du prince héritier Mohamed ben Salmane, dans une série de réformes visant à une plus grande participation des femmes dans la vie économique et sociale. Des femmes, autorisées à conduire dans le royaume depuis le 24 juin, mais qui restent sous tutelle masculine.
Le prince héritier a levé l’interdiction des salles de cinéma et autorisé les concerts mixtes, et le pays a annoncé son ambition de se lancer dans le 7e Art.
Tout en reconnaissant que son pays est «toujours très conservateur», elle relève que «maintenant, où que vous alliez en Arabie saoudite, il y a des concerts et des lieux de spectacle, et les femmes travaillent».