Opinions

IDE : Attention aux risques !

La presse nationale n’a pas manqué de relever, sur la base des données publiées par l’Office des changes, la baisse des investissements directs étrangers (IDE) au cours du premier trimestre 2018, établis ainsi à 4,32 MMDH, contre 5,68 MMDH lors de la même période de l’année précédente, soit un recul de 24%. Une telle évolution sur un trimestre ne permet pas de dégager une tendance durable et, par conséquent, d’en tirer des conclusions quant à l’attractivité de l’économie marocaine. Seule une analyse des chiffres sur une période plus ou moins longue serait de nature à apporter des éléments de réponse. Ainsi, sur la période 2003-2017, on constate une évolution en dents de scie des IDE qui sont passés respectivement de 22 à 25 MMDH en dégringolant à 10 MMDH en 2004 et en culminant à 31 MMDH en 2015. Le montant moyen sur les 15 années s’élève à 21, 5 MMDH. Il s’agit de flux nets obtenus par la différence entre les rentrées et les dépenses. Les premières enregistrent une moyenne annuelle durant la période considérée de 31 MMDH (chiffres légèrement arrondis). Quelle signification donner à ces chiffres ? Que l’on prenne les flux bruts ou les flux nets, ils demeurent, somme toute, modestes même s’ils placent notre pays dans le peloton de tête au niveau du Continent africain. Comparés aux flux des IDE au niveau international, de l’ordre de 1750 MM $ et dont 60% vont à destination des pays développés, ils ne représentent pas plus de 0,2% !! Mais, placés dans le contexte marocain, ils sont loin d’être négligeables puisqu’ils représentent 10% de l’investissement national et 3% du PIB. Il est à noter cependant que les flux des IDE connaissent pour la deuxième année consécutive une tendance baissière au niveau mondial: -2% en 2016 et -16% en 2017, sachant que cette baisse touche davantage les PVD. Il est à craindre, toutefois, qu’elle se poursuivra à l’avenir à cause des perturbations du commerce mondial causées par la politique de Donald Trump et la guerre commerciale qui se profile à l’horizon, ayant comme toile de fond la lutte pour le leadership entre le «rêve chinois» en ascension et «l’american dream» en déclin. Dans cette perspective, des centres d’analyse sérieux n’écartent pas l’hypothèse d’une guerre commerciale totale dont les répercussions seraient catastrophiques pour l’économie mondiale. Ainsi, dans l’hypothèse d’un relèvement des droits de douane à 60% sur les produits manufacturiers, la perte du PIB pour les USA, la Chine et l’UE serait comprise entre 3 et 4 points. Pour d’autres pays plus ouverts sur le commerce mondial comme le Mexique, la Suisse, la Corée du Sud ou le Canada, les pertes seraient supérieures à 10 points. Pour la France, la perte serait de 3,3%. On le voit, plus une économie est ouverte sur le marché mondial, plus elle est exposée aux risques. Il convient cependant de tirer les leçons pour notre pays qui n’est pas à l’abri de ces guerres commerciales. L’impact serait à la fois direct et indirect. L’impact direct concernerait nos exportations industrielles comme les voitures et l’électronique. L’impact indirect s’exercerait par le biais de la contraction de la demande extérieure adressée à notre pays en plus d’une poursuite de la baisse des IDE. C’est pour cela qu’il fallait être prudent en matière d’ouverture sur le marché mondial et marcher toujours sur ses deux jambes en gardant l’équilibre entre marché intérieur et marché extérieur. Tout comme d’ailleurs le recours aux IDE nonobstant leur effet bénéfique indéniable, surtout quand ils sont accompagnés par un transfert de technologie et effectués dans des secteurs créateurs de valeur ajoutée et dans une logique «win-win». On ne doit jamais perdre de vue cette phrase de Ragnar Nurske qui termine son ouvrage sur «Les Problèmes de formation du capital dans les pays sous-développés» : «Capital is made at home», écrivait-il. Bien que ce livre remonte à 1953, l’idée exprimée par l’auteur reste toujours d’actualité. Ce qui signifie que l’effort doit rester toujours interne et l’apport extérieur doit être circonscrit dans des limites raisonnables. Car les ressources existent, il faut simplement une politique volontariste pour les mobiliser. Le pire n’est jamais sûr, mais mieux vaudrait s’y préparer !

Abdeslam Seddiki 
Économiste, ancien ministre de l’Emploi et des affaires sociales



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