Rapport sur les prix des carburants : Un coup pour rien ?

Des doutes planent sur la qualité du rapport de la mission parlementaire sur les prix des carburants. Plusieurs données auraient été supprimées du document final qui est visiblement le fruit d’un consensus entre les différentes sensibilités politiques après une longue bataille parlementaire.
Les conclusions de la mission sur la détermination des prix de vente des carburants au public et la réalité des conditions de concurrence dans le secteur des hydrocarbures, seront enfin présentées en commission le 15 mai ! Le contexte actuel marqué par le mouvement de boycott de certains produits a visiblement contraint la 1ère Chambre à programmer cette réunion de la Commission des finances et du développement économique, après un grand retard accusé en la matière. Le rapport de la mission exploratoire a été remis au bureau de la Chambre des représentants, il y a plus de deux mois. Mais, sa discussion en commission était ajournée à cause de la nature du dossier et des conflits ayant éclaté entre les groupes parlementaires autour de ce sujet. La mission du président de la commission, Abdellah Bouanou, n’a pas été de tout repos face aux réticences affichées par les parlementaires, notamment ceux du RNI et du PAM. Il faut dire que le dossier est très sensible sur le plan politique, comme en atteste les réserves ded parlementaires contactés par les Inspirations ÉCO qui préfèrent ne pas se prononcer sur le sujet pour le moment. Le député du PAM, Abdellatif Ouahbi, pointe du doigt les pressions exercées par certains parlementaires pour défendre les intérêts de certaines parties. Même son de cloche auprès du parlementaire du PJD, Abdellatif Berroho, qui affiche ses doutes quant à la qualité du rapport. Ce document comporte-t-il toutes les conclusions constatées par les membres de la mission exploratoire ? Va-t-il réellement dévoiler toute la vérité sur le secteur ? Le doute plane sur la pertinence des résultats finaux qui vont être rendus publics. À en croire quelques sources internes, des données importantes ont été supprimées sur demande de certains membres de la commission, comme les informations officielles sur la structure des prix des carburants, la relation entre les prix d’achat à l’international et le prix de vente dans les stations-service et l’augmentation des bénéfices des sociétés pétrolières depuis la libéralisation du secteur. Des discussions très musclées ont marqué la phase de la rédaction du rapport parlementaire qui est le fruit d’un consensus entre toutes les sensibilités politiques représentées au sein de la commission, soit tous les groupes parlementaires. Or, le consensus tue la vérité et l’efficacité et conduit à une distorsion du raisonnement et, par conséquent, à des résultats biaisés. La Chambre des représentants est désormais face à une rude épreuve. Outre les constats, les recommandations des parlementaires sont très attendues. Et même cette partie-là du rapport aurait fait l’objet de discussions animées.
Dès le départ, la mission exploratoire a été marquée par un bras de fer serré. Rappelons que c’est le groupe parlementaire du PJD qui a été à l’origine de cette initiative. Sa demande date de juin 2017. Abdellah Bouanou a été élu président de la commission le 7 août dernier après de vives tensions entre les groupes parlementaires. Il a fallu attendre le 28 septembre pour la tenue de sa première réunion. Le lancement des travaux a piétiné pendant de longues semaines, voire des mois. Ce n’est qu’à la fin de février que le rapport a été établi alors que le règlement intérieur fixe le délai de soumission du rapport au bureau de la chambre en deux mois seulement. Le retard accusé par les représentants de la nation, tant dans le lancement des travaux de leur enquête parlementaire que dans l’annonce de ses résultats, est injustifié d’autant plus que le dossier est d’une actualité brûlante. Il a suscité des débats animés en séance parlementaire plénière de cette semaine. Une grande responsabilité incombe aussi au gouvernement. Les conclusions de l’enquête du comité de veille sur les prix des carburants se font toujours attendre. L’Exécutif est appelé à communiquer à l’opinion publique les détails de cette enquête ainsi que les conditions de son déroulement, d’autant plus que les enquêteurs se sont heurtés à quelques réticences de la part des professionnels. Jusque-là, aucune action phare n’a été lancée par l’Exécutif qui entend agir sur les règles de concurrence en misant sur la plateforme digitale «Mahatati» et révisant l’arsenal juridique.
Abdellatif Berroho
Député du PJD
Le retard est avéré dans les travaux de la mission exploratoire et l’annonce des résultats. Cette problématique est purement politique. Le rapport ne doit pas comporter que les constats qui sont déjà connus, mais il faut apporter de véritables solutions. Je crains que le rapport soit vide en raison de la politique de consensus qui a prévalu dans sa rédaction».
Abdellatif Ouahbi
Député du PAM
Les débats ont été très longs au sein de la commission. Certains ont défendu les intérêts de certaines parties. Le conflit entre les composantes de la commission est à l’origine du retard. Dans le dossier des carburants, une grande responsabilité incombe au gouvernement qui a été incapable de prendre des décisions, car il préfère protéger ses alliés».