Riches lois, pauvre pratique
Malgré l’existence d’un arsenal juridique important, la pratique de la démocratie participative via les motions et les pétitions reste timide sinon inexistante. La société civile a besoin de formation et d’accompagnement pour une action participative saine loin d’une confrontation avec les conseils élus et proche des préoccupations des citoyens.
Counterpart international avec l’appui de l’USAID a organisé, mardi à Skhirat, une conférence internationale sur la participation citoyenne au processus de prise de décision au Maroc. Cette inclusion des citoyens est au cœur de la démocratie participative garantie par la Constitution dans ses articles 13, 14, 15 et 139 notamment ainsi que les engagements internationaux du royaume. Toutefois, malgré un arsenal juridique très avancé notamment la loi organique sur la présentation des pétitions par les associations et les citoyens, l’adaptation du règlement intérieur du Parlement à la réception et au traitement de ces pétitions, la machine peine à démarrer.
À titre d’illustration, la région de Rabat-Salé-Kénitra, n’a pas encore reçu la moindre pétition de la part des ONG concernant ses programmes. C’est aussi le cas dans d’autres régions et collectivités territoriales. La culture de la démocratie participative semble mettre du temps pour s’ancrer dans les mœurs. Dans ce sens, Mustapha El Khalfi, ministre chargé des Relations avec le Parlement et la société civile, a indiqué que le défi aujourd’hui, c’est de traduire les lois en action. Interrogé par les Inspirations ÉCO, le ministre a expliqué que l’enjeu est de former les associations à cet enjeu tout en s’engageant dans une réforme de la loi portant création des associations devenue désuète et enfin rapprocher les vues entre élus et acteurs associatifs. Selon le ministre, il y a encore une mentalité conservatrice qui persiste chez certains élus qui n’arrivent toujours pas à intégrer le droit des citoyens et des associations à avoir un droit de regard sur les décisions et les politiques locales. Cela n’exclut pas l’engouement des associations pour cet outil de participation qui devra jouer un rôle prépondérant en matière de développement, d’équité et de promotion de l’approche genre. Sans perdre de vue les aspects prospectifs portant sur des secteurs clé comme la santé, l’éducation et les droits politiques et culturels. C’est dans cette approche que la Direction générale des collectivités locales en partenariat avec l’USAID organise des rencontres régionales autour de la démocratie participative. Un guide de formulation et de préparation et présentation des pétitions sortira bientôt pour faciliter les procédures aux ONG. Dans cette dynamique d’ouverture des institutions élues aux citoyens et ONG, la loi organique des régions stipule la mise en place de trois instances consultatives portant sur les associations, les acteurs économiques et les jeunes. Pour Stephanie Miley, chargée d’affaires à l’ambassade des États-Unis à Rabat, l’implémentation de la démocratie participative est un long processus dans la mesure où aucune démocratie n’est parfaite. Chaque pays a sa propre approche pour intégrer le citoyen dans les politiques publiques. À New Delhi (Inde) par exemple, une expérience unique a donné ses fruits grâce au concept du Citizen reports Cards, une sorte de bulletins qui évaluent le travail du gouvernement et des élus dans pratiquement tous les services et actions publiques. Au Maroc, la question des moyens revient avec insistance comme l’a si bien glissé Ahmed Dahmani, président de l’association Mouvement alternative citoyenne. Il a à ce propos indiqué qu’il faut 6.000 experts pour assister les collectivités à formuler leurs plans de développement alors que les associations peuvent être une alternative à ce manque de moyens humains.
Dans cette perspective, Samir Chaouki, directeur des Inspirations ÉCO a mis en exergue l’importance des régions aujourd’hui «en tant que base de règne en liaison avec la démocratie participative». Sur la base des résultats des caravanes régionales que ce groupe de presse a mené en 2016 et 2017, le responsable a regretté le manque d’intégration de la société civile dans le processus de prise de décision. C’est ce qui amène le député PJD, Reda Boukmazi à s’interroger sur la capacité des lois et des dispositions multiples de la démocratie participative à satisfaire les attentes des citoyens. Dans une approche territoriale, est-ce que l’élu participe effectivement dans la prise de décision locale en matière de développement et de politique publique ? Boukmazi pose une question sensible liée au rôle des élus face à une centralité qui à la peau dure. Cette situation n’est pas sans provoquer des tensions entre l’élu local avec ses capacités limitées et la société civile qui veulent participer activement au processus démocratique. N’empêche que des expériences réussies montre le chemin comme celle du Conseil régional de l’Oriental, qui a bien mis en application le principe que les instances consultatives doivent être présidées par des acteurs associatifs et non comme stipulé par un membre du bureau élu. Le conseil applique aussi le principe inclus dans le règlement intérieur portant sur les rencontres publiques avec les citoyens et les associations comme un acte de démocratie participative.