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L’Ordre des avocats refuse de partager les prérogatives

Les instances professionnelles se tournent vers leurs propres membres qui «louent leurs en-têtes» aux agences de recouvrement. Des actions judiciaires en vue…

La guerre du recouvrement est ouverte entre les avocats et les sociétés spécialisées. Ces dernières étant accusées d’accomplir des procédures faisant partie du «monopole» légal des robes noires. Et si la note publiée par le barreau de Rabat (Cf. Les Inspirations ÉCO du 20 février) indiquait seulement aux «membres de la profession» à agir pour «débusquer ces entités et d’en livrer les coordonnées aux instances professionnelles, pour qu’elles agissent auprès des autorités», le bâtonnier de Casablanca n’a pas hésité à viser ses propres collègues, dont certains «loueraient leurs en-têtes ou signes des documents à blanc pour les sociétés de recouvrement». Une pratique «anti-déontologique» et qui les expose à des «sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’à la radiation». De ces pratiques résulte souvent un harcèlement «illégal» du débiteur. Cela peut se matérialiser de différentes manières, comme par exemple des appels téléphoniques répétitifs (parfois tardifs, se poursuivant même le week-end), le fait d’informer l’entourage du débiteur de l’existence de ses dettes, l’usage d’un ton menaçant, l’envoi de courriers comprenant des en-têtes suscitant la crainte, le fait de menacer d’envoyer des huissiers au domicile du débiteur pour saisir les biens, alors que cette menace est purement gratuite et n’a aucune raison d’être, car un huissier ne peut opérer une saisie en l’absence d’un titre exécutoire délivré par un juge… L’Ordre des avocats prévoit toutes sortes de poursuites. Sur le plan civil, tout d’abord, car les abus des sociétés de recouvrement sont de nature à entraîner l’engagement de leur responsabilité civile délictuelle ou quasi délictuelle, dès lors qu’une faute de leur part aura occasionné un préjudice chez le débiteur.

Sur le plan pénal, certains comportements abusifs des sociétés de recouvrement sont susceptibles de revêtir de multiples qualifications pénales. L’infraction d’abus de confiance tout d’abord lorsque, par exemple, la société conserve le montant des créances recouvrées ou encore lorsqu’elle facture des frais au débiteur. Il est également possible d’envisager le délit d’usurpation d’identité, c’est-à-dire le fait pour toute personne «d’exercer une activité dans des conditions de nature à créer dans l’esprit du public une confusion avec l’exercice d’une fonction publique ou d’une activité réservée aux officiers publics ou ministériels», mais aussi «d’user de documents ou d’écrits présentant, avec des actes judiciaires ou extrajudiciaires ou avec des actes administratifs, une ressemblance de nature à provoquer une méprise dans l’esprit du public». Cette poursuite pourrait être envisagée dès lors qu’une société de recouvrement qui, rappelons-le, ne peut agir que sur le terrain amiable, userait de lettres de relance qui ressembleraient à des actes d’huissiers de justice (sommation ou commandement de payer).

Enfin, dans l’hypothèse où les sociétés de recouvrement feraient preuve d’un comportement trop agressif, elles seront susceptibles d’être poursuivies pour abus de faiblesse, voire de violence.Et si la réalité du marché pousse les créanciers à s’orienter vers les sociétés de recouvrement, vu le mode de tarification «au résultat», les robes noires opposent la responsabilité professionnelle. Les outils mis en œuvre par un avocat sont les mêmes que ceux du créancier en personne ou d’une agence spécialisée : téléphone, courrier simple (postal, mail…), discussion face-à-face, courrier recommandé… «Leur potentiel d’efficacité est cependant accru par le statut de l’avocat, et notamment par ses obligations légales de confidentialité, encadrées par le secret professionnel», explique un membre du barreau de Casablanca. Et d’ajouter : «Normalement, un débiteur se sent généralement plus en confiance avec un membre du barreau qu’avec tout autre interlocuteur. Cette aura spécifique est d’ailleurs l’un des motifs pour lesquels une société de recouvrement pourra proposer à un client de mandater un avocat en cas de blocage». Dans un contexte de situation financière particulièrement délicate, les échanges entre débiteur et avocat, sous le sceau du secret, permettront en effet bien souvent de convenir de modalités de règlement (échéancier ou autres) acceptables par les deux parties, sans pour autant mettre en péril la pérennité.



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