La triple victoire du Maroc
Le Maroc a remporté le Championnat d’Afrique des Nations des joueurs locaux (CHAN). Cette victoire dépasse le terrain sportif. Bilan
Au départ de cette compétition, le scepticisme du public marocain régnait en maître. Sur un plan sportif, les fans de la Botola maudissaient déjà le CHAN car il a déstabilisé la programmation du championnat. Sur le plan de l’organisation, les craintes était présentes (et justifiées) surtout pour le stade Mohammed V où les travaux se poursuivaient à quelques heures du match d’ouverture. Et sur le plan populaire, les Marocains affichaient un certain désintérêt pour cette compétition. Les irréductibles du Raja ou du WAC appelaient même au boycott. Malgré ces craintes, cette compétition fut un succès sur les trois plans. Au grand bonheur de tout le monde.
Une victoire sportive
Le dernier grand titre africain du Maroc remonte à 1997 lors du Championnat d’Afrique des juniors. Pour trouver un autre titre continental, il faut remonter à…1976. C’est dire que le football marocain n’a pas brillé depuis des lustres sur les terrains africains. C’est pour cette raison que ce titre du CHAN est le bienvenu. Une performance sportive à domicile grâce à une équipe nationale soudée et disciplinée. Les Botololistes ont montré leur talent et surtout leur discipline tactique. Avec un Jamal Sellami aux commandes, le Onze national a démontré une cohérence et une régularité sur les 7 matchs de cette compétition africaine. Avec 16 buts, le Maroc termine comme meilleure attaque. Grâce au football plaisant des Lions de l’Atlas et à la découverte de ce CHAN, Ayoub El Kaabi. L’attaquant de la Renaissance sportive de Berkane (24 ans), avec ses 9 buts en six matchs, a fait voler en éclats tous les records. Le jeune attaquant frappe à la porte de l’équipe A. Grâce au CHAN, nous avons redécouvert la puissance et la «grinta» d’un Hadraf qu’on disait en fin de carrière et une solidité défensive du trio Yamiq-Benon-Akred. Cette cuvée de joueurs issus de la Botola aujourd’hui arrivés au top de leur niveau devraient confirmer avec leurs équipes et permettre à la Botola de monter en gamme. Rendez-vous à la reprise hivernale.
Une victoire de l’organisation
Le 15 octobre 2017, le Maroc remplace in extremis le Kenya pour l’organisation du 5e CHAN. Le FRMF ne pouvait refuser cette occasion pour confirmer son leadership sur le continent, surtout depuis l’affaire de la CAN 2015. En deux mois et demi, le Maroc a mis les bouchées doubles pour réussir à recevoir 16 équipes et 32 matchs. Ce CHAN a certes pénalisé la Botola, à cause des fermetures des stades mais l’arbitrage en a voulu ainsi. Le Maroc y gagne aussi. Le royaume a montré son savoir-faire et utilisé ses infrastructures sportives (les stades d’Agadir, Marrakech et Tanger), insuffisamment utilisées. Aujourd’hui, c’est choses faite mais la mission n’était pas de tout repos. «Tous les éléments n’étaient pas de notre côté. Tout au long du tournoi, nous avons disputé les matchs avec un temps pluvieux et venteux», explique Hamza El Hajoui, président délégué du Comité d’organisation local du CHAN 2018. Pour couronner le tout, les conditions climatiques le jour de la finale ont donné des sueurs froides aux organisateurs. «Le climat, c’était l’horreur mais disons que c’est la malchance du gagnant», relativise El Hajoui.
Une victoire pour l’Afrique
À l’exception de la CAN 1988 et la CAN U20 en 1997 et U17 en 2013, le Maroc n’a pas toujours cherché à organiser des compétitions africaines de football. Le royaume misait sur l’organisation d’une Coupe du monde, mais sans succès. Aujourd’hui, changement de stratégie. Accueillir l’Afrique sportive intéresse le Maroc. «Nous sommes heureux d’accueillir la jeunesse africaine et contribuer au développement du football sur le continent», se réjouit Fouzi Lakjaa, président de la FRMF, lors de l’AG de la CAF. Et de présenter ses excuses : «Au nom de la famille marocaine, je réitère nos excuses sincères s’il y a eu manquements lors de cette organisation». Cet accueil humble et professionnel permet au Maroc de se positionner pour l’organisation de la CAN 2019 en cas de désistement du Cameroun, mais surtout de gagner la confiance de pays africains lors du vote du congrès de la FIFA pour l’organisation de la Coupe du monde 2026.
La compétition en chiffres
32
matchs
16
équipes
480.000
spectateurs
15.000
spectateurs par match
600
journalistes de 43 nationalités
Le bon deal financier de la CAF
La CAF demeure le principal gagnant en termes de recettes financières. Si le budget de cette compétition n’a pas été encore dévoilé, il est composé de la contribution du gouvernement (Jeunesse et sport) et la FRMF, en plus du sponsor de la compétition (Total). Côté recettes, les droits marketing sont versés à la CAF, via son agence Lagardère. Plusieurs entreprises marocaines ont accompagné cette compétition (Sidi Ali, Kettani Immo, Maroc Telecom, etc.). La billetterie ne devrait pas drainer de grandes recettes à cause de la distribution gratuite des tickets. Est-ce que le Maroc a acheté ces billets ? Dans tous les cas de figure, la CAF est sortie gagnante. À titre d’exemple, pour le CHAN 2014, les revenus tirés par la CAF de cette compétition était de 1 million $, contre des dépenses de 220.000 $.
«Capitalisons sur ces acquis»
Hamza El Hajoui
Président délégué du comité d’organisation local du CHAN 2018
Les Inspirations Éco: Êtes-vous satisfait de la qualité de l’organisation du CHAN 2018?
Hamza El Hajoui: : Oui, très satisfait, d’autant plus que nous avions eu à surmonter un double défi. Le premier est technique et logistique. Je rappelle que ce tournoi comptait 16 équipes, donc sur le modèle de la CAN. Il s’agissait de faire le même travail pour cette compétition, tout en étant pointilleux et cherchant la perfection. Je rappelle que le stade de Tanger posait un problème d’éclairage, et celui de Casablanca un souci de position (géographique). Au final, la compétition s’est bien passée sur les quatre terrains. Les déplacements des équipes se sont faits dans de bonnes conditions et sans couacs. Les problèmes que l’on a l’habitude de rencontrer dans ce type de compétitions était réduits au maximum.
Quel était votre deuxième défi ?
Il fallait remplir les stades. Le Marocain connaissait le CHAN, mais sans savoir vraiment de quoi il s’agissait. Comme dit le président de la CAF, le CHAN est le fils de la CAN; on connaît le père mais pas le fils. Donc, c’était compliqué du point de vue du public. Pour cette raison, nous avons lancé une campagne de communication dans le cadre de notre stratégie globale d’organiser une compétition internationale. Au final, les chiffres parlent d’eux-mêmes: nous avons eu 480.000 spectateurs pour 32 matchs, soit une moyenne de 15.000 spectateurs par rencontre. Cette affluence est similaire à celle de la CAN.
Peut-on dire que cette CHAN était un rodage pour des compétitions plus importantes ?
C’était plutôt une manière de ne pas répéter les fautes que l’on a commises. De mon de point du vue, certaines choses n’ont pas été à la hauteur et on pouvait faire mieux.
Par exemple ?
Le transport des supporters pour les trois premiers matchs dans les trois grandes villes, hors Casablanca, faisait défaut. Pour cette raison, nous n’avons pas eu le public attendu. Nous avons rectifié le tir et amélioré la présence du public pour la suite du tournoi. Le point important pour nous est d’avoir montré notre savoir-faire et nos grands stades. Capitalisons sur ces acquis.