Comment arriver à une école de l’équité
Le rapport présenté hier par le Conseil supérieur de l’éducation sur les métiers de l’éducation a mis l’accent sur le facteur humain pour un nouveau modèle économique. L’héritage social -la famille entre autres- participe à raison de 80% au niveau éducatif de l’élève contre 20% concernant l’impact de l’école, selon le conseil.
La 13e session du Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique a été spéciale à plus d’un égard. Lors d’une conférence de presse tenue hier à Rabat, le secrétaire général du conseil a souligné que cette session a été l’occasion de confirmer la volonté d’amélioration du rendement de l’institution et le renforcement des partenariats avec les départements concernés. À cet égard, trois conventions ont été signées concernant l’échange des informations et des documents avec les partenaires. Plusieurs autres axes ont fait l’objet de débats durant cette session, à savoir le renforcement des prérogatives du conseil en liaison avec la réflexion nationale autour du modèle économique. Dans ce sens, l’angle retenu est celui d’une école basée sur l’équité et l’égalité des chances. Secundo, le rapport du Conseil sur les métiers de l’éducation en tant que vecteur de la réforme de l’école. Tertio, l’ouverture sur les activités d’évaluation internationales, principalement en sciences et en mathématiques, sur la base du rapport TIMSS de 2015. Quarto, mener une réflexion profonde sur les rôles du conseil, trois années après sa création.
Le rapport sur les métiers de l’éducation, présenté par Rahma Bourqia, directrice de l’Instance nationale d’évaluation relevant du conseil, s’appuie justement sur le principe d’une école pour la justice sociale dans le cadre de la réflexion globale sur le modèle économique du pays. Il s’agit de voir comment les inégalités sociales et d’accès à l’école peuvent impacter le modèle économique. Un constat s’impose d’emblée: les élèves ne sont pas égaux face à l’école, socialement parlant. Pour Bourqia, ces inégalités ne sont pas acceptables car elles altèrent le principe même d’égalité d’accès à l’enseignement, et partant d’égalité des chances. Certes, souligne la responsable, il y a eu des avancés démocratiques avérées surtout depuis l’adoption de la Constitution de 2011, mais l’école en constitue toujours une entorse.
À cause des inégalités éducatives, les pertes en développement sont de l’ordre de 45,8% selon un rapport du PNUD de 2015. Le modèle économique est tributaire de la manière dont on traitera ces inégalités. L’héritage social -la famille entre autres- participe à raison de 80% au niveau éducatif de l’élève contre 20% concernant l’impact de l’école, selon le conseil. L’on constate aussi un clivage entre le privé et le public en matière d’éducation, qui débouche sur une sorte de ségrégation sociale. Le système éducatif reste ainsi largement non inclusif, sans compter la faiblesse d’intégration des enfants à besoins spécifiques et le taux d’abandon qui reste élevé et coûte plus de 2 MMDH au budget de l’État. L’enseignement supérieur a aussi été rattrapé par ce clivage public-privé. Tous ces facteurs assènent un coup au principe de méritocratie, et sont assortis d’un coût social et économique incontestable.
Le conseil recommande de commencer par juguler les sources de l’analphabétisme et mieux cibler les programmes de soutien comme Tayssir, Un Million de cartables… via une approche préventive. L’on recommande aussi de parvenir à un enseignement obligatoire de 4 à 15 ans qui soit équitable et de qualité et, surtout, susciter la curiosité des élèves avec un bon socle commun de connaissances pour tous. Quant à la formation professionnelle, il faut qu’elle soit plus flexible pour changer d’orientation facilement, avec des troncs et des passerelles entre spécialités. Mais le plus important dans cette approche est de faire en sorte que tous s’approprient l’école, ce qui passe par une gouvernance de proximité et le renforcement du pouvoir de décision du directeur de l’école et du staff pédagogique. Tout cela pour dire que le capital humain est le seul à même de permettre un développement économique sur la base d’une constructions des capabilités, et à leur tête l’éducation. Il faut aussi donner de l’importance aux langues arabe et amazighe, sans oublier les langues étrangères. Toutes ces réformes versent dans l’ancrage d’une classe moyenne solide et large à même de renforcer le développement du pays. Enfin, il va falloir réfléchir aux changements dans les métiers que connaîtra le monde, sachant que 65% des élèves qui accèdent à l’école aujourd’hui exerceront des métiers non encore connus. C’est donc aujourd’hui qu’il faut se pencher sur les métiers de l’enseignement sur la base de la professionnalisation, de l’école l’indépendante et surtout d’une vraie culture de l’évaluation.