Les producteurs et les importateurs signent la paix
Les céramistes (producteurs et importateurs) viennent de formaliser leur réconciliation après plus d’une décennie de querelles. Une déclaration de principe permet de fixer les priorités de la collaboration. Il s’agit notamment de mettre de l’ordre chez les importateurs et d’instaurer des mécanismes de coopération pour la conquête des marchés local et externe.
Fin des querelles intestines chez les céramistes! Producteurs et importateurs ont mis un terme à près de 12 ans de guerre médiatique en adoptant récemment un «gentlemen’s agreement» fixant les pistes de collaboration entre les deux professions. Les industriels, représentés par l’Association professionnelle des industries céramiques (APIC), et les importateurs, représentés par l’Association nationale des professionnels de la céramique et du second œuvre (APISA), ont décidé de travailler conjointement pour mieux répondre aux besoins du marché local et conquérir les marchés extérieurs. Un premier signe d’apaisement est intervenu mi-novembre avec le retrait de la requête de l’APIC pour l’application de mesures antidumping à l’encontre de céramiques importées d’Espagne. Une affaire qui l’opposait à l’APISA devant le département du Commerce extérieur depuis 2015. «Nous avons préféré laisser dernière nous ce chapitre et mettre en avant l’intérêt du consommateur marocain qui se manifeste dans la collaboration entre nos deux associations», explique Mohsine Lazrak, président de l’APIC. «Nos positions demeurent constantes au sujet du dumping: nous estimons qu’il n’y pas de dumping sur les importations en provenance d’Espagne, et l’APIC prétend toujours que ce dumping existe, mais tout cela est derrière nous, et le mot d’ordre est désormais celui de la synergie et de la confiance», explique pour sa part Youssef Belkaid, président de l’APISA. L’enquête, qui a d’ailleurs été définitivement enterrée par le Secrétariat d’État chargé du commerce extérieur, n’aura en tout cas pas permis de trancher sur l’existence ou non de pratiques déloyales.
Programme de coopération
La déclaration de principe signée par les deux associations professionnelles vient formaliser les engagements entre les deux associations. Les parties s’engagent à organiser au minimum deux réunions par an dans le but d’aborder les difficultés qu’elles peuvent rencontrer dans le cadre de leurs activités sur le marché national et à l’export ainsi que les actions ou projets qui pourraient être mis en œuvre pour favoriser le développement d’activités communes et renforcer la coopération entre elles. «La prochaine étape consiste à désigner les membres du comité de suivi de l’accord», explique Belkaid.
Le respect des règles de la concurrence et le partage d’informations entre les deux professions est d’ailleurs au centre de ce nouvel deal. Les parties s’engagent à échanger toute information non confidentielle concernant tout salon, foire à l’export ou autre événement dans le secteur des carreaux céramiques. «Toute information non confidentielle permettant aux parties d’améliorer leurs activités devra également être mise en avant. Cet échange d’informations devrait favoriser un dialogue et des démarches communes pour mettre en avant l’intérêt national», peut-on lire dans la déclaration de principe adoptée par les deux associations.
Les deux parties veulent conquérir ensemble les marchés interne et externe. À ce titre, les opérateurs actifs sur les marchés à l’export, qu’ils soient membres de l’APIC ou de l’APISA, s’engagent, sur la base de leurs meilleurs efforts et autant que possible, à réfléchir à des démarches et synergies de nature à privilégier le partenariat marocain pour faire du Maroc une plateforme continentale unique de la céramique sur les marchés extérieurs, en particulier sur les marchés africains et dans la zone MENA. Les deux parties veulent aller plus loin en produisant une étude prospective de positionnement du secteur des carreaux. Cette étude devrait aboutir à un plan d’action à mettre en oeuvre pour permettre au secteur de renforcer son positionnement sur le marché domestique et sur les marchés d’exportation. Les parties entendent solliciter le Secrétariat d’État chargé du commerce extérieur (SECE) pour leur fournir l’appui à la réalisation de cette étude.
Les importateurs surveillés
L’un des principaux axes du nouveau deal entre producteurs et importateurs est de parvenir à la professionnalisation du métier d’importateur de carreaux céramiques. «Il faut en finir avec les perturbateurs, les importations intempestives et la contrebande. C’est pourquoi nous allons mettre en place conjointement un statut d’importateur de carreaux qui agira comme un label imposant ses propres exigences», explique Lazrak. Ce cahier des charges fixera les exigences minimales relatives aux spécificités techniques des marchandises et aux capacités matérielles, organisationnelles et humaines à respecter par les importateurs de carreaux céramiques. Dans ce sens, l’APIC et l’APISA entendent entamer une démarche auprès des autorités compétentes pour mettre en place les moyens de lutte contre la contrebande de carreaux. Les parties se sont également engagées à promouvoir la production nationale. Il est d’ailleurs particulièrement intéressant de noter que l’APISA, qui représente les importateurs, s’engage à mettre en avant la production locale dans le marché national et à l’international, et à promouvoir le label Made in Morocco dans le domaine des carreaux céramiques. En contrepartie, l’APIC et ses membres s’efforceront de recourir à un réseau de distribution pour la vente de leurs produits aux projets immobiliers. La conquête du marché national passera notamment par une meilleure collaboration avec les promoteurs immobiliers et le ministère de l’Habitat. Les deux associations veulent fédérer les acteurs publics et privés concernés et organiser des assises du bâtiment afin de proposer des solutions en vue de redynamiser ce secteur. L’APIC défend d’ailleurs bec et ongles une règle de la préférence nationale pour tous les projets bénéficiant d’une exonération de la TVA, et donc, d’une subvention qui devrait bénéficier au tissus industriel national. Selon les industriels, la préférence nationale devrait s’appliquer à chaque fois que le prix du carreau céramique marocain équivaut au carreaux importé; ainsi, la subvention de l’État à travers l’exonération de la TVA bénéficierait à tout les secteurs industriels nationaux impliqués dans l’acte de bâtir.