Nouvel ADN pour l’AMMC

Nezha Hayat, Présidente de l’AMMC
L’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) vient de dévoiler son nouveau plan stratégique pour la période 2017-2020. L’organe se veut désormais plus adapté aux exigences du marché financier marocain et ceci en capitalisant sur une indépendance renforcée et un champ d’intervention plus élargi. Nezha Hayat, présidente de l’AMMC, nous explique comment l’Autorité souhaite regagner la confiance des investisseurs et des épargnants…
Les Inspirations ÉCO : Comment votre plan stratégique 2017-2020 peut-il marquer une «rupture» avec les approches et les pratiques traditionnelles ?
Nezha Hayat : La première rupture en termes de régulation financière dans notre pays a été consacrée par l’adoption de la loi sur l’Autorité marocaine du marché des capitaux. En effet, celle-ci – et conformément aux standards internationaux et aux principes de l’Organisation internationale de la commission des valeurs -, a permis d’une part de consacrer le principe d’indépendance du régulateur à la fois de la sphère politique et de la sphère économique et d’autre part a élargi son champ de compétence à l’ensemble du marché des capitaux puisque l’intervention de l’autorité ne se limite plus aux seules valeurs mobilières mais à l’ensemble des instruments financiers. De même, ladite loi a confié au régulateur de nouvelles prérogatives telles que l’habilitation des professionnels et l’éducation financière des épargnants et l’a doté de mécanismes de gouvernance plus efficaces à travers une présidence exécutive et dédiée, un conseil d’administration compact et opérationnel et un collège des sanctions indépendant et composé de professionnels du droit et de la finance. L’adoption récente de notre règlement général et de notre plan stratégique vont ainsi nous permettre de mettre en mouvement de manière plus marquée le dispositif que je viens d’énoncer et de faire évoluer notre rôle de gendarme vers celui de régulateur avec un grand R. Enfin, la rupture ne peut être véritablement perçue que si elle est accompagnée d’une communication adaptée sur les actions et démarches entreprises.
Quel traitement pour les valeurs dont la société est mise en liquidation ? Comment se fait l’arbitrage entre la continuité de la cotation d’une valeur et sa radiation (ex, cas General Tire, Diac Salaf, Samir) ?
Il faut préciser le cadre réglementaire applicable dans les contextes qui sont cités. Je rappelle que la loi sur la Bourse précise dans son article 17 que la radiation des valeurs inscrites à la cote de la Bourse est prononcée par la société gestionnaire à la demande de l’autorité lorsque la personne morale concernée fait l’objet d’une mise en liquidation. Par ailleurs, l’article 20 bis de la loi relative aux offres publiques sur le marché boursier dispose que le dépôt d’une offre publique de retrait est obligatoire en cas de radiation des titres de capital d’une société de la cote pour quelque cause que ce soit. Ainsi, avant de radier une société en liquidation, il est requis qu’une offre publique soit réalisée. Or la liquidation d’une société peut avoir deux origines principales : soit à l’initiative de l’assemblée générale des actionnaires, sans pour autant que la société ne soit en difficulté, soit par décision de justice en cas de situation financière irrémédiablement compromise. Dans ce cas, le lancement de l’offre publique est difficile, voire impossible. Habituellement, la valeur des fonds propres de la société est nulle, voire négative et par conséquent le lancement d’une offre publique sur des titres dont la valeur est nulle n’aurait pas de sens. En partant de ce constat, nous avons introduit un amendement au niveau de la nouvelle loi relative à la Bourse des valeurs qui dispose désormais que l’Autorité peut octroyer une dérogation quant à l’obligation de déposer une offre publique de retrait en cas de radiation de la société suite à sa mise en liquidation judiciaire résultant d’une situation irrémédiablement compromise.
Un «club des émetteurs» a vu le jour récemment. Une entité qui se veut force de proposition pour les futures réformes du marché des capitaux. N’y a-t-il pas là un risque que cette unité se monte à l’avenir comme bouclier face à des dispositions qui ne conviennent pas aux intérêts de certaines sociétés cotées ?
Le club des entreprises faisant appel public à l’épargne a été mis en place par la CGEM et nous avons appuyé cette initiative qui sera bénéfique dans une démarche de développement de notre marché. Ce club a pour vocation de participer aux débats qui président tout développement réglementaire. Cette participation peut être proactive en proposant des mesures particulières au regard du vécu des entreprises, ou réactive à travers la réponse à des consultations de l’Autorité prévues par les textes en vigueur. Il est entendu que le dernier mot revient au ministère de l’Économie et des finances et à l’AMMC. L’intérêt de ce club est qu’il va regrouper les entreprises faisant appel public à l’épargne et les fédérer pour qu’elles puissent exprimer à l’autorité des positions consensuelles au lieu d’avoir des avis individuels qui peuvent manquer de cohérence entre eux ou porter sur des aspects spécifiques à certaines entreprises. Bien entendu, nous avons tous intérêt à ce que les règles de notre marché soient adaptées et tiennent compte de la réalité de notre marché et c’est pour cela que l’Autorité encourage tous les acteurs à s’inscrire dans cette démarche participative.
Après le «club des émetteurs», à quand le club «des petits porteurs» ?
C’est aux acteurs concernés qu’il appartient de se structurer et de se constituer en clubs, groupements, associations ou autres pour faire entendre leurs voix. L’autorité encourage fortement ces initiatives et nous sommes prêts à collaborer avec ces entités en les écoutant et en prenant en compte leurs avis. Il est toutefois important que ces initiatives soient représentatives et structurées. En ce qui concerne les petits porteurs, nous les encourageons vivement à se regrouper dans un club ou association. En effet, les expériences sur d’autres places financières où de telles initiatives existent démontrent qu’elles contribuent à l’amélioration des règles de gouvernance et de transparence.